Damas, ton univers impitoyable...
©Ici Beyrouth

Depuis l’indépendance du Liban, la Syrie n’a jamais cessé de considérer le pays autrement que comme un appendice injustement arraché au panarabisme. Dès le début des guerres libanaises dites civiles, le régime des Assad a cherché à contrôler politiquement, militairement et économiquement son petit voisin.

"Un peuple, deux pays", disait Hafez el-Assad. Le rôle de la Syrie dans la désintégration du Liban est majeur. La bataille des 100 jours durant laquelle l’armée syrienne a encerclé et bombardé sans répit, en 1978, les quartiers d’Achrafieh, le siège terrible de Zahlé en 1981… Ces événements et bien d’autres restent dans les mémoires. En 1982, lors de l’invasion israélienne du Liban, les deux armées (israélienne et syrienne), après un simulacre de combat aérien, pour la forme, se sont partagé le boulot. Les Israéliens ont expulsé Arafat de Beyrouth et, après des semaines de bombardements, les Syriens l’ont chassé de Tripoli vers Tunis. Pour l’OLP, la route de Jérusalem ne passait désormais plus par Jounieh.

L’armée syrienne, sangsue politique et économique, n’a jamais appliqué l’accord de Taëf qui stipulait son retrait du Liban. Il faut dire qu’on lui a beaucoup facilité la tâche. La "guerre de libération", lancée de manière hasardeuse et insensée, a permis aux soldats syriens d’envahir ce qui restait du Liban et de s’installer durablement à Baabda et Yarzé (ministère de la Défense). Mais l’assassinat de Rafic Hariri en 2005 a rendu impossible son maintien au Liban.

Depuis, la Syrie des Assad n’a pas renoncé à son rôle au Liban. Elle ne le peut pas, soumise aux sanctions internationales et, notamment, depuis 2019, à la loi César décidée par les Américains,  elle vit de la contrebande à partir du Liban et a tellement profité des subventions de l’État libanais sur les produits de première nécessité et les matières premières, en ponctionnant des milliards de dollars, qu’elle a grandement participé à l’effondrement économique et financier du Liban.

C’est son unique priorité. Survivre à n’importe quel prix. Alors, entamer la moindre action en faveur des Palestiniens n’est pas vraiment au programme.

Loin de là.

En 2011 commençaient les "printemps arabes". En Syrie, les manifestations pour la démocratie se sont transformées en répression puis en guerre civile. Pendant les combats, le camp palestinien de Yarmouk, qui comptait 160.000 réfugiés a, opportunément, été totalement détruit et vidé de ses habitants. C’est une constante. La Syrie a fait la guerre, oui, mais aux Libanais, aux Palestiniens, aux Irakiens et à son propre peuple. La puissance armée de Damas n’a jamais posé le moindre problème aux Israéliens.

À un moment, le président Assad ne régnait plus que sur son palais. Mais la Russie, les Gardiens de la révolution iraniens et le Hezbollah ont volé à son secours et lui ont permis de récupérer la "Syrie utile" au prix de centaines de milliers de victimes et de destructions que des décennies ne pourront pas effacer.

Depuis le 7 octobre, Damas adopte un profil bas et une opération "portes et ciels ouverts". L’armée Israélienne agit à sa guise. Elle frappe Alep, Homs, le centre de Damas, les aéroports, les routes, sans la moindre tentative de riposte ou même de résistance… mais où sont donc les missiles anti aériens, les armes, ces milliers de chars, de canons, les avions de cette armée qui a terrifié les Libanais? Au hangar probablement.

Certaines factions à Damas pourraient même se sentir un peu délivrées de l’étouffant soutien irano-hezbollahi. Et parmi les 1.000 plaies du Liban, la présence hors de contrôle et de statistiques de 2,5 millions de Syriens est un atout politique qui donnerait raison à Hafez el-Assad, le jour, proche, où l’on aura de plus en plus de mal à distinguer, l’un de l’autre, "les deux pays". Israël, de son côté, se sent très à l’aise avec la Syrie 2.0. Le Golan syrien n’est plus qu’un souvenir, tout le monde en a fait un terrain de confrontation. À un moment, Vladimir Poutine risque de venir mettre son grain de sel en proposant par exemple des concessions dans la région, en échange de l’arrêt de l’armement déversé par les Occidentaux sur l’Ukraine. Et là, il faudra prendre garde que le Liban ne soit pas donné en lot de consolation à l’une ou l’autre partie. Mais comme on dit, la raison du plus fort…

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