Célébrée dans plus de 100 pays sur les 5 continents et lancée par l'Institut français en 2016, la Nuit des idées s'est vite imposée comme rendez-vous annuel incontournable dans l'agenda français et international. Au Liban, la 8e édition de cette manifestation culturelle s'est déroulée à la salle Montaigne de l'Institut français les 2 et 3 mars et s’est centrée autour de la thématique internationale «Plus?» pour mettre en lumière les enjeux actuels du monde, encourager la réflexion, susciter les questions et tenter de trouver des solutions.

La Nuit des Idées est un partage de savoirs et une occasion en or pour faire circuler les idées et en débattre librement sur toutes les scènes culturelles du monde sans distinction de pays, de cultures ou de générations. Un Live Magazine qui réunit sur scène journalistes, artistes et intellectuels pour raconter en mots, en images, en sons ou en musique une histoire vécue ou issue d'une enquête.

L'événement a démarré sur une scène de théâtre où s'est affichée une sorte de générique explicatif présentant les artistes, les intellectuels et les journalistes. Comme toile de fond, un subtil alliage de musique orientale, moderne et pop produit par deux illustres musiciens et compositeurs, Zeid Hamdan et Fabien Girard, qui ont contribué à créer l'enchantement en accompagnant les mots et images des différents récits de leur mélodie envoûtante et nostalgique.

Sept expériences personnelles touchant à l'universel ont été ainsi relatées sur le thème «Plus?», ouvrant ainsi la voie à une nébuleuse de questions et d'idées.

https://youtu.be/hqgQASrWjHc

Plus de quoi?

Le plus de pouvoir acquis par complaisance et duplicité est dénoncé avec humour par le chroniqueur à l'Elysée et auteur de bande dessinée Mathieu Sapin.

Plus de béton encore pour des villes-mirages, artificielles et factices, que le photographe Nick Hannes accuse d'être filles de la démesure et de la mégalomanie; villes sans âme et sans passé qui creusent selon lui le fossé des inégalités sociales par une  architecture de la peur, celle des barrières et des barbelés.

Plus d'objets inutiles accumulés dans les maisons et les armoires tels que ceux répertoriés par la photographe Barbara Iweins dans sa propre maison pour témoigner du désir pulsionnel de surconsommation et dont elle fait une liste exhaustive en avouant que 60% restent inutilisés.


Plus de dessins, esquisses, plans ou brouillons d'artistes, de scientifiques ou de philosophes pour la collectionneuse Nicole Marchand-Zanártu, fascinée par le bouillonnement d'idées créatives et de projets en gestation.



Et puis plus de quoi encore?

Plus d'intervention de l'humain dans la nature ou plus de nature sauvage laissée à elle-même? Plus d'électricité pour un Liban qui en est dépourvu à cause de la corruption alors que, comble d'ironie, le bâtiment de l'EDL est conçu pour résister au plus grand tremblement de terre? Autant d'interrogations auxquelles ont essayé de répondre les deux intervenants, Mme Nadine Panayot, archéologue et conservatrice du plus ancien libanais à l'Université américaine de Beyrouth, et M. Jean Viard, sociologue français de grande renommée.

Dans un discours plutôt humaniste, Mme Panayot a prôné l'utilisation de l'atout numérique non pour favoriser le «plus ou l'avoir mais pour tendre vers le mieux, c’est-à-dire la qualité de vie et l'épanouissement de l'être». Pour cela, repenser un système éducatif et scolaire qui encouragerait les enfants à solliciter tous leurs sens, à développer tous leurs potentiels non seulement intellectuels mais aussi manuels ou artistiques.

Dans une approche constructive et positive et en dehors de toute moralisation, M. Jean Viard a mis l'accent sur le caractère nécessaire des accidents de l'histoire, des erreurs inhérentes à tout parcours et plus particulièrement à l'évolution de l'humanité. La surconsommation est un phénomène social et économique qui, à l'instar des guerres et des déplacements de populations, a créé de nouvelles donnes dont il faut rectifier le tir. Il a surtout insisté sur l'atout stratégique, commercial et touristique que représente pour les pays méditerranéens l'existence d'un port et l'ouverture sur la mer – atout que le Liban devrait exploiter pour reconstruire son avenir et avancer.

Le débat s'est conclu sur une note optimiste et légère, sublimée par la voix envoûtante de Lynn Adib et la musique de Zeid Hamdan, évoquant tout le charme ensorceleur de l'Orient. Un plus de musique donc, pour laisser à l'art le privilège d'avoir le dernier mot.



Jocelyne Ghannagé
joganne.com
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