Geagea: Élire un président non soumis au Hezb
"Il est de notre devoir d’élire un président capable de conduire le pays sur la voie du sauvetage, sinon nous serions en train de trahir notre pays et la confiance que le peuple libanais a placée en nous", a déclaré le leader des Forces Libanaises Samir Geagea dimanche, après la messe annuelle à l’intention des martyrs de la Résistance libanaise.

"Je voudrais, contrairement à l’habitude, souhaiter la bienvenue à certaines personnalités en raison de l’importance de leur présence; je voudrais saluer la délégation du parti Kataëb, représenté par les députés Salim el-Sayegh et Nadim Gemayel, ainsi que les députés Achraf Rifi, Michel Mouawad, Fouad Makhzoumi, Adib Abdel Massih, Nehmat Frem et Ghassan Skaff ici présents".  C’est en ces termes que le leader des Forces libanaises Samir Geagea a entamé son discours dimanche en fin d’après-midi, après la messe annuelle célébrée à Meerab à l’intention des martyrs de la Résistance libanaise. La messe, placée sous le patronage du patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a été précédée d'un défilé, en rangs serrés, des scouts des Forces libanaises au son de chansons partisanes.

La courte introduction de M. Geagea dans son discours, loin d’être anodine, avait pour principal but de mettre en avant le noyau de l’opposition parlementaire qui commence à se constituer à la veille de l’élection présidentielle. Les députés précités, réputés pour être très vocaux contre le camp présidentiel et le Hezbollah, œuvreraient activement pour rallier autour d’eux d’autres élus au sein de la Chambre, afin de barrer la voie à un candidat proche de l’axe du 8 Mars. De plus, la présence remarquée de la délégation Kataëb, avec qui les Forces libanaises ont été en froid pendant plusieurs années (notamment depuis l’accord de Meerab en janvier 2016), est un signe indicateur d’un rapprochement certain qui commence à prendre forme entre les deux partis, deux mois avant la fin du mandat de Michel Aoun.

D’ailleurs, le discours de Samir Geagea était principalement axé sur l’échéance présidentielle qu’il a abordée à travers une diatribe particulièrement violente contre le camp présidentiel et son allié chiite, le Hezbollah, à qui il a nommément attribué la responsabilité de l’effondrement du Liban à tous les niveaux. Le bilan qu’il a dressé, surtout du mandat de Michel Aoun, «le président le plus faible et le plus soumis de l’histoire du Liban» lui a servi d’entrée en matière afin de dresser le profil d’un nouveau président à l’antipode de tout ce que le fondateur du CPL représente. Le leader des FL a proposé une sorte de feuille de route dans laquelle il a détaillé les principaux critères qui doivent dicter le choix du prochain président de la République. "Nous sommes aujourd’hui devant un tournant décisif de l’histoire de notre pays, a-t-il martelé. Nous devons élire un président fort, qui soit capable de briser le statu quo dans lequel nous vivons. Il nous faut un président qui soit  l’antipode de Michel Aoun et de son sexennat. Un président capable de sauver le Liban en luttant contre la corruption, le trafic de drogues, la contrebande etc. mais aussi, un président indépendant, qui ne soit pas soumis à l’axe de la moumanaa (Iran-Syrie-Hezbollah), qui refuse de compromettre les intérêts du pays au profit de ses gains personnels, et qui soit prêt à mettre en place des réformes et à relever tous les défis qui se présenteront à lui", a-t-il ajouté.

M. Geagea n’a pas hésité à hausser le ton en parlant de Michel Aoun, l’attaquant frontalement, en l’affublant du titre du "président le plus faible de l’histoire du Liban", et en notant que le peuple libanais "compte les jours avant la fin de son mandat, alors que quarante ans après l'élection de Béchir Gemayel, les Libanais se souviennent des 21 jours de la présidence de Béchir et souhaitent qu'ils reviennent".

Pour M. Geagea, le mandat de Michel Aoun "a été catastrophique pour tout le Liban, tout comme il l’a été pour les chrétiens dans les années 80 lorsqu’il était chef du gouvernement transitoire". Et de poursuivre : "Ils (le camp présidentiel) bloquent le gouvernement et veulent bloquer la présidentielle pour que Gebran Bassil soit élu à la tête de l’État à la place de Michel Aoun. C’est pourquoi il incombe aux députés qui revendiquent leur appartenance au camp souverainiste, qui n’appartiennent pas au camp du 8 Mars et qui font partie de l’opposition, de s’entendre sur un candidat capable de sauver le Liban", appelant indirectement les treize députés du changement à unir leurs forces pour empêcher qu’un candidat pro-8 Mars n’accède à la magistrature suprême.


C’est dans ce contexte que le leader des FL a vivement critiqué ceux qui considèrent que l’élection présidentielle libanaise est tributaire des conjonctures régionales et internationales, en insistant sur « la seule responsabilité » des députés à ce niveau. "L’élection présidentielle ne concerne que les 128 députés qui siègent au Parlement. Le candidat qui sera élu ne sera président que grâce au résultat des voix de ces députés, qui en assument la responsabilité. Il est de notre devoir d’élire un président de sauvetage, sinon nous serions en train de trahir notre pays et la confiance que le peuple libanais a placée en nous", a-t-il déclaré.

Plus encore, Samir Geagea a établi une comparaison entre les priorités et les agissements de l’axe de la moumanaa et ceux des souverainistes pour mettre en garde les députés contre l’élection d’un président issu du 8 Mars: "Ils ont leur Liban et nous avons le nôtre. Le leur n’est que destruction, pauvreté, humiliation, isolement, Captagon, répression et misère ; tandis que le nôtre favorise l'indépendance, l’économie, l’infrastructure, la modernité, le progrès, les libertés et l’État de droit. C’est pourquoi nous affronterons tout projet politique qui aliénera l’identité, l’image, l’histoire et l’avenir du Liban."

Sur un autre plan, le chef des FL a abordé la question de la délimitation de la frontière maritime avec Israël, ironisant sur le fait que les négociations indirectes avec l’État hébreu soient considérées par l’axe de la Moumanaa comme étant «légitimes», contrairement à celles qui devraient avoir lieu avec la Syrie au sujet de l’appartenance des fermes de Chebaa, dans une attaque à peine voilée contre le Hezbollah. "Il (le Hezbollah) nous fait croire que le Liban est le maillon le plus fort de la région pendant que notre peuple souffre d’une pauvreté extrême. Il s’évertue à nous promettre monts et merveilles pour nous distraire de la réalité et de notre quotidien. Son slogan "Nous protégeons et nous bâtissons" n’est que mensonge. Il ne fait que protéger la corruption sur le plan interne et bâtir des murs sur le plan externe pour nous isoler de la communauté internationale", a-t-il déploré.

Samir Geagea a, d’autre part, salué la mémoire des victimes de la double explosion survenue au port de Beyrouth le 4 août 2020, en tirant à boulets rouges sur le tandem Amal-Hezbollah, accusé de bloquer le cours de l’enquête. "La vérité éclate toujours. Elle peut être temporairement étouffée, mais elle apparaîtra au grand jour", a-t-il assuré.

M. Geagea a achevé son allocution en adressant un message de soutien au patriarche maronite Béchara Raï, qui avait été la cible d’une tentative d’intimidation de la part du Hezbollah par le biais de l’interpellation de l’archevêque maronite de Haïfa, Mgr Moussa el-Hage, en juillet dernier. "Seul Bkerké envoie des messages. On n’envoie pas de messages à Bkerké", a conclu le leader maronite sous un tonnerre d’applaudissements.
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