Des zéros en moins pour la livre libanaise?
Pour contrer l'hyperinflation, suffit-il d’enlever des zéros à la livre libanaise? Une information, qui circule à ce sujet sur les réseaux sociaux, n'a pas de fondement.

Supprimer des zéros à la monnaie libanaise ne représente qu’un jeu d’écriture, un artifice d’imprimerie. Sans être associée à des réformes en profondeur du système politico-économique en place, la démarche de réforme monétaire n’a aucune incidence sur le marasme dans lequel vivent les Libanais.

Certes, supprimer des zéros au billet de cent mille livres, la plus grosse coupure en circulation sur le marché en ce moment, facilite les opérations du quotidien. La mesure semble plus accommodante à l’individu, car elle rend le port des liasses de livres dans le portemonnaie moins encombrant et le calcul des prix moins fou. Mais elle ne représenterait qu’un raccommodage à une économie à plat.

L’équation est simple. Tant que les causes de la dépréciation de la valeur de la monnaie nationale n’auront pas été résolues, les futurs nouveaux billets de cent mille livres avec moins de zéros seront rapidement caducs, obsolètes. Au même rythme, les effets psychologiques de la réforme monétaire présumée sur les citoyens seront rapidement dissipés. Tous les ingrédients sont là pour une belote et une rebelote: les autorités monétaires seront à nouveau obligées de supprimer des zéros. Le cas de la Turquie et de l’Argentine sont des cas d’école qui illustrent le non-sens de la mesure de réforme monétaire orpheline.


Les gouvernants et les gouvernés

Il est clair que la dépréciation de la livre fait l’affaire des gouvernants. Ils s’en servent pour continuer à gérer les affaires publiques dans le déni le plus total d’une hyperinflation et d’une paupérisation qui touche plus de 80 % de la population. «La dépréciation de la livre leur permet d’effacer les pertes de l’État en les faisant assumer aux citoyens, de remettre les comptes à zéro et de poursuivre avec le même système de clientélisme, de frontières poreuses, de contrebande et d’évasion fiscale. Le Liban passe d’un État failli à un narco État », souligne l’économiste Jean Tawilé à Ici Beyrouth. «C’est grâce à la dépréciation de la monnaie nationale que les chiffres du budget 2022, une fois dollarisés, montrent un état des finances publiques et de la dette maîtrisables, mais qui sont loin d’être réels», dit-il.

M.Tawilé cite un total des dépenses de l’ordre de 1,2 milliard de dollars pour des ratios dette/PIB inférieur de 40 % au PIB et un déficit/ PIB de moins 3 % du PIB, qui s’approcheraient des convergences de Maastricht. Tandis que la réalité est totalement différente. «Le budget de 2022 est ni productif ni soutenable», conclut-il.

En attendant peut-être une dévaluation de la monnaie, qui est une politique monétaire intentionnelle de l’État, la classe politique joue de la dépréciation de la livre pour camoufler une crise qui demeure entière.
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