Le réseau internet au Liban, de mal en pire
Alors que l’accès à Internet était presque impossible dimanche matin pour les habitants de plusieurs quartiers de Beyrouth, le directeur de l’opérateur public Ogero, Imad Kreidié, a menacé de démissionner «si les moyens pour travailler ne lui sont pas assurés». Il avait prévenu la veille en soirée sur son compte Twitter que le central de Beyrouth III qui dessert entre autres les quartiers de Mazraa, Mousseitbé, Hamra et Ras Beyrouth, «cessera de fonctionner» par manque de fuel. Le directeur a également affirmé que les centraux d’Achrafieh et de Jdeidé risquent d'être hos service.

Dans une inteview à la chaîne Al-Jadeed, le patron d’Ogero a affirmé que l’armée libanaise ainsi qu’un donateur anonyme avaient fourni assez de fuel pour les trois centraux en question «pour trois jours uniquement». La société Ogero a annoncé dimanche vers midi trente que le problème de Mazraa avait été réglé, mais que les services à partir du central d’Achrafieh étaient interrompus dans l’attente du fuel.

Tout comme le reste des secteurs de l’industrie ou des services, les services de communications ont été fortement impactés par la crise des carburants et la quasi-absence d’énergie publique fournie par l’Électricité du Liban (EDL). Les centraux téléphoniques, pour le fixe comme le mobile, tout comme les antennes-relais, ont besoin d’être alimentés 24 heures sur 24 pour pouvoir rester connectés aux réseaux national et international. Or les tarifications des services téléphoniques n’ont pas été modifiées depuis le début de la crise économique en novembre 2019 et sont toujours calculées sur base du dollar à 1500 livres libanaises. Les prix des carburants, calculés sur base de la plateforme Sayrafa (24 400 L.L à la clôture vendredi soir) ne permettent pas aux opérateurs de se fournir en mazout pour alimenter leurs générateurs privés. Ils se retrouvent ainsi dans l’obligation de rationner, ou pire, d’éteindre leurs machines et de priver des milliers d’abonnés d’accès aux télécommunications. C’est le cas depuis plusieurs mois dans différentes régions libanaises comme le Akkar, Hermel ou le Chouf qui se retrouvent isolées par manque d’électricité, ou parce que certaines pièces, volées ou usées, ont besoin d’être remplacées et donc payées selon le taux du dollar sur le marché parallèle.


Les péripéties du secteur des communications ne sont pas récentes. En juillet 2020, alors que le Liban et l’EDL connaissaient leur première pénurie, les centrales se retrouvaient hors du réseau. Mais les carburants étaient encore vendus sur le marché libanais à un prix subventionné par la Banque centrale. Depuis la formation du gouvernement en septembre 2021, plusieurs voix se sont élevées pour demander une modification des prix. Depuis décembre 2021, les sociétés fournissant l’Internet réclament aux entreprises une partie de leurs factures en «dollars frais». Vendredi, lors d’un entretien sur OTV, le ministre des Télécommunications, Johnny Corm, a affirmé que le secteur ne pouvait persister avec une tarification à 1 500 LL le dollar et que «le taux de change de 9 000 LL pour un dollar assurerait la stabilité du secteur», tout en précisant que des discussions et des études étaient en cours et devraient se poursuivre encore entre deux et trois semaines.

L’État se prépare-t-il ainsi à changer les tarifs? L’exécutif prépare-t-il aux Libanais une nouvelle pénurie – cette fois-ci des communications – pour justifier la hausse des prix? Les Libanais n’ont pas oublié que leurs responsables les ont contraints tout l’été à mendier quelques gouttes de carburants avant de décider une augmentation des prix. Les Libanais resteront-t-ils une nouvelle fois les bras croisés en attendant que le gouvernement se décide à agir? Ou est-ce que le pays du Cèdre disparaîtra des réseaux devant l’indifférence générale?
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