Se tient en ce moment à la Cité des Sciences à la Villette, Paris, une exposition singulière appelée «Foules», une présentation lucide de cet énergumène collectif qui naît, vit et se comporte à sa manière. En voilà un aperçu édifiant, avec un clin d’œil sur nos affres du moment.
L’étude du comportement des foules n’est pas nouvelle. Ces masses d’individus agglutinés à quatre par mètre carré, parfois furieux, scandant des slogans contre n’importe qui ou quoi, ont toujours suscité l’intérêt. On les distingue dans ces lignes des manifestations à objectif précis: revendication salariale… ou demande de justice pour un crime avéré.
Déjà Freud en a construit une théorie, avec la Psychologie des masses. Un disciple, Wilhem Reich, a adapté le thème au fascisme dans les années 1930. Et on n’a pas fini depuis d’en explorer le concept. Qu’est-ce qu’on peut donc en tirer en bref de cet amas d’études et d’observations?
D’abord, la foule est un énergumène à part, qui transcende la somme de ses composantes. La foule des individus a un comportement que ces mêmes individus n’auront pas tout seuls ou dans un groupe restreint.
La foule a un sentiment d’impunité et se permet des actes qui tombent normalement sous le coup de la loi. La foule est émotive, n’a pas un raisonnement cohérent. Elle amplifie la réalité, la simplifie, parfois la déforme suite à une rumeur. Elle se rapproche dans son comportement de la tendance la plus extrémiste en son sein. Elle n’est ni modérée, ni réfléchie, et peut être facilement manipulée.
Se fondre dans une foule donne un sentiment d’appartenance, de sécurité et de cohésion, d’autant que les uns tendent à imiter d’autres, qu’ils n’ont jamais connus de leur vie. Mais la foule a aussi un point de rupture en cas de frustration, qui peut amener à la violence ou l’extrémisme.
La foule, à la différence d’un parti organisé révolutionnaire, n’a pas un leader formel, un «bureau politique» qui prend des décisions. Elle peut comporter des noms moins anonymes que d’autres, des «penseurs» supposés être compétents. Mais il n’y a pas de directives que ces «penseurs» mettent en avant et que la foule suit. C’est même le contraire qui se passe. Ces soi-disant penseurs vont eux-mêmes suivre le mouvement de foule, pour consolider leur statut informel.
Dans la pratique, nous avons des quantités d’exemples. L’un des plus fréquents est la foule qui fulmine contre «l’impérialisme américain» (ou français…), s’attaque à l’ambassade, même si l’affaire est purement locale. Puis la foule qui s’attaque aux riches, aux commerçants, aux «requins de la finance», même si le problème est ailleurs.
Tous ces phénomènes ont déjà été étudiés en long et en large. Ce qui est nouveau et d’un intérêt capital c’est qu’on assiste aux mêmes phénomènes dans le monde numérique. On a constaté que la foule numérique, sur Facebook ou ailleurs, se comporte exactement de la même façon, avec les mêmes ingrédients: peu de raisonnement, suivisme aveugle, mimétisme, émotivité, extrémisme, langage sommaire, pensée basique, nivellement du QI vers le bas, violence. Et les soi-disant penseurs informels dont on pouvait espérer un sursaut de lucidité trouvent leur bonheur en fusionnant avec la horde.
Les exemples locaux sont légion, mais contentons-nous ici d’en citer un des plus fréquents: le comportement de la foule eu égard à la crise financière et économique. Ici, la foule se déchaîne, dans la rue comme sur les réseaux sociaux, contre le secteur financier: les banques, les banquiers, la BDL, et son gouverneur.
Précisons d’abord que l’objet de ce texte n’est pas d’inculper ou de disculper l’un ou l’autre de ces acteurs financiers (ce sera traité par ailleurs), mais de considérer le phénomène de la foule qui les attaque dans la rue et sur Facebook. Or, il est à parier que parmi cette masse d’individus, il y en a vraiment très peu qui sont versés en sciences financières, monétaires ou fiduciaires, et encore moins qui sont familiers des prérogatives légales et constitutionnelles de la BDL et/ou de son gouverneur.
Sauf que la foule se moque de ces considérations. Il faut dire qu’un long travail de manipulation a été agencé par ceux qui y ont intérêt, dont bien sûr le Hezbollah, les aounistes, et autres plaies du système. Ce qui a fait qu’on est persuadé que la source de nos malheurs est bien ceux-là, même si l’on ne sait pas pertinemment pourquoi et comment.
Restrictions bancaires, chute de la livre, dette colossale, pénurie de médicaments, inflation, faillites économiques, crise du blé, fuel pour les centrales électriques… Tout est une bonne occasion pour lancer une foule irraisonnée, inconsciente, machinale contre la devanture de la banque la plus proche, le siège de la BDL, le logement du banquier. Et, dans un mouvement de foule synchronisé, les digitaux émulent leurs congénères et laissent exploser leurs injures et émoticons rouges dégueulant, contre les mêmes ci-haut cités.
Dernier acte de cette double psychose collective, viennent les soi-disant penseurs, médias, diplômés, syndicats savants, et même des pôles universitaires. Qui se hâtent de s’amarrer à la foule ci-dessus, par instinct tribal, par souci de légitimité, ou par intérêt. Ils le font en grande pompe, avec des mots savants et une mise en scène grandiose. Mais avec les mêmes ingrédients que la foule de la rue ou du net. On n’a pas fini d’explorer les ravages du phénomène.
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
L’étude du comportement des foules n’est pas nouvelle. Ces masses d’individus agglutinés à quatre par mètre carré, parfois furieux, scandant des slogans contre n’importe qui ou quoi, ont toujours suscité l’intérêt. On les distingue dans ces lignes des manifestations à objectif précis: revendication salariale… ou demande de justice pour un crime avéré.
Déjà Freud en a construit une théorie, avec la Psychologie des masses. Un disciple, Wilhem Reich, a adapté le thème au fascisme dans les années 1930. Et on n’a pas fini depuis d’en explorer le concept. Qu’est-ce qu’on peut donc en tirer en bref de cet amas d’études et d’observations?
D’abord, la foule est un énergumène à part, qui transcende la somme de ses composantes. La foule des individus a un comportement que ces mêmes individus n’auront pas tout seuls ou dans un groupe restreint.
La foule a un sentiment d’impunité et se permet des actes qui tombent normalement sous le coup de la loi. La foule est émotive, n’a pas un raisonnement cohérent. Elle amplifie la réalité, la simplifie, parfois la déforme suite à une rumeur. Elle se rapproche dans son comportement de la tendance la plus extrémiste en son sein. Elle n’est ni modérée, ni réfléchie, et peut être facilement manipulée.
Se fondre dans une foule donne un sentiment d’appartenance, de sécurité et de cohésion, d’autant que les uns tendent à imiter d’autres, qu’ils n’ont jamais connus de leur vie. Mais la foule a aussi un point de rupture en cas de frustration, qui peut amener à la violence ou l’extrémisme.
La foule, à la différence d’un parti organisé révolutionnaire, n’a pas un leader formel, un «bureau politique» qui prend des décisions. Elle peut comporter des noms moins anonymes que d’autres, des «penseurs» supposés être compétents. Mais il n’y a pas de directives que ces «penseurs» mettent en avant et que la foule suit. C’est même le contraire qui se passe. Ces soi-disant penseurs vont eux-mêmes suivre le mouvement de foule, pour consolider leur statut informel.
Dans la pratique, nous avons des quantités d’exemples. L’un des plus fréquents est la foule qui fulmine contre «l’impérialisme américain» (ou français…), s’attaque à l’ambassade, même si l’affaire est purement locale. Puis la foule qui s’attaque aux riches, aux commerçants, aux «requins de la finance», même si le problème est ailleurs.
Tous ces phénomènes ont déjà été étudiés en long et en large. Ce qui est nouveau et d’un intérêt capital c’est qu’on assiste aux mêmes phénomènes dans le monde numérique. On a constaté que la foule numérique, sur Facebook ou ailleurs, se comporte exactement de la même façon, avec les mêmes ingrédients: peu de raisonnement, suivisme aveugle, mimétisme, émotivité, extrémisme, langage sommaire, pensée basique, nivellement du QI vers le bas, violence. Et les soi-disant penseurs informels dont on pouvait espérer un sursaut de lucidité trouvent leur bonheur en fusionnant avec la horde.
Les exemples locaux sont légion, mais contentons-nous ici d’en citer un des plus fréquents: le comportement de la foule eu égard à la crise financière et économique. Ici, la foule se déchaîne, dans la rue comme sur les réseaux sociaux, contre le secteur financier: les banques, les banquiers, la BDL, et son gouverneur.
Précisons d’abord que l’objet de ce texte n’est pas d’inculper ou de disculper l’un ou l’autre de ces acteurs financiers (ce sera traité par ailleurs), mais de considérer le phénomène de la foule qui les attaque dans la rue et sur Facebook. Or, il est à parier que parmi cette masse d’individus, il y en a vraiment très peu qui sont versés en sciences financières, monétaires ou fiduciaires, et encore moins qui sont familiers des prérogatives légales et constitutionnelles de la BDL et/ou de son gouverneur.
Sauf que la foule se moque de ces considérations. Il faut dire qu’un long travail de manipulation a été agencé par ceux qui y ont intérêt, dont bien sûr le Hezbollah, les aounistes, et autres plaies du système. Ce qui a fait qu’on est persuadé que la source de nos malheurs est bien ceux-là, même si l’on ne sait pas pertinemment pourquoi et comment.
Restrictions bancaires, chute de la livre, dette colossale, pénurie de médicaments, inflation, faillites économiques, crise du blé, fuel pour les centrales électriques… Tout est une bonne occasion pour lancer une foule irraisonnée, inconsciente, machinale contre la devanture de la banque la plus proche, le siège de la BDL, le logement du banquier. Et, dans un mouvement de foule synchronisé, les digitaux émulent leurs congénères et laissent exploser leurs injures et émoticons rouges dégueulant, contre les mêmes ci-haut cités.
Dernier acte de cette double psychose collective, viennent les soi-disant penseurs, médias, diplômés, syndicats savants, et même des pôles universitaires. Qui se hâtent de s’amarrer à la foule ci-dessus, par instinct tribal, par souci de légitimité, ou par intérêt. Ils le font en grande pompe, avec des mots savants et une mise en scène grandiose. Mais avec les mêmes ingrédients que la foule de la rue ou du net. On n’a pas fini d’explorer les ravages du phénomène.
nicolas.sbeih@icibeyrouth.com
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