Le Nigeria poursuit son «étroite collaboration» avec Washington, malgré les menaces de Trump
Des piétons passent devant la National Christian Church, dans le quartier des affaires d’Abuja, le 21 mai 2025. ©Olympia De Maismont / AFP

Le Nigeria discute de coopération sécuritaire avec Washington, qui a menacé d'intervenir militairement dans le pays, a affirmé lundi à l'AFP le ministre nigérian des Affaires étrangères, à la suite de récentes allégations de Donald Trump évoquant des «meurtres de chrétiens» perpétrés par des «terroristes islamistes».

«Nous discutons actuellement de la manière dont nous pouvons collaborer pour relever les défis sécuritaires qui concernent l'ensemble de la planète», a déclaré Yusuf Tuggar lors d'une interview exclusive à Abuja.

Au début du mois, M. Trump a affirmé avoir demandé au Pentagone d'élaborer un plan d'attaque potentiel contre le pays le plus peuplé d'Afrique, car les islamistes radicaux y «tuent les chrétiens et les tuent en très grand nombre».

Lorsque l'AFP lui a demandé s'il pensait que Washington allait frapper le Nigeria, M. Tuggar a répondu: «Non, je ne pense pas».

«Parce que nous continuons à discuter et, comme je l'ai dit, les discussions ont progressé. Nous avons dépassé ce stade» des menaces, a-t-il confié.

«Nous considérons cela comme un léger accroc dans ce qui a été une relation très longue et prestigieuse», a estimé le ministre, assurant poursuivre une «étroite collaboration» avec Washington.

Le président américain avait déclaré que le christianisme était «confronté à une menace existentielle» dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, ajoutant que si le Nigeria ne mettait pas fin aux massacres, les États-Unis attaqueraient et «ce serait rapide, violent et efficace».

Insécurité

Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent avec 230 millions d'habitants, est divisé de manière à peu près égale entre un sud à majorité chrétienne et un nord à majorité musulmane.

Il est le théâtre de nombreux conflits qui tuent aussi bien des chrétiens que des musulmans, souvent sans distinction.

Dans le nord-est du pays, l'insurrection jihadiste menée par le groupe Boko Haram (actif depuis 2009) et sa faction dissidente rivale de l'État islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), a fait plus de 40.000 morts et forcé plus de deux millions de personnes à fuir leurs foyers, selon les chiffres des Nations unies.

Elle s'est étendue ces dernières années dans les zones limitrophes, au Niger, au Cameroun et au Tchad voisins, entraînant la création d'une coalition militaire régionale afin de combattre les islamistes armés.

Dans le nord-ouest et le centre du Nigeria, des gangs criminels, appelés «bandits» par la population, sèment la terreur, attaquant des villages, enlevant des habitants et incendiant des maisons après les avoir pillées.

Des affrontements sanglants entre agriculteurs majoritairement chrétiens et éleveurs peuls musulmans ont aussi ensanglanté l'État du Plateau et d'autres États du centre du Nigeria.

Selon les experts, bien que le conflit semble s'articuler autour de questions ethniques et religieuses, ses causes profondes résident dans la mauvaise gestion foncière et l'absence d'autorité dans les zones rurales.

Selon le ministre Tuggar, ces problèmes sécuritaires «tuent plus de musulmans que de chrétiens» et résultent de «facteurs exogènes» au Nigeria comme la dégradation de la sécurité et l'augmentation de la menace jihadiste au Sahel.

Depuis les propos de Donald Trump, les autorités nigérianes ont multiplié les déclarations assurant que le Nigeria ne tolère aucune persécution religieuse.

Ces accusations de persécutions religieuses à l'encontre des chrétiens sont relayées à Washington par des hommes politiques conservateurs, des associations de défense des chrétiens mais aussi des séparatistes biafrais.

«La désinformation provient du fait que nous vivons à l'ère des réseaux sociaux» qui abreuvent les gens de «fausses» informations, a commenté Yusuf Tuggar.

Donald Trump a ordonné fin octobre d'intégrer le Nigeria à la liste des pays «particulièrement préoccupants» («Country of Particular Concern», CPC) en termes de liberté religieuse. Les parlementaires américains doivent examiner cette requête jeudi. Si elle était approuvée, des sanctions pourraient être prises contre des officiels nigérians.

AFP

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