Un vétéran républicain s'insurge contre le fascisme du parti
Après 30 ans au service du Parti républicain, Russell "Rusty" Bowers a rarement été aussi inquiet: dans son Arizona natal, les élections de mi-mandat sont ternies par la présence de guetteurs armés sur certains lieux de vote et le complotisme de son propre camp.

Dans la région du Grand Canyon, "la civilisation ne tient plus qu'à un fil", s'alarme auprès de l'AFP le président de la Chambre des représentants de l'Etat, en collant quasiment son pouce et son index ensemble pour symboliser ce qui sépare selon lui la société américaine de la perdition.

Mis sur la touche par le "Grand Old Party" (GOP) après avoir résisté aux pressions de Donald Trump pour renverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020, remportée par Joe Biden avec seulement 10.000 voix d'avance en Arizona, ce mormon conservateur dénonce les "mensonges" de sa famille politique.

L'élu républicain Russell Bowers s'inquiète de la montée de la théorie du complot au sein de son propre parti (AFP)

 

Dans cet Etat du sud-ouest, les trois candidats républicains pour les postes de gouverneur, sénateur et secrétaire d'Etat continuent d'affirmer que le président Biden est illégitime, malgré les multiples enquêtes ayant conclu à l'absence de fraude.

Et la nouvelle garde trumpiste tente de réformer le système électoral avec une "loi dangereuse", souligne ce vétéran politique de 70 ans.

A la veille des élections de mi-mandat, le climat est tellement délétère que certaines urnes métalliques - similaires à des boîtes aux lettres - où les Arizoniens peuvent déposer leur bulletin en avance pour le scrutin du 8 novembre sont désormais surveillées par des guetteurs anonymes. A Mesa, où vit M. Bowers, deux hommes armés en tenue paramilitaire ont été évacués par le shérif.

"C'est de l'intimidation, peu importe son degré, peu importe la protection légale" qui autorise le port d'arme en Arizona, s'indigne-t-il, en rappelant que les boîtes sont déjà vidéosurveillées "24 heures sur 24".

L'atmosphère politique actuelle le fait frémir. "Si vous confisquez le vote ou l'affaiblissez, et que vous augmentez la violence, cela donne un terreau fertile pour le fascisme", alerte-t-il.
"Modèle mussolinien"

En Arizona, "la force de la direction actuelle du parti repose uniquement sur la colère" populaire, insiste-t-il, en dénonçant l'aile trumpiste du GOP qui "se rapproche d'un modèle mussolinien".

Depuis deux ans, M. Bowers a été personnellement victime de la polarisation toujours plus grande de l'Amérique. Sa boîte mail regorge de milliers de courriels injurieux et de menaces de mort depuis que Donald Trump l'a pris en grippe.


L'ex-président l'a qualifié de "lâche RINO", un acronyme utilisé pour jeter l'opprobre sur ceux qui n'ont selon lui de "républicain que le nom", lorsque le parlementaire a témoigné des pressions exercées sur lui pour fausser l'élection présidentielle, devant la commission d'enquête sur l'assaut du Capitole, le 6 janvier 2021 à Washington.

Pendant des semaines, des trumpistes ont régulièrement manifesté sous ses fenêtres, parfois avec des pancartes inspirées de la théorie complotiste QAnon l'accusant d'être un pédophile. Le septuagénaire a également dû repousser un membre d'une milice d'extrême droite, planté devant chez lui avec un pistolet à la ceinture.

Manifestation pro-Trump dans l'Arizona (AFP)

 

Malgré cela, ce sculpteur père de sept enfants, fervent opposant du droit à l'avortement, ne regrette rien. Il sourit encore en se remémorant l'appel qui a tout déclenché.

Au bout du fil, Donald Trump et son avocat Rudy Giuliani lui assuraient qu'une ancienne loi de l'Arizona - qu'il n'a jamais retrouvée - permettait à l'Assemblée républicaine de changer les grands électeurs de l'Etat, chargés d'élire formellement le président après le scrutin, au mépris du vote populaire.

"Je lui ai dit: +M. Trump, j'ai voté pour vous, j'ai marché pour vous, j'ai fait campagne pour vous, (...) mais je ne ferai rien d'illégal pour vous", raconte ce mormon très pieux. "Quand ils m'ont demandé de rompre mon serment envers la Constitution, cela revenait à me demander de renoncer à ma religion, ma foi, aux fondements de qui je suis."

Tombé en disgrâce, M. Bowers a perdu la primaire républicaine pour briguer un poste au Sénat de l'Arizona lors des élections de novembre.

Avant de quitter son poste, il a utilisé ses prérogatives de président de l'Assemblée pour s'opposer en février à une proposition de loi républicaine qui aurait permis aux parlementaires de "pouvoir rejeter l'élection" en Arizona après sa tenue.

"Je l'ai stoppée... pour cette année", souligne-t-il dans un silence qui en dit long sur l'enjeu de ce scrutin de mi-mandat.

Avec AFP
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