À mesure que chaque acteur au Liban s’érige en expert économique, multipliant avis et jugements sur les questions financières, le dossier du «gap financier» continue de susciter à la fois étonnement et intérêt. Les théories foisonnent, portées par des prétendus spécialistes qui s’aventurent à expliquer l’origine et le sort des dépôts.
Si tous s’accordent à repousser toute décision sur ce dossier au lendemain des élections législatives, par crainte de répercussions susceptibles d’ébranler une base populaire majoritairement composée de petits déposants, la méthode de calcul des pertes est, elle aussi, devenue une simple affaire d’opinion, dépourvue de tout fondement juridique.
Le citoyen lambda, dès lors qu’il s’attarde sur certains détails financiers, constate une multitude d’incohérences, étrangères aux b.a.-ba de l’économie. Ainsi, le projet de loi sur le gap financier remet en cause les taux d’intérêt élevés dont ont bénéficié les banques et qu’elles ont versés aux déposants, atteignant parfois 15%, pour les recalculer rétroactivement sur la base de 2%. Le texte prévoit la récupération de ces montants, sans base légale claire ni mécanisme défini.
Comment justifier un tel rétropédalage juridique? Comment admettre qu’un citoyen ayant agi conformément à la loi en vigueur à l’époque puisse être considéré fautif des années plus tard, par effet rétroactif, du seul fait qu’une norme jadis légale devient soudainement illégale?
Par ailleurs, le projet de loi n’aborde pas le sort des déposants qui ont perçu ces intérêts, puis fermé leurs comptes et retiré leurs fonds conformément aux circulaires en vigueur, sans plus aucun lien avec le secteur bancaire. Comment les banques pourraient-elles, dans ces conditions, les poursuivre pour récupérer des intérêts déjà versés?
Le véritable problème réside ailleurs: les réponses apportées aux crises financières et économiques ont systématiquement occulté leurs causes profondes, privilégiant les palliatifs. Il est pourtant indispensable de s’attaquer aux racines de la dilapidation des fonds: budgets chroniquement déficitaires, déséquilibre structurel de la balance des paiements, politiques de subventions prolongées et taux de change artificiel que nul président ni gouvernement n’a osé remettre en question.
C’est bien là que l’argent s’est volatilisé. Inutile, donc, de le chercher dans les comptes des citoyens.



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