«Glamouriser»: quand le crime devient spectacle
©Ici Beyrouth

Le cambriolage du Louvre a retourné les réseaux sociaux, déclenchant une avalanche de mèmes, de vidéos parodiques et même de campagnes de marques. Comment le crime devient-il une tendance?

Depuis le spectaculaire cambriolage du Louvre, survenu le 19 octobre dernier, Internet s’enflamme. Sur les réseaux, les vidéos «heist» se multiplient, les mèmes détournent les bijoux volés en accessoires de mode. Les voleurs du Trésor de la Couronne fascinent jusqu'à devenir des personnages de fiction. Un phénomène révélateur d’une tendance pourtant pas nouvelle: la glamourisation du crime, où la fascination envahit l’espace numérique.

Du charme au sortilège

Le verbe «glamouriser» est dérivé du nom glamour, emprunté dans les années 1970 à l’anglais. Ce dernier vient lui-même du scots (langue germanique d’Écosse) glamer, signifiant «envoûtement, charme magique».

Ainsi, glamouriser, c’est littéralement «jeter un charme». Appliqué à la culture populaire, le terme signifie rendre séduisant ce qui ne devrait pas l’être: transformer la transgression en style, la faute en esthétique.

Psychologie d’une fascination

En sept minutes, quatre individus ont réussi à dérober huit bijoux d’une valeur estimée à 88 millions d’euros. Une opération millimétrée, sans violence apparente: l’affaire avait tout du scénario Netflix. Et c’est précisément ce qui explique son succès viral.

Sur les réseaux, la scène devient divertissement: les internautes rejouent le vol, se filment en faux braqueurs, ou ironisent: «Quelqu’un vend les bijoux du Louvre sur Vinted?»

Ce basculement s’explique par ce que les sociologues appellent la romantisation du crime ou la glorification des criminels: un phénomène où l’admiration l’emporte sur la réprobation.

En observant un cambriolage sans victimes, le public peut éprouver une forme d’excitation, l’adrénaline de la transgression. Les figures de voleurs habiles, tels Arsène Lupin ou Danny Ocean (dans les films Ocean's ElevenTwelve et Thirteen), nourrissent depuis longtemps ce fantasme d’intelligence contre le pouvoir.

Mais à l’ère des réseaux, ce frisson collectif se démultiplie. Le vol n’est plus un acte à condamner, mais une histoire à raconter: une fiction dans laquelle chacun veut, l’espace d’un instant, jouer le rôle du héros.

Entre viralité et marketing, quelle place pour la justice?

Le phénomène du casse a nourri, par la même occasion, les stratégies commerciales. Il s’agit du newsjacking, ou marketing de l’actualité, qui consiste à exploiter un événement marquant de l'actualité pour capter l’attention du public. 

Plusieurs entreprises ont ainsi créé du contenu à partir du cambriolage du Louvre, afin d’augmenter la visibilité de leur marque.

Mais une question demeure: jusqu’où peut-on transformer le crime en spectacle? Quand le vol devient viral, c’est parfois la gravité des faits qui disparaît derrière le filtre de l’amusement.

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