Simon devient reine de la poursuite, Boe impérial
©Photo Christof Stache AFP
Impatiente, longtemps irrégulière, Julia Simon a su dompter son tempérament de feu pour se faire une place au sommet du biathlon mondial et devenir championne du monde de la poursuite dimanche à Oberhof (Allemagne).

Déjà vainqueur du sprint la veille, Johannes Boe a lui offert un récital à l'enthousiaste public d'Oberhof pour signer le doublé en poursuite : sans-faute et ultra rapide au tir, le Norvégien a repoussé à plus d'une minute ses plus proches concurrents, son compatriote Sturla Laegreid (+ 1:11 avec un 20/20) et le Suédois Sebastien Samuelsson (+1:54 avec 2 fautes).

C'est au bout d'une admirable remontée que Simon est devenue, à 26 ans, la première Française sacrée championne du monde depuis Marie Dorin en 2016. Partie en dixième position, à plus d'une minute de Denise Herrmann-Wick, victorieuse du sprint jeudi, elle s'est finalement imposée devant l'Allemande, grâce à un tir de haut vol.

La Savoyarde n'a manqué qu'une des vingt cibles qu'elle a visées sur le pas de tir, au dernier tir debout, quand l'Allemande Herrmann-Wick a elle tourné à quatre reprises sur l'anneau de pénalité. La Norvégienne Marte Olsbu Roeiseland complète le podium, à 37 secondes (3 fautes). "Je suis restée concentrée jusqu'au sommet de la grosse bosse, et après, quand Cyril (Burdet, l'entraîneur des Bleues en bord de piste) m'a dit: C'est bon, tu l'as fait !, j'ai eu les jambes qui ont commencé à trembler, raconte Simon. C'est incroyable."

Et elle qui se dit "pudique des sentiments, imperméable aux émotions" n'a pas pu les retenir au moment de s'offrir sa toute première médaille individuelle en grands championnats.

Métamorphose au tir couché

"C'est un aboutissement dans ma carrière, ça récompense tout le travail que j'ai pu faire, apprécie la biathlète des Saisies. J'ai eu des doutes, j'ai eu des moments difficiles, comme tout le monde. Je suis super contente de partager le podium avec deux grandes championnes comme Denise et Marte, des filles qui sont championnes olympiques et qui ont une énorme expérience, c'est un super moment."

Promesse du biathlon français depuis plusieurs années, Simon, débuts en Coupe du monde à 20 ans avant de l'investir à temps plein en 2018/2019, a longtemps eu pour marque de fabrique d'être capable du pire comme du meilleur, un jour très bas, le lendemain tout en haut.


Une irrégularité qui l'empêchait de jouer les premiers rôles. Jusqu'à cet hiver. Le facteur X, c'est sa métamorphose au tir couché, fruit d'un travail de longue haleine, et d'efforts considérables sur sa personnalité bouillonnante. "Pourquoi elle est N.1 mondiale ? Elle skie comme l'année dernière, mais la différence, c'est qu'en termes de stats de tir, surtout couché, elle a gagné quinze points. Il ne faut pas aller chercher ailleurs", résume l'entraîneur de tir des Bleus Jean-Paul Giachino.

Au printemps 2020, quand le technicien revient dans l'encadrement français, "je ne lui ai pas vendu du rêve, je lui ai dit que c'était deux ans de travail, raconte-t-il. Là, elle m'a dit qu'elle n'avait pas deux ans. Julia a plein de qualités, mais elle n'a pas de patience..."

"Très électrique"

"On l'avait initiée sur un mode ball trap, où l'arme n'est jamais tranquille, décrit Giachino. Mais ce n'est pas comme ça qu'on arrive à avoir de la régularité." "Dans son apprentissage, on ne lui a pas parlé des fondamentaux: la respiration, la visée, le lâché. Elle ne les respectait pas parce qu'elle n'en avait jamais entendu parler", complète-t-il.

"Ca m'a demandé du travail sur ma personnalité: je suis quelqu'un de très électrique, il faut que les choses avancent vite", reconnaît Simon. "Beaucoup de travail mental aussi, pour trouver du relâchement derrière la carabine, parce que je suis quelqu'un de très tonique", ajoute-t-elle.

Tout a changé depuis. Simon affiche 94% de réussite au tir couché depuis le début de la saison. Seul le tireur d'élite norvégien Sturla Laegreid fait mieux. Grâce à sa régularité nouvelle derrière la carabine, elle porte le dossard jaune de leader du classement général de la Coupe du monde depuis le mois de décembre, forte de trois victoires et neuf podiums individuels au total.

Et, aux premières récompenses internationales partagées (or mondial du relais mixte simple en 2021 avec Antonin Guigonnat, argent olympique 2022 et bronze mondial 2023 du relais mixte), elle vient d'ajouter une première couronne mondiale.

AFP
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