Adoption du pacte migratoire par l'UE: des pays prêts à aller plus loin
Les pays de l'UE ont donné mardi leur ultime feu vert au pacte sur la migration et l'asile, une vaste réforme qui durcit le contrôle de l'immigration en Europe, mais une partie d'entre eux réclament déjà d'aller plus loin.

À moins d'un mois des élections européennes pour lesquelles les sondages prédisent une poussée des partis anti-immigration, cet ensemble d'une dizaine de législations, âprement négocié pendant des années, a été formellement adopté par le Conseil de l'UE (représentant les États membres). Le Parlement avait donné son aval en avril.

La Hongrie et la Pologne ont voté contre tous les textes, qui ont été adoptés à la majorité qualifiée (55% des États membres représentant au moins 65% de la population de l'UE), tandis que l'Autriche et la Slovaquie ont voté contre certains de ces textes.

La réforme met en place une procédure de "filtrage" des migrants aux frontières de l'UE afin de différencier plus efficacement ceux qui sont susceptibles d'obtenir l'asile de ceux qui doivent être renvoyés dans leur pays d'origine. De plus, elle établit un mécanisme de solidarité entre les 27 pays pour la prise en charge des demandeurs d'asile.

Ce pacte se fonde sur une proposition de la Commission présentée en septembre 2020, après l'échec d'une précédente tentative de réforme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016.

À côté de cette réforme, qui ne s'appliquera que courant 2026, l'UE multiplie les accords controversés avec les pays d'origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Égypte) pour tenter de réduire le nombre d'arrivées à ses frontières.

L'UE, qui accueille par ailleurs plus de 4 millions de réfugiés ukrainiens, fait face à une hausse des demandes d'asile, qui s'élèvent à 1,14 million en 2023, soit leur plus haut niveau depuis 2016, selon l'Agence européenne pour l'asile. Les entrées "irrégulières" dans l'UE sont aussi en augmentation, à 380.000 en 2023, selon Frontex.

Une "procédure à la frontière" sera mise en place pour les individus ayant statistiquement moins de chances d'obtenir l'asile : ils seront temporairement retenus dans des centres pour une durée maximale de six mois, le temps de l'examen de leur dossier. Les autres demandeurs d'asile suivront la procédure classique.














Les organisations de défense des droits humains, ainsi que certains élus de tendance gauche et écologiste, ont vivement critiqué ce pacte, dénonçant la possibilité de placer en détention des familles avec enfants et une "criminalisation" des personnes exilées. En revanche, l'extrême droite a reproché la "faiblesse" de la réforme.













La règle en vigueur selon laquelle le premier pays d'entrée dans l'UE d'un migrant est responsable de sa demande d'asile est maintenue avec quelques amendements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l'Italie, la Grèce ou l'Espagne, un système de solidarité obligatoire est organisé.

Les autres États membres doivent accueillir un certain nombre de demandeurs d'asile ou apporter une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays sous pression migratoire.

Le pacte s'imposera à tous les pays de l'UE, sous peine de procédures d'infraction. Mais les détails de mise en œuvre pratique de cette réforme complexe restent encore à préciser.

Des États membres ont déjà signalé leur volonté d'aller plus loin dans l'externalisation de la gestion migratoire. L'Italie a conclu récemment avec l'Albanie un accord pour envoyer dans ce pays candidat à l'UE des migrants secourus dans les eaux italiennes, afin que leurs demandes d'asile y soient traitées.

Un groupe de pays, à leur tête le Danemark et la République tchèque, s'apprêtent à envoyer une lettre dans laquelle ils plaident pour transférer des migrants hors de l'UE. Ces nouvelles propositions, dont la version définitive n'a pas été dévoilée, sont destinées à la prochaine Commission, qui prendra ses fonctions après les Européennes.

Cela "pose beaucoup de questions sur le type de modèle possible, notamment parce qu'il faudra qu'il soit aligné avec les textes européens", souligne Camille Le Coz, directrice associée au centre de réflexion Migration Policy Institute Europe.

La loi européenne prévoit qu'un immigrant arrivant dans l'UE puisse être envoyé dans un pays extérieur au bloc où il aurait pu demander l'asile, à condition qu'il ait un lien suffisant avec ce pays tiers. Ce qui exclut à ce stade un modèle de type Royaume-Uni/Rwanda.
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