Pour les dix ans des attentats du 13-Novembre, Victor Le Masne dirigera la musique de la cérémonie officielle à Paris, avec un requiem spécialement composé pour l’occasion. Le compositeur a travaillé en étroite collaboration avec les associations de victimes pour trouver le ton juste.
Le compositeur Victor Le Masne, directeur musical des cérémonies des Jeux de Paris en 2024, reprend la baguette pour diriger la partie musicale des commémorations des dix ans des attentats du 13-Novembre, jeudi à Paris.
Le compositeur touche-à-tout de 43 ans a notamment conçu un requiem, qui sera joué lors de cette cérémonie au nouveau jardin mémoriel près de l'Hôtel de Ville, en présence d'Emmanuel Macron.
Cette partition, ainsi que le reste des temps musicaux qu'il préfère ne pas dévoiler, ont été réalisés en lien avec les associations de victimes, pour «essayer d'être au plus près de ce qu'elles ressentent», a-t-il raconté à l'AFP.
Le directeur artistique Thierry Reboul est venu vous chercher pour ces commémorations, mais c'est vous qui lui avez proposé l'écriture d'un requiem. Pourquoi?
C'était important pour moi d'avoir une forme de vitalité artistique, quelque chose d'inédit, dédié à, en hommage à... Au-delà des moments musicaux que vous découvrirez, j'étais content de proposer aussi une création.
Quelle sera la tonalité de cette cérémonie?
Évidemment, la tonalité va être plutôt grave. Elle doit être en retenue, mais à la fois, d'une certaine manière, spectaculaire. C'est une réflexion de tous les instants, savoir où placer exactement mon curseur d'émotions. Si c'est trop tire-larmes, il y a une forme de vulgarité à vouloir insister. Et si c'est trop léger, ça ne va pas du tout parce que... c'est de destins dont on se parle.
Qu'avez-vous voulu retranscrire dans votre requiem, sans paroles, mais avec les voix du chœur de la Maison de Radio France et l'orchestre de la Garde républicaine?
Je joue avec les codes du liturgique et les codes du sacré, mais j'aime dire que c'est un requiem laïque. Il y a un grand chœur, mais sans mots. C'était aussi une recherche d'universalité: je ne voulais pas que ce soit dans une langue, ni en latin, ni en français, ni en anglais ou que sais-je. Dans les voix, il y a le souffle. Je me disais que l'instrument le plus organique possible, c'était la voix humaine. C'était l'instrument de vie par excellence.
Un an après les Jeux, vous évoluez dans un tout autre registre…
Tout à fait, c'est un sacré grand écart. Je ne le fais pas exprès, ce n'est pas un désir ni une réflexion de carrière. C'est toujours inspirant de sortir de sa zone de confort. Ce n'est pas très léger à écrire, un requiem en hommage aux victimes du 13-Novembre. J'ai dû aller chercher des choses assez profondes. Mais je crois que quand on écrit, c'est obligatoire, si on ne veut pas être en surface.
Quelques jours plus tard, le 21 novembre, vous sortez Requiem Recomposed sur le prestigieux label Deutsche Grammophon. Que représente pour vous Ravel (1875-1937), dont on célèbre les 150 ans de la naissance?
Ravel, c'est un compositeur avec lequel j'ai grandi. Mon père est compositeur et ça faisait partie des essentiels à la maison. J'avais une écoute d'enfant, de sensations. Quand j'ai quitté le foyer, je me suis installé à Paris. Je n'avais pas de télévision, juste une sorte de radio-cassette. Mon père, c'était sympa, il m'avait fait une petite compilation de choses qu'on écoutait quand j'étais petit. J'ai réécouté Ravel à ce moment-là, avec une écoute beaucoup plus analytique. Plus tard, quand j'ai travaillé sur les Jeux olympiques, j'ai mis du Ravel ici et là, dans les cérémonies.
Revisiter l'un des plus grands compositeurs français est à l'image de votre trajectoire à la croisée des styles…
C'est vrai qu'on m'a demandé de reprendre la Marseillaise. J'ai repris Starmania, beaucoup de relectures, du Aznavour avec Aya Nakamura ou là, Ravel. J'y prends du plaisir parce que je crois que je reste dans le respect de l’œuvre originale, en essayant de mettre une lumière un peu différente. Je n'ai aucun snobisme musical. J'aime autant travailler avec une boîte à rythme qu'avec un orchestre symphonique.
Par Fanny LATTACH / AFP



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