Le nouveau Moyen Âge

Nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle, que certains qualifient de «nouveau Moyen Âge». Comme le disait Gramsci, «L’ancien meurt et le nouveau ne peut pas naître». La fin de la domination de l'Occident, la montée en puissance des BRICS en tant qu'alternative, la transformation des sociétés héritées de l'ère industrielle, la résurgence du religieux, la révolution anthropologique liée à l'avènement du numérique, l'explosion démographique et les mouvements migratoires, ainsi que les défis posés par la crise énergétique et les conséquences du changement climatique: ces signes doivent être interprétés comme des indicateurs de changements profonds. Au même moment, on constate l’affaiblissement de la démocratie américaine, jadis un pilier, et la montée du populisme autoritaire qui créent un climat de bouleversements mondiaux en transition.
Cette dynamique rappelle la chute de l'Empire romain, qui a coïncidé avec des transformations sociales, politiques et géopolitiques majeures. À l'époque, l'Empire romain s'est morcelé sous les assauts des Vikings au nord, des Hongrois à l'est, et des Sarrasins au sud, tandis que l'Empire byzantin a vu son pouvoir décliner, perdant une grande partie de ses territoires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au profit des califats arabes. Cette période s'est achevée symboliquement avec la découverte de l'Amérique à l'époque moderne.
On ne peut pas transposer mécaniquement ces situations historiques, mais plutôt les comprendre dans leur contexte. Nous vivons désormais une nouvelle ère géopolitique et historique, marquée par la fin de la domination occidentale et l'émergence d'un entre-deux que l'on pourrait qualifier de «nouveau Moyen Âge». Cette transition engendre des conflits, des tensions, la montée du nationalisme, des bouleversements sociaux, voire l'avènement de régimes autoritaires créant un clivage majeur.
Il est important de se référer aux événements récents, tels que la guerre en Ukraine, les conflits au Proche-Orient et le déclin de l'influence française en Afrique de l'Ouest, pour comprendre cette séquence. Chacun de ces épisodes possède sa propre dynamique temporelle. Dans ce contexte, le sommet entre Poutine et Xi Jinping se tient symboliquement en ce moment, suggérant une alternative aux modèles établis.

Le chemin est tracé pour que la séquence actuelle, marquée par ces conflits, amplifie la tendance lourde. Les bombardements à Gaza ont déjà exacerbé les tensions dans le monde arabo-musulman, avec des manifestations qui se propagent jusqu'en Occident, portant des slogans comme «Allahu Akbar» dans les rues de Paris, Londres et Berlin. Une intervention terrestre d'Israël à Gaza, en raison de sa violence, de sa durée et des victimes civiles, susciterait des protestations à l'échelle mondiale. La possibilité d'une intervention du Hezbollah reste incertaine, de même que l'insurrection du Hamas en Cisjordanie.
Évidemment, les démocraties occidentales ne peuvent ignorer de telles situations. Les mesures de rétorsion et de contrôle seront mises en place, influencées par des discours identitaires et parfois suprémacistes. A peu près partout la «libanisation des esprits» est en cours. Pour répondre à ces défis, les appels à l'unité se font entendre, sachant que les années à venir seront pleines d'incertitude aussi bien au nord qu’au sud.
 
*Rita Maalouf est une universitaire française spécialisée en géopolitique . Elle est auditrice de l'Institut des hautes études de défense national (IHEDN)
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