Netanyahou, la guerre ou la chute
©(Photo de HENRY NICHOLLS/AFP)
Contesté au sein de son propre pays, critiqué par la communauté internationale pour sa gestion de la guerre à Gaza, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, semble poursuivre sa fuite en avant. Empêtré dans des affaires de corruption, il joue sa survie politique et fait de la guerre une affaire personnelle, ce qui pourrait entraîner une régionalisation du conflit.
Impopulaire en Israël

Au centre de trois affaires de corruption, M. Netanyahou est devenu particulièrement impopulaire en Israël à la suite de sa réforme judiciaire qui a suscité des manifestations massives. Cette désapprobation s’est renforcée avec la guerre à Gaza, en raison du défaut d’anticipation de l’attaque du 7 octobre, d’une part, et du manque d’engagement envers la libération des otages, d’autre part.

En effet, Benjamin Netanyahou prône une «victoire totale» contre le Hamas et refuse toute négociation avec le mouvement islamiste. Cette position est mal perçue par les familles des otages, qui estiment que le gouvernement ne donne pas la priorité au sort de leurs proches. De plus, la politique va-t-en-guerre du Premier ministre n’a permis à ce jour la libération que d’un seul otage, entraînant la mort de plusieurs autres sous les bombes israéliennes. Ces résultats suscitent des préoccupations quant à la survie des 132 otages restants, surtout compte tenu de l'ampleur des bombardements israéliens.

Face à ce constat, les protestations se multiplient en Israël où des milliers de personnes ont manifesté samedi à Tel-Aviv pour réclamer le retour des otages et le départ de Netanyahou. Des rassemblements ont également eu lieu devant la résidence du Premier ministre à Jérusalem, réunissant des centaines de personnes.

En plus des critiques de plus en plus vives au sein de la société israélienne, de nombreux désaccords entachent l’unité du Cabinet de guerre israélien. Netanyahou semble agir de manière unilatérale, ne communiquant apparemment pas avec le chef d'état-major de l'armée israélienne, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ni le directeur du Shin Bet concernant l'accord relatif au transport de médicaments à Gaza pour les otages, selon des informations relayées par le Jerusalem Post. Il semblerait que les trois ont appris la nouvelle par les médias, ce qui a entraîné un retard dans la mise en œuvre de l’accord.

Ces désaccords se manifestent également dans la stratégie à suivre à Gaza. Benny Gantz et Gadi Eisenkot plaident en faveur d'un cessez-le-feu afin de libérer les derniers otages, tout en se laissant la possibilité d’affronter à nouveau le Hamas à l’avenir. De leur côté, Netanyahou et Yoav Gallant assurent qu’il faut poursuivre l’opération militaire afin de parvenir à la libération des otages. Ils estiment, en effet, qu’un cessez-le-feu affaiblirait Israël et conduirait à de nouvelles attaques du Hamas à l’avenir.

Ce manque de cohésion au sein du gouvernement pourrait éventuellement conduire à une dissolution et à la tenue d'élections anticipées, une demande fortement exprimée par les membres de l'opposition israélienne, D’autant que, selon les estimations, la coalition menée par Netanyahou perdrait les élections si ces dernières avaient lieu prochainement.
Tensions avec les États-Unis

Malgré le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël, les relations entre Biden et Netanyahou ont du plomb dans l’aile. Un incident notable est survenu lors d'une discussion téléphonique entre les deux officiels, se concluant par un refus catégorique de la part de Netanyahou des exigences américaines, notamment celles liées à la solution à deux États. En effet, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, le Premier ministre israélien a affirmé qu’il continuerait à s’opposer à la création d’un État palestinien, qui constituerait, selon lui, un danger existentiel pour Israël.


De leur côté, les Américains souhaitent atténuer l'intensité de la guerre à Gaza et à améliorer la distribution de l'aide humanitaire pour éviter autant que possible une escalade régionale du conflit. Cette démarche s'explique par le fait que le président Biden prépare les prochaines élections, et les images largement diffusées de la guerre à Gaza ont profondément affecté une partie de l'opinion publique américaine. De plus, il nourrit l'espoir d'une normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël, laquelle implique nécessairement des discussions sur la création d'un État palestinien.

Alors que la guerre se prolonge, les Américains sont de plus en plus frustrés par le manque de collaboration de M. Netanyahou. Le président Biden «serait à bout», selon les médias américains, limitant ainsi les contacts avec le Premier ministre israélien qu’il considère comme «peu reconnaissant» du soutien américain.

Ces désaccords profonds pourraient pousser les Américains à se tourner vers l’opposition israélienne. Selon des informations rapportées par le Jerusalem Post, des hauts fonctionnaires américains auraient rencontré des membres de l’opposition, signe que Washington prépare le terrain de l’après-Netanyahou. Lors de sa dernière visite en Israël, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, aurait rencontré séparément d’autres dirigeants israéliens, dont le chef de l’opposition, Yair Lapid.
La guerre pour le pouvoir

Face aux contestations tant locales qu'internationales, Benjamin Netanyahou semble avoir choisi sa voie. Son objectif est clair, poursuivre la guerre, voire ouvrir un second front au Liban afin de se maintenir au pouvoir.

Il vise à faire oublier aux Israéliens ses manquements, notamment celles survenues lors de l'attaque du 7 octobre, en cherchant à obtenir une "victoire totale". Pour ce faire, il s'appuie sur un discours qui place la sécurité d'Israël comme une priorité absolue.

«Ceux qui évoquent l'après-Netanyahou parlent en réalité de la création d'un État palestinien», a-t-il déclaré, ajoutant qu'un Premier ministre israélien devait être «capable de dire non à nos amis», pointant clairement du doigt ses opposants qu'il accuse de vouloir "vendre" la sécurité du pays. Selon lui, ces accusations justifient son maintien au pouvoir, en dépit des appels répétés en faveur d'élections anticipées. Paradoxalement, c'est en prévision des prochaines élections qu'il continue de critiquer ses opposants.

Cependant, une telle politique jusqu'au-boutiste aura des conséquences à terme sur la sécurité d’Israël. Sans plan de paix viable, l’État hébreu se dirige vers un conflit perpétuel, une situation qui semble convenir à Netanyahou. Il exprime en effet son intention de poursuivre la guerre jusqu'à ce que le Hamas soit «éliminé», un objectif ambitieux qui semble encore lointain sur le terrain, malgré plus de quatre mois de guerre.

Mais face à l’évidente supériorité de l’armée israélienne, Netanyahou ne pourra pas repousser éternellement la tenue d'élections anticipées. À moins, bien sûr, qu'un second front ne s'ouvre au nord avec le Hezbollah…
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