Peindre les hommes: l'audace de Gustave Caillebotte révélée à Orsay
Gustave Caillebotte, «Les Raboteurs de parquet», 1875, Musée d'Orsay Don, 1984 ©Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Le musée d’Orsay présente une rétrospective unique dédiée à Gustave Caillebotte. Avec environ 140 œuvres exposées, l’accent est mis sur les représentations masculines, dévoilant la modernité et l’audace du peintre, célèbre pour ses scènes de la vie quotidienne.  

Des hommes rabotant un parquet, sortant du bain ou se promenant sous la pluie, peints comme s’ils s’étaient laissés surprendre par un ami photographe: c’est la prouesse réalisée par Gustave Caillebotte (1848-1894), auquel le musée d’Orsay consacre une exposition inédite. 

Environ 140 œuvres et documents, dont 65 peintures représentant « la majorité de ses chefs-d’œuvre », ainsi que de nombreux dessins et études préparatoires sont présentés à partir de mardi et jusqu’au 19 janvier, selon Paul Perrin, directeur des collections du musée et commissaire de l’exposition, intitulée Caillebotte, peindre les hommes

Deux œuvres emblématiques de son travail sont à l’origine de cette exposition: Partie de bateau, acquise en 2022 par Orsay, et Jeune homme à sa fenêtre, acquise en 2021 par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles, partenaire du musée d’Orsay avec l’Art Institute de Chicago, tous deux prêteurs et qui accueilleront l’exposition en 2025. 

On y voit deux hommes, peints avec un «cadrage de génie qui fait toute la singularité de Caillebotte», selon M. Perrin. Le premier rame énergiquement, manches retroussées, face au «regardeur» qui semble assis dans la même barque. Le second contemple les toits de Paris depuis sa fenêtre, vu de dos, observé de très près par le peintre. 

L’exposition, la première consacrée au peintre à Orsay depuis son ouverture en 1986, est construite chronologiquement, de 1870 à 1894, autour de ces figures masculines: frères, amis, sportifs avec qui il rame et fait de la voile, ouvriers, passants qu’il croise en allant au café, près de la gare Saint-Lazare ou sur les Grands Boulevards. 

Ils représentent «deux-tiers de sa peinture de figures, contrairement à Manet, Degas ou Renoir pour qui la modernité est plutôt incarnée par des figures de femmes», et composent «une sorte d’autofiction personnelle, reflet de sa propre identité», explique M. Perrin. 

Raboteurs de parquet 

Parmi les chefs-d’œuvre exposés, Les Raboteurs de parquet (1875), habituellement exposé à Orsay, et ses études préparatoires, montrent à quel point l’artiste a observé et travaillé chaque geste et posture avant de réaliser son tableau. 

Autre pépite, Le Pont de l’Europe, dans sa version de 1876, représente des passants et un chien longeant de lourdes structures en fer et balustrades au-dessus de la gare Saint-Lazare, et dans celle de 1877, zoomée, montre trois hommes regardant à travers les structures métalliques d’où s’échappe la fumée d’un train. 

Rue de Paris, temps de pluie (1877) et ses fameux parapluies bleus côtoie des scènes d’intérieur moins connues, comme celle d’un des trois frères du peintre, en gros plan, coupant sa viande lors d’un déjeuner familial, ou d’un homme et une femme lisant dans un salon, dont les rôles semblent inversés. 

Boulevard vu d’en haut (1880) et Un refuge, boulevard Haussmann évoquent des perspectives dignes de drones. 

Caillebotte a longtemps été considéré, à tort, «comme un peintre amateur en raison de sa richesse», une fortune familiale dont il a hérité et qui lui a permis de soutenir très fortement le mouvement impressionniste, dont on célèbre les 150 ans cette année, tout en nourrissant d’autres passions: la voile, la philatélie et l’horticulture, selon le commissaire. 

Hommes nus 

L’une des salles les plus étonnantes est consacrée à la nudité, dont l’artiste déconstruit les codes sociaux: des hommes nus remplacent les traditionnelles baigneuses et n’ont rien en commun avec des naïades. 

Dans L’Homme au bain (1884), un homme vu de dos, légèrement penché en avant, s’essuie vigoureusement dans une posture peu avantageuse tandis que des traces d’eau imprègnent le plancher de la salle de bain. 

«C’est tellement radical, même Degas (qui s’en rapproche, ndlr) n’a jamais fait ça», commente pour l’AFP Gloria Groom, conservatrice en chef du département peinture et sculpture européenne de l’Art Institute de Chicago. 

Si l’érotisation est évidente, «rien ne permet d’attester de l’homosexualité du peintre», selon M. Perrin. Caillebotte ne s’est jamais marié et n’a pas eu d’enfants. Il a vécu avec une femme, Charlotte Berthier. 

Dans l’exposition, un Nu au divan représente une jeune femme allongée sur un divan fleuri, qui apparaît dans d’autres œuvres. Recouvrant son visage avec un bras, elle replie nonchalamment une jambe, ne semblant prêter aucune attention à celui qui la regarde.

Avec AFP

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