L’Album d’Auschwitz, recueil de photographies réalisées par les nazis dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, est réédité en français avec les explications attentives d’historiens qui l’ont passé à la loupe.

Une poupée blonde de 80 ans appelée Inge qui a survécu à un camp de concentration. Crédit photo: JULIEN GATHELIER/AFP.

Un album d’Auschwitz : comment les Nazis ont photographié leurs crimes (éditions du Seuil) est l’œuvre du Français Tal Bruttmann et des Allemands Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller. L’édition allemande de leur ouvrage était parue en 2019. La française est traduite par Olivier Mannoni, également traducteur de Mein Kampf.

L’édition critique du livre programmatique d’Adolf Hitler paru en 1924-1925 par Fayard en 2021 en français, après la version allemande en 2016, avait déjà montré comment l’on pouvait transformer la production nazie en support à une histoire accessible à qui veut comprendre la mécanique génocidaire du nazisme. Cet « album » a été réalisé en 1944 par deux photographes SS. Et les historiens partent de la même ambition : déconstruire ce qui visait au départ à exalter le projet national-socialiste pour l’Europe.

« Ce sont des images, un objet totalement différent du texte. Et alors que Mein Kampf a été abondamment commenté, personne avant nous ne s’était penché sur ces photographies. De manière générale, l’analyse des photos est rarement intégrée au travail des historiens », explique Tal Bruttmann. Dans le cas d’Auschwitz-Birkenau, camp d’extermination implanté dans le sud de la Pologne où ont été assassinées 1,1 million de personnes, les SS documentent le travail de réception de déportés juifs de Hongrie.

Officiellement, il s’agit de « déplacer » des populations désignées comme indésirables, et d’en sélectionner les individus aptes au travail. De fait, les photographes savent qu’ils capturent les derniers instants de condamnés aux chambres à gaz. Selon l’historien, « ces photos sont mondialement connues. Si vous cherchez des images d’Auschwitz, vous tombez dessus. Elles sont dans les documentaires, dans les livres, dans tous les musées qui parlent de la Shoah. Donc elles sont ancrées dans les représentations, et elles ont irrigué la culture populaire ».

Mais « si vous les avez vues isolément, vous ne savez probablement pas qu’elles proviennent de cet album de 197 photos confectionné par des SS. Ça, c’est nous qui l’avons trouvé », ajoute Tal Bruttmann. L’avocat et historien de la déportation Serge Klarsfeld avait éclairci l’histoire de cet album après sa découverte. Emporté par son premier propriétaire, un Allemand, vers le camp de Dora, il y est trouvé par hasard par une déportée de 19 ans, Lili Jacob, dans la table de chevet d’une ancienne chambre de SS. Celle-ci voit sur les photos quantité de gens qu’elle a connus, y compris ses parents. Elle s’accrochera à cet objet, précieusement conservé et emmené dans son émigration vers Miami après la guerre. Serge Klarsfeld la retrouvera sous son nom d’épouse et la convaincra de léguer l’album au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.

Pour cela, écrit-il en préface, « il avait fallu trente-cinq ans (...) Quarante ans furent encore nécessaires pour que ce livre [celui publié vendredi] apporte une réponse à la plupart des questions restées en suspens ». Ce qu’éclairent les trois historiens, qui combinent « des champs de compétences très différents », c’est à la fois les conditions de ces prises de vue, et ce qu’elles nous apprennent sur Auschwitz.


« Il y a énormément à en tirer pour notre compréhension », souligne Tal Bruttmann. « Tout en masquant le processus d’assassinat proprement dit, les photos reflètent la tentative de fixer le processus de l’arrivée (...) comme une chaîne de valorisation bien rodée », résument les auteurs en conclusion. Imprimé sur papier de luxe, l’ouvrage est au prix de 49 euros, avec le soutien de l’Office franco-allemand pour la jeunesse et de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

Des objets anciens de retour en Allemagne pour une nouvelle commémoration de l'Holocauste

Pour la première fois en 70 ans d'existence, le mémorial attribué de l'Holocauste Yad Vashem prête des objets précieux de sa collection permanente à l'Allemagne pour une exposition qui s'ouvre ce mardi à Berlin. Les 16 objets familiaux ont donné des témoignages de survivants ou de victimes de la campagne nazie d'extermination des Juifs d'Europe, un par État allemand. "L'antisémitisme progresse partout. Le monde entier n'a pas tiré la leçon de cette guerre (...) et il y a ceux qui nient qu'elle ait eu lieu" regrette Lore Mayerfeld, survivante de l'Holocauste et propriétaire originale d'une poupée qui fait partie de la collection de Yad Vashem. "Nous approchons, malheureusement, mais aussi inévitablement, de l'ère post-survie, l'ère dans laquelle personne ne pourra se lever et dire "cela m'est arrivé"" abonde Dani Dayan, président du mémorial récompensé. "Je crains que ce ne soit l'heure de gloire des négationnistes, des déformateurs de la Shoah. Nous devons donc préparer dès maintenant le terrain pour les affronter, en rassemblant la documentation, en renforçant la recherche qui convertit cette documentation en connaissances, en éduquant les gens".

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https://youtu.be/NKktGOxP4Q0

AFP
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