«Armageddon nucléaire»: guerre verbale entre Biden, Poutine et Zelensky
Alors que l'armée ukrainienne appelait les soldats russes à choisir la reddition après une série de revers cinglants infligés aux forces russes, les déclarations liées à l'usage de l'arme atomique par Poutine inquiétaient le monde. En attendant un, pour le moment, hypothétique « Armageddon nucléaire », une vraie bataille rangée par déclarations interposées entre Washington, Moscou et Kiev a contribué à augmenter les tensions.

Des pompiers ukrainiens déplacent le corps d'un civil tué après une frappe à Zaporizhzhia.

 

Le président américain Joe Biden a jugé que les menaces russes d'utilisation de l'arme nucléaire dans le conflit en Ukraine faisaient courir au monde un risque d'"Armageddon" nucléaire, c'est-à-dire d'apocalypse, pour la première fois depuis la crise des missiles de Cuba, en pleine Guerre froide.

"Nous n'avons pas été confrontés à la perspective d'une apocalypse depuis Kennedy et la crise des missiles cubains" en 1962, a-t-il déclaré lors d'une collecte de fonds à New York, au cours de laquelle il a estimé que son homologue russe Vladimir Poutine "ne plaisantait pas" en proférant ces menaces. "Il existe, pour la première fois depuis la crise des missiles cubains, une menace directe d'utilisation d'armes nucléaires si les choses continuent de suivre la voie qu'elles empruntent actuellement", a encore dit le président américain.

Un missile russe à tête nucléaire tactique "Iskander".

 

Confronté à une résistance ukrainienne tenace, alimentée par l'aide militaire occidentale, Vladimir Poutine a fait une allusion à la bombe atomique dans un discours télévisé le 21 septembre. Il s'était dit prêt à utiliser "tous les moyens" dans son arsenal face à l'Occident, qu'il avait accusé de vouloir "détruire" la Russie. "Ce n'est pas du bluff", avait-il assuré.

Selon les experts, de telles attaques emploieraient probablement des armes nucléaires tactiques -- plus petites en charge explosive qu'une arme nucléaire stratégique.

Mais Joe Biden a prévenu que même une frappe nucléaire tactique risquerait de déclencher une conflagration plus large. "Je ne pense pas qu'on puisse facilement (utiliser) une arme nucléaire tactique sans finir par provoquer l'apocalypse", a-t-il dit.

Des manifestants portent une statue représentant le président russe Vladimir Poutine avec, à ses pieds, le président bélarusse Alexandre Loukatchenko assis sur un cadavre, en route pour manifester contre l’opération militaire russe en Ukraine en marge du sommet informel de l’UE à Prague, le 7 octobre 2022.

 

Vladimir Poutine "ne plaisante pas quand il parle d'un usage potentiel d'armes nucléaires tactiques ou d'armes biologiques ou chimiques, car son armée, on pourrait le dire, est très peu performante", a encore jugé le président américain.

La gravité de ces propos a poussé Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison-Blanche, à affirmer qu'il n'y a "pas de raison d'ajuster notre propre posture nucléaire stratégique, pas plus que nous n'avons d'indications que la Russie se prépare à utiliser de manière imminente des armes nucléaires".

Interrogée pour savoir si ce ton plus alarmiste était lié à de nouveaux renseignements obtenus par les Etats-Unis, la porte-parole a répondu "non", lors d'une brève session de questions-réponses à bord de l'avion emmenant Joe Biden pour un déplacement au nord-ouest de Washington.

Vladimir Poutine célébrait vendredi son 70e anniversaire. " Dieu vous a placé au pouvoir pour que vous puissiez effectuer une mission d’une importance particulière et d’une grande responsabilité pour le sort du pays et de son peuple ", s’est enthousiasmé le patriarche Kirill, appelant à des prières pour la santé du président russe.

 

Par ailleurs, Moscou a fustigé des déclarations du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a évoqué des "frappes préventives" de l'Otan contre la Russie, Kiev précisant ensuite que M. Zelensky parlait de sanctions préventives et non de frappes nucléaires.

"Que doit faire l'Otan? Eliminer la possibilité que la Russie utilise des armes nucléaires. Mais surtout, je lance à nouveau un appel à la communauté internationale, comme avant le 24 février: des frappes préventives, pour qu'ils sachent ce qui leur arrivera s'ils les utilisent", a déclaré le dirigeant ukrainien.

Après ces déclarations, le porte-parole de M. Zelensky, Serguiï Nykyforov, a expliqué que ces propos avaient trait à des sanctions préventives qui auraient pu être prises à l'encontre de Moscou avant l'offensive du 24 février, et non à des frappes militaires préventives.

Vladimir Poutine a fait une allusion à la bombe atomique dans un discours télévisé le 21 septembre.

 

 

Plusieurs hauts-responsables russes n'ont pas tardé à critiquer vivement les propos de M. Zelensky.

"Des telles déclarations ne sont rien d'autre qu'un appel à débuter une nouvelle guerre mondiale avec des conséquences monstrueuses et imprévisibles", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par l'agence Ria Novosti. Il a appelé les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne à réagir à ces propos, jugeant que ces pays dirigeaient "de facto" les actions de Kiev.


Pour sa part, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a accusé l'Occident "d'attiser une guerre nucléaire".  "Chaque personne sur Terre doit réaliser que ce personnage déséquilibré et bourré d'armes, Zelensky, cette marionnette, s'est transformé en monstre qui peut détruire la planète", a-t-elle écrit sur Telegram.

Le chef de la diplomatie russe, lui-même prix Nobel de l'absurde, Sergueï Lavrov, a estimé que de telles déclarations confirmaient le bien-fondé de l'invasion russe.

Le ministre russe des AE Sergueï Lavrov, lui-même prix Nobel de l'absurde, a estimé que les déclarations de Zelensky confirmaient le bien-fondé de l'invasion russe.

 

Au même moment à Oslo, le Nobel de la paix récompensait le militant bélarusse emprisonné Ales Beliatski, l'ONG russe Memorial et le Centre ukrainien pour les libertés civiles, un prix hautement symbolique en pleine guerre en Ukraine.

Les grandes capitales occidentales ont salué cette décision, et le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a souligné "le pouvoir de la société civile pour faire avancer la paix". Le président américain Joe Biden a salué des lauréats qui se sont dressés face "à l'intimidation et à l'oppression".

Mais en Russie, en guise de réaction, la justice a ordonné la saisie des bureaux de l'ONG Memorial. Quant à la star du rap russe Oxxxymiron, très populaire chez les jeunes et qui a qualifié l'offensive contre l'Ukraine de "catastrophe" et de "crime", il a été placé sur la liste infamante des "agents de l'étranger".



 

 

Sur le terrain vendredi, l'armée ukrainienne a repris près de 2.500 km2 de territoire aux forces russes depuis la fin septembre, dont près de 800 km2 et 29 localités "rien que cette semaine", a affirmé le président Volodymyr Zelensky vendredi soir dans son allocution quotidienne.

Signe de la confiance gagnée par les Ukrainiens après le succès de leur contre-offensive, le ministre de la Défense Oleksiï Reznikov a promis de "garantir la vie, la sécurité et la justice" aux militaires russes qui choisiraient de se rendre.

Des frappes russes ont touché la ville de Zaporijjia, dans le centre de l'Ukraine, déchirant des immeubles de grande hauteur.

 

"Vous pouvez encore sauver la Russie de la tragédie et l'armée russe, de l'humiliation", a-t-il lancé, alors que les défaites ont poussé le président russe Vladimir Poutine à mobiliser plusieurs centaines de milliers de personnes dans l'armée.

Moscou a de son côté annoncé avoir gagné un peu de terrain - trois villages dans l'Est ukrainien - après avoir perdu des milliers de kilomètres carrés de territoires sur plusieurs fronts, plus au nord et au sud ces dernières semaines.

Les trois villages pris sont situés au sud de la ville de Bakhmout qui est, elle, sous contrôle ukrainien. L'armée russe tente de prendre depuis des mois la zone, jusqu'à présent sans succès.

Des frappes russes ont touché la ville de Zaporijjia, dans le centre de l'Ukraine, selon le gouverneur de la région. Ces attaques mortelles ont déchiré des immeubles de grande hauteur et ont blessé un enfant.

 

La présidence ukrainienne a rapporté une nouvelle frappe russe sur la région de Zaporijjia, pour la deuxième journée consécutive, faisant un blessé. "Des infrastructures ont été détruites dans deux districts. L'occupant a utilisé pour la première fois des drones", a-t-elle indiqué.

La veille, 11 personnes avaient été tuées dans des frappes russes sur Zaporijjia, selon les services de secours ukrainiens.

Le chef des séparatistes prorusses de la région de Donetsk, Denis Pouchiline, a relevé que la situation "la plus difficile" se trouvait près de Lyman, noeud ferroviaire repris récemment par les forces ukrainiennes, et où les troupes russes ont échappé de justesse à l'encerclement.

L'administratrice de l'USAID, et ancienne ambassadrice de Washington à l'ONU, Samantha Power (au centre) s'entretient avec des enseignants alors qu'elle visite un abri anti-bombes dans une école locale à Kyiv, dans le cadre de sa visite en Ukraine.

 

Georges Haddad, avec AFP.
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