C’est une jeune cheffe d’orchestre française, banlieusarde et d’origine algérienne, qui va briser le plafond de verre à coups de baguette : le film Divertimento retrace le parcours peu classique de Zahia Ziouani, devenue une grande défenseure de l’accessibilité à la musique.

Divertimento, c’est avant tout le nom de l’orchestre symphonique fondé en 1998 par Zahia Ziouani et en résidence depuis 2005 à Stains, en région parisienne, où elle a grandi avec ses parents et sa sœur jumelle violoncelliste, Fettouma. L’ensemble va bientôt être associé aux JO de Paris à travers plusieurs initiatives associant sport et musique.

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Dans le film de la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar, en salles mercredi en France, Zahia (interprétée par Oulaya Amamra) bataille pour prouver son talent, aux côtés de sa sœur (Lina El Arabi). « Je ne voulais pas que le film soit une succession de clichés, mais qu’on puisse voir que la musique classique peut se vivre autrement qu’à travers un parcours habituel et qu’elle a sa place dans un milieu populaire », affirme la cheffe d’orchestre, qui a suivi de près la genèse du film.

Installés à Pantin, les parents algériens des deux jeunes filles (et de leur frère) sont mélomanes et leur appartement est rempli de disques de compositeurs classiques. Après ses années de conservatoire à Pantin, en banlieue parisienne, Zahia rêve à 17 ans de devenir cheffe d’orchestre. Mais en rejoignant le lycée Racine dans le très huppé VIIIe arrondissement de la capitale, elle va être moquée à la fois pour son milieu social et parce qu’elle aspire à diriger l’orchestre de l’établissement.

Elle devient « la fille du 93", le département de Seine-Saint-Denis en région parisienne, et les garçons de l’orchestre lui demandent avec condescendance si elle a « besoin d’un interprète » pour donner ses consignes. En Seine-Saint-Denis, « nous étions préservés dans notre bulle et, à Racine, on arrivait dans une autre bulle qui méconnaissait l’autre côté et qui nous disait qu’on n’était pas à notre place », se souvient Zahia Ziouani.


Tenace, elle tient bon et, la même année, c’est la rencontre fatidique avec un grand chef d’orchestre roumain, Sergiu Celibidache (Niels Arestrup), auprès de qui elle se forme au métier -- malgré ses remarques sexistes à l’égard des cheffes. « Ce n’est pas un métier de femme », lui lance-t-il dans le film.

« J’ai réussi à transformer cette frustration, cette colère de ne pas être acceptée dans un milieu, en une force », explique Zahia Ziouani, pour qui la réalité en 2023 reste « difficile pour les cheffes d’orchestre et la défense de la place de la musique classique », « même si on en parle beaucoup plus ».

La réalisatrice, qui a été touchée par l’histoire des deux sœurs, a été émue par les réactions de jeunes lors d’avant-premières. « Une jeune fille, qui a voulu devenir pianiste et qui se sentait nulle, nous a dit que le film lui a donné de la confiance », se souvient-elle. Le film plonge aussi dans le côté technique du métier de chef d’orchestre, qui reste méconnu du grand public.

Pour incarner Zahia, Oulaya Amamra (César du meilleur espoir féminin pour Divines en 2017), a suivi des masterclass de la cheffe d’orchestre. « On a beaucoup travaillé la gestique. Je pense que l’une des plus grandes craintes de Zahia était que l’actrice soit arythmique, Dieu merci je ne le suis pas ! », rit la comédienne.

Elle estime que des barrières un peu similaires existent dans le cinéma et que, malgré « la reconnaissance du milieu, on m’a quand même dit : « Ce n’est pas ta place » ». « On met encore les acteurs dans des cases, c’est une question de classe et d’origine », regrette-t-elle. Bien que formée au ballet, elle n’était pas sensible à la musique classique car elle se disait que « c’était réservé à d’autres gens ». « Quand j’ai commencé à travailler sur le film, je suis allée à la Philharmonie de Paris, j’étais très émue, je ne savais pas pourquoi. C’est presque sacré », se rappelle-t-elle.

AFP
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