Après les commerçants, les étudiants: le mouvement de protestation contre la vie chère et la dégradation de la situation économique s'étend mardi en Iran, où le président s'est dit à l'écoute des «revendications légitimes» des manifestants.
Au troisième jour de ce mouvement spontané, des manifestations étudiantes ont éclaté dans au moins 10 universités à travers le pays.
Sept sont situées à Téhéran et comptent parmi les plus prestigieuses du pays. D'autres établissements sont concernés à Isfahan (centre), Yazd (centre) et Zanjan (nord-ouest), ont rapporté les agences Ilna, proche des milieux ouvriers, et Irna, un média d'Etat.
Mardi, des forces de l'ordre et la police antiémeute ont été déployées aux principaux carrefours de Téhéran et aux abords de certaines universités, a constaté l'AFP.
Une partie des commerces, fermés la veille dans le centre de la capitale, ont rouvert mardi.
Lundi, des commerçants y avaient fermé boutique pour dénoncer le marasme économique, exacerbé par la rapide dépréciation de la monnaie nationale sur fond de sanctions occidentales.
Des manifestations spontanées avaient débuté dimanche dans le plus grand marché pour téléphones portables de la ville, avant de gagner en ampleur.
Elles sont toutefois restées limitées en nombre et au centre de Téhéran, qui compte de nombreux commerces. L'immense majorité des boutiques ailleurs ont poursuivi leur activité, selon des constatations de l'AFP.
«Revendications légitimes»
«J'ai demandé au ministre de l'Intérieur d'écouter les revendications légitimes des manifestants en dialoguant avec leurs représentants afin que le gouvernement puisse agir de toutes ses forces pour résoudre les problèmes et agir de manière responsable», a déclaré le président Massoud Pezeshkian sur le réseau social X.
Il a lui-même rencontré mardi des responsables syndicaux et proposé plusieurs mesures fiscales, censées aider les entreprises, pour une durée d'un an, d'après l'agence de presse Mehr.
Ce mouvement de grogne contre la vie chère est à ce stade sans commune mesure avec les grandes manifestations qui avaient secoué l'Iran fin 2022, après la mort en détention de Mahsa Amini, une jeune iranienne.
Son décès, suite à une arrestation pour un voile prétendument mal ajusté, en infraction avec le strict code vestimentaire en vigueur en Iran, avait provoqué une vague de colère.
Plusieurs centaines de personnes avaient trouvé la mort, dont des dizaines de membres des forces de sécurité.
En 2019, des manifestations avaient éclaté en Iran après l'annonce d'une forte hausse du prix de l'essence. La contestation avait alors touché une centaine de villes, dont Téhéran, et fait des dizaines de morts.
Le président du Parlement, Mohammad Bagher Ghalibaf, a mis en garde contre un risque d'instrumentalisation des manifestations pour semer le «chaos et des troubles», alors que l'Iran a accusé ces dernières années des puissances étrangères d'orchestrer des manifestations en Iran.
Mercredi, écoles, banques et établissements publics seront fermés à Téhéran et dans la quasi-totalité du pays sur décision des autorités, en raison du froid et pour économiser l'énergie, ont indiqué mardi les médias d'Etat, sans faire de lien avec les manifestations.
«Mécontentement»
L'économie, déjà fragilisée par des décennies de sanctions occidentales, pâtit également du rétablissement fin septembre par l'ONU des mesures punitives internationales levées il y a dix ans, liées au programme nucléaire de l'Iran.
Dans ce contexte, le rial a encore atteint dimanche un plus bas historique face au dollar, selon le taux informel au marché noir, à plus de 1,4 million de rials pour un dollar (contre 820.000 il y a un an) et 1,7 million pour un euro (contre 855.000).
La monnaie iranienne s'est légèrement renforcée en ce début de semaine.
Cette dépréciation chronique entraîne hyperinflation et forte volatilité en Iran, où certains prix augmentent fortement du jour au lendemain.
La situation paralyse les ventes de certains biens importés, vendeurs comme acheteurs préférant reporter toute transaction en attendant d'y voir plus clair.
«Aucun responsable (politique) ne nous a soutenus ou a cherché à savoir comment le cours du dollar affectait nos vies», déplore un manifestant cité mardi par le journal Etemad.
«Il a fallu manifester notre mécontentement», a ajouté ce vendeur sous couvert de l'anonymat.
AFP



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