Dans un discours au ton intransigeant, le patriarche maronite, Mgr Bechara Raï, a refusé, dimanche, toute «atteinte à la stabilité au niveau du commandement de l’armée» et fustigé «le Parlement qui n’assume pas son rôle» constitutionnel.

«Il ne faut pas toucher au commandement de l’armée, jusqu’à ce qu’un nouveau président soit élu», a asséné, catégorique, le chef de l’Église maronite, dans son homélie dominicale, à Bkerké.

«Il n’est pas possible d’invoquer, dans ce contexte, les mesures prises dans d’autres institutions, afin d’éviter le vide qui aurait pu y survenir», dit-il en faisant allusion à la Banque du Liban et à la Sûreté générale. «Ce qui est en jeu ici, explique-t-il, c’est la sécurité sur l’ensemble du territoire libanais, aux frontières et notamment à la frontière sud, conformément à la résolution 1701», du Conseil de sécurité.

Mgr Raï répondait ainsi directement au chef du CPL, Gebran Bassil, qui est le seul à s’opposer à une prolongation du mandat du commandant en chef des forces régulières, le général Joseph Aoun, lequel part à la retraite le 10 janvier 2024, pour des raisons essentiellement personnelles. M. Bassil veut que l’officier le plus haut gradé soit aux commandes de l’armée, en attendant la nomination d’un nouveau chef, une fois qu’un président de la République sera élu. Or, l’officier le plus haut gradé est un de ses proches.

Gebran Bassil veut ainsi faire d’une pierre deux coups: se débarrasser du général Aoun, un candidat sérieux à la présidence de la République, convoitée par le chef du CPL, et placer à la tête de la Troupe un de ses proches, alors que le CPL cherche à asseoir sa présence dans toutes les administrations clés. Il avait essayé de jouer le même jeu à la BDL, menant une campagne farouche contre l’ancien gouverneur, Riad Salamé, pour tenter de s’en débarrasser avant la fin du mandat de son beau-père, l’ancien président Michel Aoun et pouvoir ainsi nommer un remplaçant qui lui soit affilié.

Un jeu qui ne dupe personne et surtout pas le patriarche Raï, qui a de nouveau tancé le chef du CPL, sans le nommer. «Toute modification au sein de l’armée nécessite de la sagesse et ne doit pas être exploitée à des fins personnelles», a-t-il dit, avant d’appeler le Parlement à «cesser d’exposer l’État à des risques et à élire un président de la République».


Selon la MTV, le patriarche maronite, qui reste intransigeant au sujet du commandement de l'armée, aurait fait parvenir au Hezbollah un message dans lequel il le met en garde contre toute atteinte à l'esprit du Pacte national (la parité islamo-chrétienne) en procédant à la nomination d'un nouveau chef de la Troupe, en l'absence d'un président de la République. Le chef de l'Église aurait également fait savoir à la formation pro-iranienne qu'il ira jusqu'au bout de son opposition à toute formule autre que la prolongation du mandat du général Aoun, en attendant l'élection d'un nouveau président de la République.

La démarche de Mgr Raï est motivée par les informations sur un deal que le chef du CPL essaie de conclure avec le Hezbollah pour pouvoir écarter le général Joseph Aoun.

Pour en revenir à l'homélie patriarcale, Mgr Raï a ensuite appelé «les obstructionnistes à ne plus créer des crises et des impasses et à procéder immédiatement à l’élection d’un président». «Le Parlement fait exprès de ne pas accomplir son devoir d’élire un président et le gouvernement est divisé à cause de ceux qui boycottent ses réunions. Et c’est le peuple, dont la pauvreté s’aggrave, qui est le plus affecté par ces pratiques. Vous n’avez pas le droit de mettre en danger la stabilité des institutions, en particulier celle de l’armée», a-t-il lancé.

Le patriarche faisait référence aux ministres du Courant patriotique libre qui n’assistent pas aux sessions du Conseil des ministres.

Une partie de son homélie a porté sur la pauvreté, à l’occasion de la septième Journée mondiale contre la pauvreté. Il a ainsi rappelé, qu’en vertu de la décision de l’Assemblée des patriarches et des évêques catholiques du 7 novembre, les patriarcats et les monastères feront des dons et que les plateaux de collecte des messes du dimanche seront consacrés au soutien aux habitants sinistrés et pauvres du sud.

Cet appel avait déclenché une campagne de diffamation à l’encontre du patriarche, campagne qui avait été dénoncée et rejetée par la plupart des forces politiques dans le pays.
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