Sécessionniste depuis plus de trente ans, stable mais isolé, le Somaliland revient sur le devant de la scène internationale après une reconnaissance aux lourdes implications géopolitiques.
Le Somaliland est un territoire situé au nord-ouest de la Somalie, à la pointe de la Corne de l’Afrique. D’une superficie d’environ 175 000 km² – soit près du tiers de la France – il correspond en grande partie à l’ancienne Somalie britannique. En 1991, alors que la République de Somalie s’effondre après la chute du dictateur Siad Barre et plonge dans une guerre civile durable, cette région proclame unilatéralement son indépendance.
Depuis, le Somaliland fonctionne de facto comme un État souverain, avec ses propres institutions politiques, une monnaie, une armée, une police et des élections régulières. Mais pendant plus de trois décennies, aucune reconnaissance internationale officielle n’est venue entériner cette séparation. Jusqu’à l’annonce, vendredi, de sa reconnaissance par Israël – une première.
Une stabilité rare dans une région chaotique
Contrairement au reste de la Somalie, minée par l’insurrection islamiste des shebab, l’instabilité politique chronique et les ingérences étrangères, le Somaliland s’est imposé comme l’un des territoires les plus stables de la région. Hargeisa, sa capitale, est devenue le symbole d’un relatif succès sécuritaire et institutionnel dans un environnement régional chaotique.
Cette stabilité repose notamment sur des équilibres claniques locaux, une gouvernance centralisée et un rejet massif des groupes jihadistes. Si le Somaliland reste pauvre et dépendant des transferts de la diaspora, il a néanmoins attiré l’attention de partenaires étrangers intéressés par sa position stratégique et sa capacité à maintenir l’ordre.
Une reconnaissance israélienne aux enjeux géopolitiques majeurs
La reconnaissance du Somaliland par Israël a déclenché des scènes de liesse à Hargeisa, où des milliers de personnes ont célébré ce qu’elles décrivent comme une «victoire historique». Pour une population qui attend une reconnaissance depuis 1991, cette décision est perçue comme une brèche dans l’isolement diplomatique.
Mais l’initiative israélienne a aussitôt suscité un concert de condamnations. Mogadiscio a dénoncé une «violation flagrante» de la souveraineté somalienne, soutenue par l’Union africaine, l’Igad, la Ligue arabe, l’Union européenne et plusieurs pays musulmans, dont l’Égypte, la Turquie et l’Iran. Les Shebab ont quant à eux menacé de combattre toute présence israélienne au Somaliland.
Derrière les réactions politiques se cachent des enjeux stratégiques clairs : le Somaliland est situé à l’entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, reliant l’océan Indien à la mer Rouge et au canal de Suez. Un rapprochement avec Hargeisa pourrait offrir à Israël un accès stratégique face au Yémen et aux rebelles houthis.
Un précédent explosif pour l’Afrique
Sur le continent africain, la reconnaissance du Somaliland inquiète. L’Union africaine craint qu’elle n’encourage d’autres mouvements sécessionnistes et ne fragilise davantage des États déjà vulnérables. Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation reste un pilier de l’ordre régional africain, et le cas du Somaliland en constitue une remise en cause directe.
Pour la Somalie, l’enjeu est existentiel : accepter la reconnaissance du Somaliland reviendrait à acter une partition du pays, dans un contexte où l’État fédéral peine déjà à affirmer son autorité.
Entre espoir diplomatique et isolement persistant
Pour les autorités du Somaliland, la reconnaissance israélienne est un premier pas, appelé à en entraîner d’autres. Certains responsables politiques américains, notamment au sein du Parti républicain, plaident depuis plusieurs années pour une reconnaissance officielle de ce qu’ils considèrent comme un «partenaire fiable» en matière de sécurité.
Reste que, malgré cette percée symbolique, le Somaliland demeure largement isolé sur la scène internationale. Sa quête de reconnaissance, engagée depuis plus de trente ans, est loin d’être achevée. Mais avec cette décision israélienne, un territoire longtemps relégué aux marges du système international vient de s’imposer au cœur d’un nouvel affrontement diplomatique mondial.



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