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- Comprendre l'opération "Prosperity Guardian" en six points
©(AFP)
Emmenée par les États-Unis, l'opération "Prosperity Guardian" ("Gardien de la prospérité"), qui regroupe une dizaine de pays, a pour but de protéger la mer Rouge des attaques perpétrées par les Houthis depuis le Yémen. Retour en six points sur les principales particularités de ce déploiement.
Mercredi 27 décembre, les armateurs français CMA-CGM et danois Maersk, parmi les plus importants au monde, annonçaient reprendre le transit par le canal de Suez via la mer Rouge.
Les deux compagnies, ainsi que plusieurs géants du transport maritime mondial, avaient annoncé à la mi-décembre la suspension du passage de leurs navires par cette voie commerciale majeure, en raison de la multiplication des attaques lancées par les Houthis, basés dans l'ouest du Yémen.
La principale raison motivant ce retour tient en trois mots: opération "Prosperity Guardian" ("Gardien de la prospérité"). Derrière ce nom se cache une coalition d'une dizaine de pays, principalement occidentaux et emmenée par les États-Unis, pour mettre en place une protection contre les attaques du groupe soutenu par l'Iran.
Depuis l'attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas contre Israël, les Houthis lancent régulièrement des attaques contre le territoire de l'État hébreu par le biais de missiles à longue portée et de drones.
Le groupe pro-iranien a ensuite étendu ses opérations au ciblage de navires à destination ou liés à Israël, en transit par le détroit stratégique du Bab el-Mandeb. Plus de 12 % du fret maritime mondial et 40 % des échanges commerciaux de l'Asie avec l'Europe transitent par cet espace séparant la péninsule arabique de l'Afrique, ce qui rend son importance particulièrement critique.
Le 17 novembre, un commando héliporté arraisonne le porte-conteneurs Galaxy Leader et l'achemine au port de Hodeidah, qu'il contrôle. Depuis, une quinzaine de navires ont fait l'objet d'attaques de drones et de missiles, certains ayant même été endommagés.
Un extrait d'une vidéo diffusée par le centre des médias houthis Ansarullah le 19 novembre 2023 montre des membres du groupe rebelle lors de la capture du cargo Galaxy Leader en mer Rouge. (ANSARULLAH MEDIA CENTRE, AFP)
En réaction, les principales compagnies de transport mondiales ont annoncé les unes après les autres abandonner cette voie de communication pour lui préférer le passage par le contournement de l'Afrique. Si cette option offre davantage de sécurité, elle rallonge surtout le transit de deux semaines pour les navires à destination de l'Europe.
L'opération fut annoncée par le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin le 18 décembre. Ce dernier justifie un tel déploiement au motif que "l'escalade récente des attaques irresponsables des Houthis en provenance du Yémen menace la libre circulation du commerce, met en danger la vie de marins innocents et viole le droit international".
Le cargo Galaxy Leader sous contrôle houthi près de Hodeida, au Yémen, le 28 novembre (Maxar Technologies, AFP).
M. Austin précise alors que 10 pays participent à cette coalition: la France, le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne, et les Seychelles.
Israël, pourtant directement concerné, n'en fait pourtant pas officiellement partie. D'autre part, le secrétaire à la Défense a annoncé que plusieurs pays arabes, souhaitant rester anonymes, soutenaient l'opération.
La Grèce a ensuite annoncé son intention de rejoindre cette coalition, confirmant l'envoi d'un navire, tandis que l'Australie a affirmé envoyer du personnel militaire.
Une photo, datant de juin 2020, d'un destroyer américain quittant, en juillet 2019, les eaux territoriales égyptiennes. (William HARDY, AFP)
D'autre part, certains autres pays déjà présents au sein de l'opération ont déclaré envoyer uniquement du personnel, principalement par manque de moyens disponibles. C'est le cas du Canada, de la Norvège, des Pays-Bas, du Danemark et des Seychelles.
Au contraire, certains pays énumérés par M. Lloyd ont déclaré qu'ils ne prendraient pas part à l'opération. C'est d'abord le cas de l'Espagne, qui a précisé samedi 23 décembre préférer une mission exclusivement sous l'égide de l'Union européenne. L'Espagne possède actuellement une frégate dans la région, dans le cadre de l'opération européenne anti-piraterie Atalante.
La frégate française Languedoc et la frégate italienne Alpino en Méditerranée, le 27 mars 2023. (Jack GUEZ, AFP)
Mais c'est aussi le cas de Paris, dont la frégate Languedoc s'est illustrée le 9 et le 11 décembre en abattant des drones houthis.
Si la France a déclaré contribuer à la sécurité régionale par le biais de ses moyens déjà déployés dans la région, elle a préféré garder ces derniers sous son propre commandement. Il en est de même de l'Italie, qui a avancé des raisons similaires.
L'opération "Prosperity Guardian" est placée sous le commandement de la Combined Task Force 153, une unité multinationale sous commandement américain, créée en 2022.
Selon le Pentagone, le cœur de cette unité est composé d'au moins cinq navires de combat (trois américains, un britannique et un grec), auxquels s'ajoute un certain nombre d'aéronefs (avions de combat, de patrouille, hélicoptères et drones). La présence du porte-avions USS Eisenhower, bien que temporaire, est, elle aussi, mise à contribution.
Sur cette photo obtenue auprès du ministère américain de la Défense, le porte-avions USS Dwight D. Eisenhower de la Marine américaine traverse le détroit d'Ormuz le 26 novembre 2023. (Merissa DALEY, Département de la défense des États-Unis, AFP)
Dans ce cadre, le principal objectif de "Prosperity Guardian" est donc de mettre en place une protection permanente des navires en transit. Celle-ci prend la forme d'une protection anti-aérienne adaptée contre les vecteurs utilisés par les Houthis, offerte par les navires de combats présents sur zone.
Les attaques houthies déjouées par les marines française et américaine depuis le 7 octobre ont souligné l'efficacité de la mise en œuvre de tels moyens. Pour autant, certains analystes émettent des réserves quant au rapport entre le prix des moyens engagés par les Houthis et ceux à disposition de la coalition.
En effet, le coût moyen des drones employés par le groupe pro-iranien se situerait aisément en dessous de 100.000 dollars. Selon le Center for Strategic and International Studies, les modèles les plus rustiques coûteraient même moins de 2.000$. Le modèle Shahed-136, connu pour son utilisation en Ukraine et partie intégrante de l'arsenal houthi, aurait quant à lui un prix situé autour de 20.000$.
À titre de comparaison, les missiles de défense anti-aérienne en usage sur les navires occidentaux sont sensiblement plus onéreux, avec des prix situés autour de 2 millions de dollars. En effet, le coût des moyens employés en défense peut paraître profondément déséquilibré au regard de celui des vecteurs d'attaque. "La compensation des coûts n'est pas de notre côté", a notamment déclaré un responsable du Département de la Défense américain.
Pour autant, ces échelles de coûts doivent être elles-mêmes mises en perspective avec l'impact sur le commerce mondial qu'aurait une interruption prolongée de la circulation par le bab el-Mandeb. L'arrêt du transit par les principales compagnies de fret maritimes, même pour quelques jours, a notamment entraîné une hausse du prix des carburants, des primes d'assurance et des coûts de transit.
Cette photo prise le 19 octobre 2023 par l'US Navy montre le destroyer à missiles guidés de classe Arleigh Burke USS Carney (DDG 64) en train de vaincre une combinaison de missiles Houthi et de véhicules aériens sans pilote en mer Rouge. (Aaron LAU, US NAVY, AFP)
Cette hausse finit donc irrémédiablement par se répercuter sur les prix de consommation. Les principaux perdants d'une telle situation seraient en premier lieu les pays européens et du bassin méditerranéen.
Dans ce cadre, l'usage de missiles pouvant coûter jusqu'à deux millions de dollars paraît d'emblée beaucoup plus pertinent. D'autant que toute aventure militaire occidentale visant à calmer les ardeurs des Houthis aurait un coût foncièrement plus élevé, sans parler des conséquences géopolitiques catastrophiques que cela pourrait entraîner.
Mercredi 27 décembre, les armateurs français CMA-CGM et danois Maersk, parmi les plus importants au monde, annonçaient reprendre le transit par le canal de Suez via la mer Rouge.
Les deux compagnies, ainsi que plusieurs géants du transport maritime mondial, avaient annoncé à la mi-décembre la suspension du passage de leurs navires par cette voie commerciale majeure, en raison de la multiplication des attaques lancées par les Houthis, basés dans l'ouest du Yémen.
La principale raison motivant ce retour tient en trois mots: opération "Prosperity Guardian" ("Gardien de la prospérité"). Derrière ce nom se cache une coalition d'une dizaine de pays, principalement occidentaux et emmenée par les États-Unis, pour mettre en place une protection contre les attaques du groupe soutenu par l'Iran.
Pourquoi une telle opération?
Depuis l'attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas contre Israël, les Houthis lancent régulièrement des attaques contre le territoire de l'État hébreu par le biais de missiles à longue portée et de drones.
Le groupe pro-iranien a ensuite étendu ses opérations au ciblage de navires à destination ou liés à Israël, en transit par le détroit stratégique du Bab el-Mandeb. Plus de 12 % du fret maritime mondial et 40 % des échanges commerciaux de l'Asie avec l'Europe transitent par cet espace séparant la péninsule arabique de l'Afrique, ce qui rend son importance particulièrement critique.
Le 17 novembre, un commando héliporté arraisonne le porte-conteneurs Galaxy Leader et l'achemine au port de Hodeidah, qu'il contrôle. Depuis, une quinzaine de navires ont fait l'objet d'attaques de drones et de missiles, certains ayant même été endommagés.
Un extrait d'une vidéo diffusée par le centre des médias houthis Ansarullah le 19 novembre 2023 montre des membres du groupe rebelle lors de la capture du cargo Galaxy Leader en mer Rouge. (ANSARULLAH MEDIA CENTRE, AFP)
En réaction, les principales compagnies de transport mondiales ont annoncé les unes après les autres abandonner cette voie de communication pour lui préférer le passage par le contournement de l'Afrique. Si cette option offre davantage de sécurité, elle rallonge surtout le transit de deux semaines pour les navires à destination de l'Europe.
Qui participe?
L'opération fut annoncée par le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin le 18 décembre. Ce dernier justifie un tel déploiement au motif que "l'escalade récente des attaques irresponsables des Houthis en provenance du Yémen menace la libre circulation du commerce, met en danger la vie de marins innocents et viole le droit international".
Le cargo Galaxy Leader sous contrôle houthi près de Hodeida, au Yémen, le 28 novembre (Maxar Technologies, AFP).
M. Austin précise alors que 10 pays participent à cette coalition: la France, le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne, et les Seychelles.
Israël, pourtant directement concerné, n'en fait pourtant pas officiellement partie. D'autre part, le secrétaire à la Défense a annoncé que plusieurs pays arabes, souhaitant rester anonymes, soutenaient l'opération.
La Grèce a ensuite annoncé son intention de rejoindre cette coalition, confirmant l'envoi d'un navire, tandis que l'Australie a affirmé envoyer du personnel militaire.
Une photo, datant de juin 2020, d'un destroyer américain quittant, en juillet 2019, les eaux territoriales égyptiennes. (William HARDY, AFP)
D'autre part, certains autres pays déjà présents au sein de l'opération ont déclaré envoyer uniquement du personnel, principalement par manque de moyens disponibles. C'est le cas du Canada, de la Norvège, des Pays-Bas, du Danemark et des Seychelles.
Qui ne participe pas?
Au contraire, certains pays énumérés par M. Lloyd ont déclaré qu'ils ne prendraient pas part à l'opération. C'est d'abord le cas de l'Espagne, qui a précisé samedi 23 décembre préférer une mission exclusivement sous l'égide de l'Union européenne. L'Espagne possède actuellement une frégate dans la région, dans le cadre de l'opération européenne anti-piraterie Atalante.
La frégate française Languedoc et la frégate italienne Alpino en Méditerranée, le 27 mars 2023. (Jack GUEZ, AFP)
Mais c'est aussi le cas de Paris, dont la frégate Languedoc s'est illustrée le 9 et le 11 décembre en abattant des drones houthis.
Si la France a déclaré contribuer à la sécurité régionale par le biais de ses moyens déjà déployés dans la région, elle a préféré garder ces derniers sous son propre commandement. Il en est de même de l'Italie, qui a avancé des raisons similaires.
Quels effectifs?
L'opération "Prosperity Guardian" est placée sous le commandement de la Combined Task Force 153, une unité multinationale sous commandement américain, créée en 2022.
Selon le Pentagone, le cœur de cette unité est composé d'au moins cinq navires de combat (trois américains, un britannique et un grec), auxquels s'ajoute un certain nombre d'aéronefs (avions de combat, de patrouille, hélicoptères et drones). La présence du porte-avions USS Eisenhower, bien que temporaire, est, elle aussi, mise à contribution.
Sur cette photo obtenue auprès du ministère américain de la Défense, le porte-avions USS Dwight D. Eisenhower de la Marine américaine traverse le détroit d'Ormuz le 26 novembre 2023. (Merissa DALEY, Département de la défense des États-Unis, AFP)
Dans ce cadre, le principal objectif de "Prosperity Guardian" est donc de mettre en place une protection permanente des navires en transit. Celle-ci prend la forme d'une protection anti-aérienne adaptée contre les vecteurs utilisés par les Houthis, offerte par les navires de combats présents sur zone.
Des moyens de défense coûteux
Les attaques houthies déjouées par les marines française et américaine depuis le 7 octobre ont souligné l'efficacité de la mise en œuvre de tels moyens. Pour autant, certains analystes émettent des réserves quant au rapport entre le prix des moyens engagés par les Houthis et ceux à disposition de la coalition.
En effet, le coût moyen des drones employés par le groupe pro-iranien se situerait aisément en dessous de 100.000 dollars. Selon le Center for Strategic and International Studies, les modèles les plus rustiques coûteraient même moins de 2.000$. Le modèle Shahed-136, connu pour son utilisation en Ukraine et partie intégrante de l'arsenal houthi, aurait quant à lui un prix situé autour de 20.000$.
À titre de comparaison, les missiles de défense anti-aérienne en usage sur les navires occidentaux sont sensiblement plus onéreux, avec des prix situés autour de 2 millions de dollars. En effet, le coût des moyens employés en défense peut paraître profondément déséquilibré au regard de celui des vecteurs d'attaque. "La compensation des coûts n'est pas de notre côté", a notamment déclaré un responsable du Département de la Défense américain.
Des solutions néanmoins pertinentes
Pour autant, ces échelles de coûts doivent être elles-mêmes mises en perspective avec l'impact sur le commerce mondial qu'aurait une interruption prolongée de la circulation par le bab el-Mandeb. L'arrêt du transit par les principales compagnies de fret maritimes, même pour quelques jours, a notamment entraîné une hausse du prix des carburants, des primes d'assurance et des coûts de transit.
Cette photo prise le 19 octobre 2023 par l'US Navy montre le destroyer à missiles guidés de classe Arleigh Burke USS Carney (DDG 64) en train de vaincre une combinaison de missiles Houthi et de véhicules aériens sans pilote en mer Rouge. (Aaron LAU, US NAVY, AFP)
Cette hausse finit donc irrémédiablement par se répercuter sur les prix de consommation. Les principaux perdants d'une telle situation seraient en premier lieu les pays européens et du bassin méditerranéen.
Dans ce cadre, l'usage de missiles pouvant coûter jusqu'à deux millions de dollars paraît d'emblée beaucoup plus pertinent. D'autant que toute aventure militaire occidentale visant à calmer les ardeurs des Houthis aurait un coût foncièrement plus élevé, sans parler des conséquences géopolitiques catastrophiques que cela pourrait entraîner.
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