Ceux-là aussi sont des criminels
©Ici Beyrouth

Il n’y a plus de temps pour les excuses, ni d’espace pour la compréhension. Nous sommes plongés dans l’odeur de la mort, la peur et l’exode.

Nous sommes désormais une boule d’angoisse, vivant dans la terreur, qu’on soit au cœur des frappes aériennes ou momentanément épargnés. Certains d'entre nous ne subissent peut-être pas directement les bombardements, mais nous connaissons tous des personnes menacées ou déplacées.

Chacun de nous a des proches encore dans leurs maisons, et leur sort nous préoccupe. Nous faisons tous des cauchemars, au son des avions de guerre qui survolent nos têtes, brisant non seulement le mur du son mais aussi notre paix intérieure, envahissant nos nuits de sommeil! Nous sommes tous prisonniers des images de destruction, des villages et des régions dévastés, des citoyens épuisés sur les routes et dans les écoles, de ceux qui cherchent un abri, tandis que certains, par cupidité, louent leur toit à des prix exorbitants.

Nous frôlons le point de rupture, et pourtant nous continuons à résister, dans l’espoir que notre pays renaisse de ses cendres, que le Liban de la vie revienne, que Beyrouth s’illumine à nouveau de joie, plutôt que de la voir dévorée par les flammes infernales des bombardements! Nous nous soutenons mutuellement, échangeons des messages de force, espérant que cette nuit sombre finira bien par se dissiper, et qu’un nouveau jour, meilleur, se lèvera, même si cela se fait attendre.

Nous retournerons à cette vie dont nous avons presque oublié les détails, une vie sans mort, une vie dont les images ont peu à peu disparu de nos souvenirs. Mais au milieu de tout cela, au cœur de cette destruction physique, psychologique et nationale, certains continuent à s’amuser, à jouer, à se moquer, à provoquer les innocents! Il y a ceux qui cherchent des applications et des sites où ils obtiennent des numéros dits suspects, qu’ils utilisent pour envoyer de faux messages menaçant les civils de mort, de bombardements, de destruction.

Après avoir commis leurs actes ignobles, ils suivent sur les écrans ceux qui, emportant ce qu’ils peuvent de leurs effets personnels, fuient leurs maisons pour rejoindre les rues. Ils observent froidement, leur conscience n’éprouvant aucune émotion ni pour un enfant, ni pour un malade, ni pour une personne âgée! Et finalement, on découvre que toute cette panique n’était qu’une sale blague orchestrée par un individu ignoble! Certains ont tellement de temps libre sur les bras qu’ils utilisent Photoshop pour créer de fausses alertes, imitant les messages du porte-parole de l’armée israélienne, avec pour seul objectif de semer la peur, de forcer un déplacement temporaire et de plonger la vie des citoyens dans une spirale noire. Ces individus sont plus criminels que les criminels eux-mêmes, allant même au-delà de leurs actes abjects.

En effet, si l’identité et les objectifs d’un criminel sont connus, celui qui agit sans but ni motivation, sinon pour se moquer et rire, est le plus vil de tous. Il y a également celui qui se délecte de voir des innocents contraints de quitter leurs maisons, d’entendre les pleurs des enfants, de voir les corps fragiles des personnes âgées avancer avec peine. Celui-là même n’est guère différent d’un tueur.

En fait, tuer ne nécessite pas toujours une arme, et la mort ne se limite pas au corps: elle atteint l’âme également, à travers la souffrance et cette tentative de surmonter une peur devenue si amère, si insupportable!

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