L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal estime que la réconciliation entre Paris et Alger pourrait s’accélérer si un geste politique fort était posé. Il appelle à relancer l’économie et à renouer un dialogue entre dirigeants.
«Si on le veut», la réconciliation entre Alger et Paris «peut aller très vite», affirme mardi dans un entretien à l’AFP l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, selon qui les Algériens «sont avides de paix» avec la France.
Libéré le 12 novembre après près d'un an d'incarcération en Algérie, le romancier estime que c'est aux dirigeants des deux pays de s'engager pour «le retour à la normale», en particulier en relançant les relations économiques, aujourd'hui moribondes.
Les relations entre Paris et Alger sont très tendues. Comment peut-on les améliorer?
Je suis d'un optimisme naturel. (...) Si on a des hommes d’État costauds, c'est l'affaire d'une journée. Si on le veut, tout peut aller très vite. Comme les Allemands et les Français après la guerre. L'histoire paraît être très compliquée mais, parfois, les solutions sont simples.
Quel conseil donneriez-vous au président français Emmanuel Macron?
Je lui dirais: si j’étais toi, je prends mon avion. Je débarque à Alger et je dis à (Abdelmadjid) Tebboune (le président algérien): je vais te forcer à me serrer la main. Et, à partir de là, on confie le dossier aux gouvernements.
Le peuple suit, le peuple est avide de paix avec la France. Les jeunes veulent venir étudier en France.
Et les revanchards, là-bas et ici, il faut les laisser se crêper le chignon entre eux.
N’est-ce pas un peu naïf?
Mais c’est la naïveté qui fait marcher le monde. Quand on est trop soupçonneux, on finit par se méfier de son ombre et on ne fait rien du tout.
Je me bats depuis vingt ans et je continuerai à le faire pour que la France et l’Algérie fassent la paix, même s’ils ne sont pas d’accord sur tout. La guerre permanente crée une instabilité psychique, morale, qui déstabilise tout le monde. Les Algériens qui vivent ici ne savent plus s’il faut rester, s’il faut partir.
Concrètement, quelles sont les solutions pour y arriver?
Il faut commencer par l’économie. Parce que l’intérêt responsabilise les gens. Il faut que la France reprenne sa position de premier partenaire économique de l’Algérie, que des hommes d’affaires, des cadres se déplacent...
J’aimerais bien aussi que l’Algérie rejoigne la Francophonie. Pendant un siècle et demi de colonisation, le français a été intégré, familial... Encore aujourd’hui on s’exprime volontiers en français dans les maisons. Mais il n’est quasiment plus étudié.
Vous sentez-vous menacé?
Pas du tout, je ne me suis jamais senti menacé. Je suis gamin dans ma tête: je ne ressens pas le danger. Je vais continuer à parler.
Vous allez reprendre l’écriture. Comptez-vous écrire un livre sur votre expérience en prison?
Non, franchement, ça ne m’intéresse pas. Je ne suis qu’un épiphénomène.
Mais, très vite, dans la prison où j’étais, dans les autres prisons et dans la société, on ne m’appelait plus Boualem Sansal mais La légende. Celui qui a dénoncé le régime au point que ce régime est en train de s’effondrer.
Cela m’a paru un thème très intéressant parce que, partout dans le monde, les gens vivent sur des légendes (...) qui structurent sur le long terme les sociétés.
Je rêve de pouvoir écrire un grand roman sur ça. Mais c’est difficile. Je ne suis pas dans un bon état.
Par Jérôme RIVET / AFP



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