La normalisation irano-saoudienne, une défaite pour Netanyahu
Le rapprochement entre Ryad et Téhéran est qualifié de défaite du gouvernement Netanyahu par l'opposition israélienne. La politique saoudienne d’apaisement dans la région se poursuivra, mais face à la flambée des violences dans les territoires palestiniens, la normalisation avec Israël semble lointaine.

La décision surprise de l'Arabie saoudite de rétablir ses liens avec l'Iran complique l'équation diplomatique du royaume avec Israël, qui souhaite au plus vite un accord de normalisation avec Ryad, estiment des analystes.

Cet accord, conclu sous l'égide de la Chine, a provoqué de vives critiques en Israël à l'encontre du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, qui ambitionnait d'intégrer l'Arabie saoudite dans une alliance régionale contre l'Iran.

Benjamin Netanyahu lors d'un discours à la Knesset.

Le rétablissement des liens entre les deux puissances régionales est "un échec total et dangereux de la politique étrangère du gouvernement israélien", a réagi le chef de l'opposition israélienne, Yaïr Lapid.

Toutefois, les implications de l'accord irano-saoudien, tant sur les relations entre Ryad et Téhéran que sur un éventuel rapprochement avec Israël, sont loin d'être claires, soulignent des experts.

L'adage selon lequel "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" a rarement été utilisé par l'Arabie saoudite, "surtout pas sur le plan stratégique", a expliqué à l'AFP l'analyste saoudien Aziz Alghashian.

Si le royaume sunnite a privilégié le rapprochement avec son rival chiite, "cela ne signifie pas que les relations très discrètes avec Israël vont cesser", a-t-il dit.
Vers une normalisation des relations entre Israël et l'Arabie Saoudite ?

L'Arabie saoudite, qui abrite les deux sites les plus sacrés de l'islam, a toujours conditionné la reconnaissance d'Israël à la création d'un Etat palestinien.

Elle n'a pas adhéré aux accords d'Abraham de 2020, négociés par les Etats-Unis, ayant permis la normalisation des relations entre Israël et deux de ses voisins, les Émirats arabes unis et Bahreïn.

Le président Biden lors de sa visite à Jeddah en 2022.

Ryad a toutefois donné des signes d'ouverture l'année dernière, durant la tournée régionale du président américain, Joe Biden, en autorisant l'entrée de journalistes israéliens détenteurs de passeports étrangers, et en ouvrant son espace aérien à "tous les transporteurs", y compris les avions israéliens.


Le Wall Street Journal et le New York Times ont rapporté cette semaine que Ryad s'employait en coulisse à obtenir des garanties de sécurité de la part de Washington et une assistance sur son programme nucléaire civil, en échange d'une normalisation avec Israël.

Selon Umar Karim, expert en politique à l'université de Birmingham, la récente flambée des violences dans les territoires palestiniens rend toutefois improbable une avancée à court terme.

"Les Saoudiens ne sont pas incités à normaliser rapidement leurs relations avec Israël", a-t-il déclaré.
"Vers un avenir de compréhension mutuelle"

Nicholas Heras, du New Lines Institute of Strategy and Policy, considère l'annonce de vendredi comme "une victoire diplomatique évidente pour l'Iran" et "un coup dur" pour Benjamin Netanyahu.

"L'Arabie saoudite, qui est très courtisée par Israël, vient d'envoyer au gouvernement israélien un signal fort indiquant qu'il ne peut pas compter sur Ryad pour soutenir une initiative militaire contre l'Iran", a-t-il déclaré.

Après Israël, l'accord irano-saoudien peut également être perçu comme une défaite pour la diplomatie américaine au Moyen-Orient.

Certains analystes nuancent toutefois la portée de l'accord irano-saoudien. Il est "relativement restreint, se concentre sur des questions spécifiques telles que la réouverture des ambassades, la reprise des relations commerciales et la sécurité face aux attaques", a ainsi observé la chercheuse Fatima Abo Alasrar, du Middle East Institute.

"Ces mesures sont essentielles pour améliorer les relations économiques et réduire les tensions entre les deux pays, mais elles ne résolvent pas les différences idéologiques et politiques plus larges qui alimentent leur rivalité", a-t-elle souligné.

La décision du royaume de renouer avec l'Iran pourrait aussi être placée dans le contexte plus large de la politique saoudienne d’apaisement adoptée avec le Qatar et la Turquie.

Cette tendance pourrait in fine profiter à Israël, même si les politiques actuelles du gouvernement très à droite de Benjamin Netanyahu vont à l'encontre de cette évolution, a déclaré le chercheur saoudien Eyad Alrefai.

"Cela crée une dynamique qui peut aider la région à évoluer vers un avenir de compréhension mutuelle (...). Dans un tel environnement, les acteurs régionaux, principalement Israël dans ce cas, peuvent tirer parti de la situation", a-t-il conclu.

Maureen Décor, avec AFP
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