Attentat contre la Finul: Dublin pourrait envoyer une commission d'enquête
©Des soldats de l'armée libanaise examinent le véhicule militaire onusien qui a percuté un pylône électronique après avoir essuyé des tirs (Photo Mahmoud Zayyat/AFP)
Un Casque bleu irlandais de la Finul a été tué dans des tirs contre un véhicule de la force internationale, dans un secteur du Liban-sud sous contrôle du Hezbollah.



Bien que s’inscrivant dans le prolongement d’actes hostiles ciblant périodiquement les Casques bleus de la Finul, l’attaque contre un véhicule du contingent irlandais, mercredi soir au Liban-sud, prend une dimension alarmante, pour deux raisons: parce qu’un soldat a été tué par des tirs directs, et parce que l’agression s’est déroulée dans une zone située en dehors du champ d’opérations de la force internationale, mais sous contrôle du Hezbollah.

Selon l'AFP, sept balles ont transpercé le véhicule onusien. L’une d’elles a atteint à la tête le chauffeur irlandais, le tuant sur le coup. Ce dernier était en train de battre en retraite, pour échapper aux assaillants lorsqu’il a été abattu. Ses collègues tiraient en l’air pour couvrir leur retrait, avant que le véhicule ne percute un pylône et ne verse sur le côté. Trois Casques bleus ont été blessés. Un habitant a également été heurté et légèrement blessé.

L’attaque s’est produite à 23h dans le village de Aqabiya, non loin de Sarafand, sur la route Tyr-Saïda où le Hezbollah est fortement présent. C'est la première fois qu'un Casque bleu est tué dans des violences dans le pays depuis janvier 2015. Un militaire espagnol avait à l’époque été tué par des tirs de l'armée israélienne.

Selon des informations obtenues par Ici Beyrouth, le convoi composé de deux VTT se rendait dans la nuit du mercredi à jeudi à l'aéroport de Beyrouth, avec à bord des Casques bleus qui s’apprêtaient à rentrer chez eux pour les fêtes de fin d’année. Un des deux véhicules se serait engagé sur une route parallèle qui l’a mené au village d'al-Aqabiya non loin de Sarafand sur la route de Tyr-Saïda. Le véhicule a alors été intercepté par des habitants armés qui sont vite passés à l’attaque. Un photographe de l'AFP a vu dans le village un véhicule de la Finul ayant percuté un magasin sur une route menant vers Saïda. Le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, a immédiatement annoncé que la force internationale a "lancé une enquête pour déterminer les circonstances exactes" de l'agression, précisant que la Finul coordonne à cette fin avec l’armée libanaise. Dublin a également demandé une enquête.

Celle-ci doit, entre autres, déterminer les raisons pour lesquelles les deux véhicules ont été séparés. «L’un d'eux a été encerclé par une foule hostile», a précisé jeudi le ministre irlandais des Affaires étrangères et de la Défense, Simon Coveney à la radio irlandaise RTE.

Selon une source judiciaire libanaise, citée par l’AFP, les forces de sécurité «sont à la recherche de personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’agression» meurtrière. Le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Fadi Akiki, s’était rendu jeudi matin à Aqabiya (Liban-Sud), pour suivre l’enquête préliminaire.

L’attaque a suscité une vive émotion et une vague d’indignation aussi bien dans les milieux officiels libanais qu’en Irlande, dont le ministre des Affaires étrangères a pris contact avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Il devrait avoir un entretien avec lui vendredi. Simon Coveney, qui se trouve actuellement à New York, a informé son homologue libanais, Abdallah Bou Habib, au cours d'un entretien téléphonique, que son pays pourrait envoyer une commission pour suivre l'enquête menée et qu'il va en discuter vendredi avec le secrétaire général de l'ONU. M. Bou Habib, qui a condamné l’attaque, a souligné «l’importance de préserver la sécurité des les forces internationales qui opèrent au Liban».

La coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Joanna Wronecka, a pour sa part souligné la nécessité de mener une enquête pour tirer au clair les circonstances de cette affaire.

Celle-ci a surtout embarrassé le Hezbollah, ouvertement hostile aux «prérogatives élargies» accordées récemment par le Conseil de sécurité à la Finul, et dont la base populaire est régulièrement impliquée dans des actes hostiles, mais toujours limités, contre les Casques bleus. Le responsable de l’unité de coordination au sein du Hezbollah, Wafic Safa, s’est empressé de préciser dans un communiqué publié le matin que la formation à laquelle il appartient n’a rien à voir avec cette affaire. A la LBCI, il a indiqué que l'incident était "non intentionné", appelant à attendre les résultats de l'enquête.


Plus tard dans la journée, il devait prendre contact avec le commandement de la Finul, Aroldo Lázaro Sáenz, pour lui présenter ses condoléances et dénoncer l’attaque. Une démarche qui traduit essentiellement le souci de la formation pro-iranienne de se démarquer des assaillants.

Des soldats de l'armée et de la Finul déployés dans le village où des Casques bleus irlandais ont été agressés mercredi à 23h. (Photo Mahmoud Zayyat/AFP)

Le 31 août dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a renouvelé pour un an le mandat de la Finul. Cette force, qui coordonne régulièrement ses mouvements avec l'armée libanaise, est désormais "autorisée à mener ses opérations de manière indépendante" et à effectuer des perquisitions, sans entraves, dans tous les lieux qu’elle jugerait suspects dans sa zone d’opérations.

Ces prérogatives avaient été à l’origine de tensions et le Hezbollah et ses alliés avaient alors considéré la Finul comme une «force d’occupation protégeant l’ennemi sioniste».

Vives réactions

Le président de la Chambre Nabih Berry a lui aussi dénoncé l’incident et présenté ses condoléances au commandant en chef de la Finul. De son côté, le Premier ministre sortant, Najib Mikati, a mis l’accent sur la «nécessité de mener les investigations nécessaires pour tirer au clair les circonstances de l’incident et empêcher qu’il ne se reproduise à l’avenir». Il a appelé le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, et le général Lázaro pour avoir de plus amples informations sur ce qui s’est passé. M. Mikati a également adressé un message de condoléances au président de l’Irlande, Michael Higgins, et au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Dans un communiqué publié dans la journée, ce dernier a stigmatisé l'attaque et demandé "instamment une enquête rapide menée par les autorités compétentes pour déterminer les faits liés à l'incident". "M. Guterres a en outre insisté sur la nécessité que les assaillants « rendent compte » de leur acte criminel.

Ghayath Yazbek, député des Forces libanaises, s’est pour sa part interrogé sur le point de savoir s’il s’agit «d’un message adressé à la Finul pour inciter les Casques bleus à éviter de changer d’itinéraire et à ne pas s’aventurer dans les sentiers contrôlés par un État au sein de l’État (en référence au Hezbollah, NDLR) où la notion de souveraineté est inexistante». «Est-ce de cette manière que nous recevrons Emmanuel Macron?», a-t-il écrit sur son compte Twitter, faisant allusion à une éventuelle visite du président français au contingent de son pays, à la veille de Noël.

La France a d’ailleurs condamné "avec la plus grande fermeté" l'attaque, appelant au calme. Elle a demandé "une enquête sans délais ni entraves".

À Bruxelles, le Premier ministre irlandais, Micheal Martin, s'est dit "profondément choqué et très attristé" et a jugé "prudent d'attendre une enquête plus complète". L’Égypte et l'ambassade des États-Unis à Beyrouth ont également condamné l’attaque.

L’armée libanaise a elle aussi présenté ses condoléances aux proches du soldat tué et a souhaité un prompt rétablissement à ceux qui souffrent de graves blessures.
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