Saad Hariri, Hamlet et la « couronne » du Liban


Dans son éditorial , Michel Touma compare la position de Saad Hariri à l’esprit de Munich et à la fameuse réplique de Winston Churchill à Arthur Chamberlain : « Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur, mais vous aurez quand même la guerre ».




Cette position prise par Saad Hariri et « imposée » au courant du Futur ainsi qu’aux membres de sa famille est, sur le plan personnel comparable à la position de Hamlet. Au début de la pièce, appelé par le spectre de son père pour le venger en tuant Claudius, l’oncle qui l’a assassiné, qui a épousé sa mère Gertrude et spolié la Couronne du Danemark, Hamlet n’arrive pas à honorer la mémoire de son père.




Frappé de procrastination, il remet sans cesse au lendemain ce qu’il n’arrive pas à faire le jour même. Toutes les raisons sont bonnes pour l’empêcher de se débarrasser de l’oncle et de venger son père et son comportement apparaît étrange à la cour. À la fin de la pièce, son oncle meurt, sa mère également, lui-même aussi et la Couronne du Danemark est ainsi détruite.




Saad Hariri se trouve dans la position de Hamlet. Il sait que le Hezbollah a assassiné son père de connivence, ou sur décision du régime syrien. A ce sujet, sa visite à Damas en 2009 sonne comme une trahison de son père de même que tous les compromis faits avec le Hezbollah. Que ses décisions aient été prises dans le but d’épargner une autre guerre civile au Liban, soit. Mais cela n’empêche pas que sur le plan subjectif, c’est son rapport à son père, Rafic Hariri, qui est en jeu.




La réaction à chaud de Walid Joumblatt ne trompe pas : « C’est le second assassinat de Rafic Hariri ». Cette déclaration choc est dure à entendre pour Saad Hariri. Mais Walid Joumblatt sait de quoi il parle, s’étant trouvé dans la même position après l’assassinat de son père Kamal Joumblatt par le régime syrien. En témoigne, il y a quelques années, son geste de déposer une rose sur la tombe de son père en reconnaissant qu’il a été lâche jusqu’alors.





Y a t-il quelque chose de pourri dans « le royaume » du Liban comme il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark ?




Il faut croire que oui.




Hamlet pose la question essentielle pour tout être humain, la question du père. C’est la même question que pose la psychanalyse, d’où l’intérêt que porte cette dernière à Hamlet.




Le rapport au père pose la question de la dette. Pour Nietzche, « on ne rend jamais son dû à un maître quand on en reste toujours, et seulement l’élève ». Cela est tout aussi valable pour notre rapport au père. On ne rend jamais son dû à son père quand on en reste toujours et seulement le fils.

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