L'IA, nouveau pétrole des Émirats arabes unis?
En plein désert, un immense campus d'intelligence artificielle (IA) commence à sortir de terre, symbole des ambitions des Émirats arabes unis pour réduire leur dépendance à l'or noir en pariant sur cette technologie en plein essor. ©AFP

En plein désert, un immense campus d'intelligence artificielle (IA) commence à sortir de terre, symbole des ambitions des Émirats arabes unis pour réduire leur dépendance à l'or noir en pariant sur cette technologie en plein essor.

De hautes grues surplombent de longs bâtiments en construction, destinés à héberger à terme l'un des plus grands parcs de centres de données au monde, qui desservira jusqu'à quatre milliards de personnes dans un rayon de 3 200 kilomètres.

L'enjeu est surtout «d'attirer les partenaires internationaux et les technologies pour devenir une nation centrée sur l'IA», explique à l'AFP Johan Nilerud, directeur de la stratégie de Khazna Data Centers, la filiale du groupe émirati G42 pilotant le chantier, qui s'étendra sur 26 km².

Le géant américain OpenAI a déjà réservé 1 gigawatt (GW) de capacité, sur les 5 GW au total du futur centre.

Entre les projets locaux et les investissements massifs annoncés à l'étranger, notamment en France et aux États-Unis, Abou Dhabi dit avoir engagé plus de 147 milliards de dollars dans le secteur ces deux dernières années.

Ministre de l'IA 

Un montant colossal qui reflète son importance «stratégique» pour la monarchie pétrolière, souligne Jean-François Gagné, de l'Université de Montréal.

Car «l'IA, comme le pétrole, est un secteur transversal, qui a le potentiel d'avoir un effet de levier et un impact sur différentes activités», ajoute le chercheur.

Les Émirats ont été le premier pays au monde à nommer un ministre de l'IA en 2017, à ouvrir une université dédiée deux ans plus tard, et à imposer l'étude de la matière dans les programmes scolaires il y a quelques mois.

En parallèle, ils ont bâti le groupe G42, présidé par le frère du président, Sheikh Tahnoon ben Zayed, et développé des modèles d'IA proposés en accès libre.

Si elle reste encore loin dans la course derrière les géants américain et chinois, la monarchie du Golfe dispose toutefois de deux atouts majeurs: l'argent et l'énergie, estiment les analystes.

Entre le pétrole, le gaz et le solaire, le pays a les capacités énergétiques pour alimenter rapidement des centres de données, une «contrainte majeure» ailleurs, souligne Gregory C. Allen, du Center for Strategic and International Studies (CSIS).

Avec une population composée à 90% d'expatriés, le pays d'environ 11 millions d'habitants peut aussi attirer les talents nécessaires, ce qui lui donne «une longueur d'avance» par rapport à son voisin saoudien, juge-t-il.

Stratégie tous azimuts 

Pour soutenir leurs ambitions, les Émirats ont toutefois besoin des technologies de pointe des États-Unis, qu'ils courtisent activement, sans pour autant rompre avec leur rival chinois.

Le mois dernier, ils ont obtenu le feu vert de Washington pour importer des puces avancées de Nvidia, le leader américain du secteur, tandis que Microsoft a injecté 1,5 milliard de dollars dans G42 et annoncé 15,2 milliards d’investissements dans le pays d'ici à 2029.

Ses fonds souverains détiennent aussi des participations majeures dans les entreprises technologiques chinoises, y compris dans le domaine de l'IA, selon Gregory C. Allen.

Les Émirats investissent également dans des infrastructures locales tout comme dans la recherche et le développement.

«La souveraineté, l'autonomie et l'adaptation des technologies aux besoins locaux sont des priorités», insiste Eric Xing, le président de l'université Mohammed ben Zayed pour l'IA.

L'établissement a développé récemment un modèle de raisonnement capable, selon lui, de rivaliser avec ceux d'OpenAI et DeepSeek.

Le Technology Innovation Institute (TII) d'Abou Dhabi, lui, s'est fait connaître avec son modèle de langage Falcon, et a lancé en septembre un laboratoire de recherche en partenariat avec Nvidia.

Mais malgré les moyens déployés, rien ne garantit aux Émirats une place dans un secteur complexe et en constante évolution, tempère toutefois Jean-François Gagné.

«Pour le moment, on ne sait pas quelle est la bonne stratégie (...) tout le monde mise sur différents joueurs, mais il y en a qui vont perdre et d'autres qui vont gagner», prévient-il.

AFP

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