Les États-Unis pressent l’ONU de lever les sanctions visant le président syrien
Le Président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, à Damas. ©Syrian Transitional Government photo via AFP

Les États-Unis ont soumis au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution visant à lever les sanctions contre le président syrien Ahmad al-Chareh et plusieurs membres de son gouvernement. Cette initiative intervient quelques jours avant une visite sans précédent du dirigeant syrien à Washington, marquant un tournant dans les relations entre les deux pays après plus d’une décennie de guerre en Syrie.

Selon un projet de résolution obtenu par The Associated Press, les États-Unis proposent au Conseil de sécurité de lever une série de sanctions visant Ahmad al-Chareh et le ministre syrien de l’Intérieur, Anas Hasan Khattab. Le texte pourrait être soumis au vote dès ce jeudi. Pour être adopté, il devra recueillir l’appui d’au moins neuf membres du Conseil et éviter tout veto des cinq membres permanents – la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Mais le pari américain reste risqué : plusieurs alliés occidentaux redoutent une réhabilitation trop rapide d’un dirigeant au passé jihadiste, tandis que les ONG rappellent que le pays demeure ruiné et profondément fracturé après treize années de guerre civile ayant fait près d’un demi-million de morts.

Cette démarche américaine précède de quelques jours la rencontre prévue entre Donald Trump et Ahmad al-Chareh, attendue lundi à la Maison-Blanche. Ce sera la première visite d’un président syrien à Washington depuis des décennies. Selon la Maison-Blanche, les discussions porteront sur la levée des sanctions, la reconstruction du pays et l’intégration de la Syrie dans la coalition internationale contre l’État islamique.

Un ex-chef rebelle en quête de légitimité internationale

Arrivé au pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad, Ahmad al-Chareh, ancien dirigeant du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), s’efforce depuis de réhabiliter son image sur la scène internationale. Bien que son passé à la tête d’une organisation autrefois affiliée à al-Qaïda ait longtemps suscité la méfiance des capitales occidentales, Washington semble désormais parier sur sa capacité à stabiliser la Syrie.

En mai dernier, Donald Trump avait rencontré Ahmad al-Chareh en Arabie saoudite et annoncé son intention de lever une large partie des sanctions américaines. “C’est un homme fort, un vrai leader”, avait alors déclaré le président américain, estimant que le Syrien avait “une chance réelle de tenir son pays uni”.

En outre, selon des informations révélées par Reuters, jeudi, Washington préparerait également l’établissement d’une présence militaire à Damas afin de superviser un futur accord de sécurité entre la Syrie et Israël. Cette base, dont la localisation reste confidentielle, servirait à surveiller une zone démilitarisée en cours de négociation entre les deux pays dans le cadre d’un pacte de non-agression médié par l’administration Trump.
Ce projet inédit illustre le réalignement stratégique du nouveau pouvoir syrien vers les États-Unis, après des décennies d’alliance avec l’Iran.

La fin d’un isolement diplomatique

Avant son arrivée à Washington, Ahmad al-Chareh participe à la COP30 au Brésil, où il a été accueilli par le président Luiz Inácio Lula da Silva. Ce déplacement illustre la volonté du nouveau pouvoir syrien de renouer avec la communauté internationale. 

La levée des sanctions, si elle est entérinée par l’ONU et le Congrès américain, constituerait une étape décisive vers la réintégration de la Syrie dans le concert des nations. Mais elle ne manquera pas de susciter des débats, notamment au sein du Congrès, où les sanctions les plus dures — imposées par le Caesar Act en 2019 — ne peuvent être suspendues qu’à la majorité des voix. Adoptée en 2019 par le Congrès américain, la loi Caesar — du nom d’un ancien photographe militaire syrien ayant révélé les atrocités du régime de Bachar al-Assad — constitue le principal cadre juridique des sanctions imposées à la Syrie.

Elle vise à punir toute personne ou entité étrangère coopérant avec le gouvernement syrien dans les domaines de la reconstruction, de l’énergie ou des transactions financières. Même si Donald Trump a déjà suspendu plusieurs restrictions par décret, la levée complète de ces mesures reste du ressort du Congrès. Selon le texte, le secrétaire d’État et le secrétaire au Trésor doivent vérifier régulièrement si les critères justifiant les sanctions sont toujours remplis. En cas de relâchement du contrôle ou de violations persistantes des droits humains, les sanctions peuvent être immédiatement rétablies.

Pour Donald Trump, cette réouverture diplomatique pourrait incarner un succès politique majeur : la fin de l’isolement syrien et le retour, sous conditions, d’un ancien adversaire dans le camp de la lutte contre le terrorisme.

Commentaires
  • Aucun commentaire