Les droits de douane, pièce maîtresse de la politique de Trump, en jeu devant la Cour suprême
La Cour suprême examine si Donald Trump peut librement imposer des droits de douane. ©STR / AFP

La Cour suprême, majoritairement conservatrice, examine mercredi la question de savoir dans quelle mesure Donald Trump peut recourir à l’imposition de droits de douane à l’échelle internationale, avec pour enjeu l’étendue du pouvoir présidentiel.

Depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier, Donald Trump a fait des droits de douane l’alpha et l’oméga de sa politique économique, voire de sa politique tout court.

Il affirme que ce moyen de pression pourrait contribuer à réindustrialiser le pays, réduire le déficit commercial et, à titre de sanction contre le Mexique, le Canada et la Chine, limiter la diffusion du fentanyl, un opiacé responsable de dizaines de milliers de décès par overdose chaque année aux États-Unis.

Le président républicain a invoqué la loi d’urgence économique IEEPA de 1977 pour décréter de sa seule autorité deux vagues de droits de douane au motif que le déficit commercial américain, pourtant chronique depuis des décennies, représenterait une «urgence nationale». Il s’est ainsi arrogé le pouvoir de les augmenter ou de les réduire à son gré.

Des entreprises touchées et des États démocrates ont contesté en justice ces décisions unilatérales de l’exécutif empiétant sur les prérogatives du Congrès.

Plusieurs juridictions fédérales ont déclaré illégaux ces droits de douane – distincts de ceux frappant des secteurs précis, comme l’automobile ou l’acier – qui restent néanmoins en vigueur en attendant que la Cour suprême tranche.

«Sans défense» 

L’exécutif presse les neuf juges, six conservateurs et trois progressistes, de préserver ce qu’elle présente comme un levier d’influence vital.

«Avec les droits de douane, nous sommes un pays riche, sans les droits de douane, nous sommes un pays pauvre», résume dans son argumentaire le conseiller juridique du gouvernement, John Sauer.

Il s’agit d’une «question de vie ou de mort pour notre pays», a renchéri Donald Trump mardi sur son réseau Truth Social, promettant une «sécurité financière et nationale» en cas de succès à la Cour suprême.

«Sinon, nous serons quasiment sans défense contre les autres pays qui profitent de nous depuis des années», a-t-il affirmé.

Le ministre des Finances Scott Bessent assistera aux débats en personne à la demande expresse de Donald Trump, a annoncé la Maison-Blanche.

«Le gouvernement prétend que le président peut imposer des droits de douane aux Américains quand il le veut, au taux qu’il veut, pour tous les pays et produits qu’il veut, et aussi longtemps qu’il le veut, simplement en proclamant que les déficits commerciaux américains de longue date sont une urgence nationale», répliquent les avocats d’une des entreprises plaignantes.

«Le président peut même changer d’avis demain puis de nouveau le jour d’après», soulignent-ils, en référence aux nombreux revirements de Donald Trump en matière de politique douanière.

«C’est le Congrès, pas le président, qui décide de taxer ou non, et de combien, les Américains qui importent des biens», rappellent de leur côté les 12 États démocrates impliqués, exhortant la Cour à ne pas le laisser «s’arroger ce pouvoir». «Taxer les tomates ne règle pas la crise du fentanyl».

Alternatives 

La Cour devrait se prononcer d’ici le terme de sa session annuelle fin juin, mais sa décision pourrait intervenir rapidement.

Elle doit d’ailleurs statuer sur d’autres questions portant sur l’étendue des pouvoirs présidentiels, notamment de révocation des responsables d’organismes indépendants, en particulier à la Réserve fédérale (banque centrale).

Les experts relativisent le discours apocalyptique de l’administration Trump en cas de rejet de son recours, soulignant notamment qu’elle pourra toujours invoquer d’autres textes, pour imposer des droits de douane, certes avec moins de latitude.

Quant à l’impact sur la richesse nationale ou les finances publiques, il serait négligeable, estime Scott Lincicome, vice-président du groupe de réflexion libertarien Cato Institute pour l’économie et le commerce.

D’après les calculs de la Tax Foundation, écrit-il dans le Washington Post, «entre 2025 et 2054, la dette publique passera de 99,9 % du PIB à 164,1 % avec les droits de douane, et à 171,5 % sans eux. Soit au mieux une chaise de moins sur le pont du Titanic».

 

Par Selim SAHEB ETTABA, AFP

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