L'unité 121 du Hezbollah: l'escadron des assassinats au Liban
Des partisans du groupe militant libanais Hezbollah brandissent des drapeaux lors d'un rassemblement en voitures et motos pour protester contre l'approbation par le gouvernement d'un plan visant à le désarmer, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 7 août 2025. ©Anwar Amro / AFP

L'armée israélienne a révélé mardi que l'unité 121 du Hezbollah aurait assassiné quatre personnalités libanaises qui en savaient trop sur l'explosion du port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020. Il s’agit des douaniers Joseph Skaff et Mounir Abou Rjeily, du photographe Joe Bejjani et du journaliste Lokman Slim, d’après le communiqué.

Selon le porte-parole arabophone de l’armée israélienne Avichay Adraee, ces personnalités auraient été éliminées par crainte qu'elles ne révèlent le rôle du Hezbollah dans cette catastrophe causée par la détonation de nitrate d'ammonium. 

Ces nouvelles accusations viennent s'ajouter à un long historique d'assassinats politiques attribués à cette unité opaque, dont l'existence n'a été officiellement confirmée qu'en 2020.

Une cellule secrète directement contrôlée par le secrétaire général

L'unité 121 constitue l'escadron d'assassinats du Hezbollah au Liban. Active depuis plusieurs années sous différentes appellations, cette cellule hautement secrète est composée de dizaines d'opérateurs complètement déconnectés du reste de l'organisation. 

Selon une enquête du Washington Post datant du 25 août 2020, l’unité 121 reçoit ses ordres directement du secrétaire général du Hezbollah, garantissant une discrétion maximale et un contrôle absolu.

L'existence de cette unité a été révélée en 2020 à l'issue d'une enquête de onze ans menée par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Les communications interceptées ont confirmé l'existence de cette cellule responsable d'une série d'attentats à la voiture piégée sur au moins une décennie. 

Son commandant le plus connu est Salim Ayyache, détenteur d'un passeport américain et inscrit sur la liste des personnes recherchées par les États-Unis. Une récompense de 10 millions de dollars était offerte à qui fournit toute information pouvant mener à son arrestation. Il a été tué le 9 novembre 2024 lors d’une frappe israélienne en Syrie.

Le modus operandi de l'unité 121

Les méthodes de l'unité 121 suivent un schéma assez systématique. Avant chaque assassinat, les opérateurs effectuent une surveillance extensive de leurs cibles: déplacements quotidiens, dispositifs de sécurité, niveau de protection à tout moment. Cette phase de renseignement permet de déterminer le meilleur moment, le meilleur lieu et la meilleure méthode pour éliminer la cible.

L'arme de prédilection reste la voiture piégée, déclenchée soit à distance, soit par un kamikaze. Lors de l'assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005, l'unité avait suivi l'ancien Premier ministre pendant des mois, notant que son convoi était équipé de brouilleurs électroniques empêchant la détonation à distance. La solution: un kamikaze conduisant un camion chargé d'explosifs. L'attentat a tué 22 personnes et blessé plus de 200 autres en plein centre de Beyrouth.

L'intimidation préalable fait également partie de la stratégie adoptée. Des menaces sont souvent envoyées aux cibles, comme dans le cas du journaliste Samir Kassir qui avait reçu un message pétrifiant: «Un jour, tu seras trouvé mort sur le trottoir». Il a été tué en juin 2005 par une bombe placée dans sa voiture.

Une campagne systématique contre l'opposition

Suite au meurtre de Hariri, le mouvement du 14 Mars, une coalition anti-Assad et anti-Hezbollah, avait obtenu une courte majorité parlementaire. Le Hezbollah a alors lancé, entre 2005 et 2013, une véritable campagne d'élimination politique. Son unité 121 a orchestré une série d'assassinats visant à renverser cette majorité parlementaire en éliminant les hommes politiques de l’opposition, un par un. 

Parmi les victimes figurent l'éditeur Gebran Tueni en décembre 2005, le général François el-Hajj en 2007, et Mohammad Chatah, ancien ministre des Finances, tué en décembre 2013 alors qu'il s’apprêtait à rencontrer l’ancien Premier ministre Saad Hariri. En septembre 2007, après le meurtre d’Antoine Ghanem, député des Kataëb, le bloc anti-Hezbollah ne comptait plus que 68 sièges, soit seulement trois de plus que la majorité nécessaire. 

L'élimination des enquêteurs et des témoins gênants

L'unité 121 ne cible pas uniquement des hommes politiques. Elle élimine systématiquement ceux qui enquêtent sur ses crimes ou qui pourraient en témoigner.

Le capitaine Wissam Eid, spécialiste du pistage téléphonique, a percé l'affaire Hariri en établissant des connexions entre des réseaux de téléphonie et des hauts responsables du Hezbollah. Il a été tué le lendemain de sa deuxième rencontre avec les enquêteurs de l'ONU, en janvier 2008.

De plus, le général Wissam el-Hassan, chef du renseignement interne libanais, a été assassiné en octobre 2012 alors qu'il enquêtait sur la collaboration entre l’ancien ministre libanais Michel Samaha et des responsables syriens. 

Lokman Slim, activiste et cinéaste vivant au cœur de la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, a été enlevé puis abattu en février 2021 après avoir publiquement accusé le groupe d'être responsable de l'explosion du port.

Aucun suspect n'a été poursuivi pour ces assassinats de haut niveau au Liban. Le Hezbollah nie toute implication et obstrue activement la justice: vol d'ordinateurs appartenant aux enquêteurs, harcèlement, surveillance des responsables judiciaires. 

Au fil des années, un constat s’impose: chaque fois qu’une enquête menace de remonter trop haut, les témoins disparaissent, les dossiers s’effondrent et le silence retombe. Dans un pays où aucun de ces crimes n’a jamais été élucidé, l’unité 121 apparaît moins comme une cellule clandestine que comme l’ombre portée d’un système qui a appris à neutraliser toute vérité avant même qu’elle n’émerge. Et tant que cette ombre continuera de planer sur la vie publique libanaise, le Liban restera un pays où l’on enterre plus facilement les hommes que les secrets.

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