Le manga célébré comme art majeur au musée Guimet
Cette photographie montre l’entrée de l’exposition «Manga, tout un art!». ©Sebastien DUPUY / AFP

Le musée Guimet consacre une grande exposition aux liens profonds entre le manga et les traditions artistiques japonaises. L’événement met en lumière l’évolution d’un genre devenu incontournable dans la culture mondiale contemporaine.

Les mangas ont conquis les pays occidentaux, dont la France, depuis une quarantaine d'années, mais la BD japonaise est l'héritière de siècles de folklore et de traditions profondément ancrés, comme le démontre une ambitieuse exposition du musée des arts asiatiques Guimet à Paris.
La BD japonaise est d'«une époustouflante créativité», affirme Yannick Lintz, la présidente du musée, qui accueille jusqu'au 9 mars l'exposition Manga, tout un art!.
Pour le prouver, le Guimet a choisi de rapprocher des planches des plus célèbres mangas – d'Astro Boy à One Piece en passant par Naruto – avec des bouddhas, des sabres de ninjas et des masques du théâtre Nô.
Avec cette mise en scène «créative et dynamique», le Guimet veut «attirer les jeunes» et pas uniquement «les spécialistes de l’Asie», qui représentent les visiteurs traditionnels du musée, explique Mme Lintz.
L'affiche très colorée de l'exposition a d'ailleurs été confiée au célèbre mangaka français Reno Lemaire, dont la série à succès Dreamland a été publiée au Japon, événement rare pour un auteur étranger.

Les jeunes sont les principaux lecteurs de mangas, qui représentent un immense marché en France, en pesant entre 30% et 40% du chiffre d'affaires de la BD et en se déclinant en séries, en films d'animation, en jeux vidéo ou en figurines.
L'exposition fait remonter le développement du manga, un mot composé des idéogrammes «man» (spontané) et «ga» (dessin), à la rencontre entre le Japon et l'Occident à la fin du XIXe siècle, qui introduit les dessins satiriques et humoristiques dans l'archipel.
Les artistes japonais vont se saisir de cette tradition européenne en l'adaptant à la culture locale, que ce soit le kamishibai (théâtre de papier) ou la très riche mythologie nippone.

– L'influence d'Hokusai –
«Ce n'est pas une expo de bande dessinée comme les autres, c'est une expo qui met la bande dessinée en parallèle avec le fonds Guimet, avec les œuvres qui sont chez Guimet», explique à l'AFP Didier Pasamonik, journaliste, éditeur et l'un des deux commissaires de cette exposition.
L'exposition accorde ainsi une place de choix à l'estampe iconique du peintre Katsushika Hokusai, Sous la grande vague au large de Kanagawa, réalisée vers 1830. Le «trait clair et structuré» de Hokusai «préfigure l’esthétique de la BD», souligne-t-il.

Le musée met aussi à l'honneur Osamu Tezuka qui, au milieu du XXe siècle, a révolutionné le manga avec ses séries Astro Boy et Princesse Saphir, le premier shojo, ces mangas pour filles qui ont ensuite connu une immense popularité.
Suivra, dans les années 1950, la naissance du mouvement gekiga, qui propose des mangas au style réaliste et sombre, davantage destinés aux adultes.

Le manga partira réellement à la conquête du monde dans les années 1980 et deviendra l'une des principales forces du «soft power» du Japon.
«Grâce à un marché intérieur dynamique, les productions japonaises sont proposées à des prix compétitifs» à l’international, explique Bounthavy Suvilay, maître de conférences à l’université de Lille, dans le catalogue de l’exposition publié par le musée et l’éditeur Glénat.

Des séries comme Dragon Ball, Naruto ou Akira ont joué «un rôle fondamental dans le processus de japonisation de la culture populaire européenne» et ont créé «une communauté trans-nationale de fans, dépassant les frontières linguistique et culturelle», ajoute l’expert.
Ainsi, se trouve exposée une véritable Dragon Ball, «et pas n’importe laquelle, la Dragon Ball offerte par le Shogun à Napoléon III», précise le commissaire Didier Pasamonik. Cela «permettra aux jeunes lecteurs qui connaissent Dragon Ball de découvrir que ça ne vient pas de nulle part».

Parallèlement, se sont ajoutés les succès colossaux des jeux vidéo (Super Mario, La Légende de Zelda…), des séries d'animation (Goldorak, Albator), dont certaines sont évoquées dans l'exposition, ou des cartes Pokémon.
Le monde des mangas infuse jusqu'à la mode, comme le montrent des tenues Louis Vuitton, Gucci, ou du Français Julien David, présentées par le musée Guimet.

Par Jérôme RIVET / AFP

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