En Syrie, la colère monte face à l'explosion du prix de l'électricité
En Syrie, le coût de l’électricité s’envole : certaines factures multipliées par 60. ©Sameer Al-DOUMY / AFP

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Dans son atelier de forgeron situé dans une banlieue de Damas, Ghassan Aama fulmine contre la décision des autorités syriennes d'augmenter fortement le prix de l'électricité, près d'un an après la chute du président Bachar al-Assad.

«Nous avons été surpris de voir que les tarifs de l'électricité vont augmenter», s'inquiète cet homme aux cheveux blancs. «Nos revenus sont limités, si les factures sont élevées, nous ne pourrons pas joindre les deux bouts».

Fin octobre, le ministère de l'Énergie a annoncé de nouveaux tarifs pour l'électricité, multipliant la facture par au moins 60.

«Nous avons survécu à une guerre qui a détruit nos maisons et tous nos biens. On pensait que les choses allaient s'améliorer, pas empirer», ajoute Ghassan Aama, faisant référence à la prise du pouvoir en décembre 2024 par une coalition islamiste, qui a mis fin en Syrie à plus de 13 ans d'une guerre dévastatrice.

Comme beaucoup d'habitants de la région de Damas, il est contraint de payer un abonnement pour se servir d'un générateur privé en raison des coupures de courant, fréquentes et longues.

Les autorités islamistes ont sorti la Syrie, longtemps asphyxiée par les sanctions internationales, de son isolement politique, et cherchent des fonds pour la reconstruction du pays, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

La guerre civile a gravement endommagé les infrastructures électriques, entraînant des coupures pouvant durer plus de 20 heures par jour.

Libéralisation 

La décision «s'inscrit dans le cadre de la libéralisation accrue que le gouvernement a semblé annoncer au début de l'année», explique à l'AFP l'expert économique Jihad Yazigi. Les nouvelles autorités «tentent de mettre fin aux subventions», notamment dans le domaine de l'électricité.

Il souligne que l'économie sous Bachar al-Assad était «relativement libérale, et maintenant on libéralise encore plus», prenant pour exemple le prix du pain qui n'est plus subventionné.

«Après la libération (la chute du pouvoir de Bachar al-Assad, ndlr), les gens s'attendaient à ce que le pays se reconstruise rapidement. On pensait que les choses allaient s'améliorer», déplore Mohieddine Salam, un agent immobilier.

«Maintenant, les tarifs de l'électricité sont montés en flèche. Si mon loyer est de 200 dollars et la facture d'électricité entre 200 et 400 dollars, comment je vais faire?», s'interroge-t-il.

«Personne ne va payer» 

Dans une rue animée de Damas, Alaa Moussa, qui a installé à même le sol un étal pour vendre du café et des biscuits, ne cache pas sa colère.

«Personne ne va payer. Personne n'a d'argent. Qu'ils arrêtent complètement de fournir l'électricité, ce serait mieux», s'écrie-t-elle.

«Il n'y a pas de travail, toutes les usines sont fermées. On ne s'attendait pas à ça, on pensait que l'argent allait commencer à affluer» après la chute de. Assad, ajoute cette femme.

Le gouvernement du président intérimaire Ahmad al-Chareh a annoncé d'importants accords d'investissement avec des pays de la région pour reconstruire les infrastructures.

Le Qatar a annoncé financer un projet pour l'approvisionnement en gaz pour la production d'électricité en Syrie, dont une première phase a été lancée en mars via la Jordanie et a permis de fournir 400 mégawatts d'électricité par jour.

Mais ces projets n'ont pas encore amélioré le quotidien des Syriens, dont neuf sur dix vivent dans la pauvreté et un sur quatre est au chômage, selon l'ONU.

Beaucoup d'entre eux ont recours à de petits boulots pour survivre, comme Oum al-Zein, une mère de famille de 43 ans, qui vend du pain dans la rue.

«Comment je peux payer la facture d'électricité, alors que je peux à peine payer les frais universitaires de mon fils?», s'agace cette femme au visage encadré par un foulard rouge.

«Nous avons de l'électricité tout juste une heure par jour. Cet hiver, nous allons devoir nous réchauffer sous les couvertures».

avec AFP

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