 
 Meta a levé d'un coup jeudi 30 milliards de dollars de dette, une opération inhabituelle pour les géants technologiques mais qui se banalise ces derniers mois pour financer le développement accéléré de l'intelligence artificielle (IA), avec le blanc-seing des marchés.
La journée aura eu deux tonalités très différentes pour la maison mère de Facebook, avec d'un côté un plongeon en Bourse (-11%) après des résultats mitigés et, de l'autre, un triomphe pour son émission obligataire, pour laquelle la demande a atteint, selon l'agence Bloomberg, plus de quatre fois les montants proposés.
Cet emprunt obligataire de 30 milliards de dollars, avec une partie qui s'étend sur 40 ans, doit servir à alimenter la croissance effrénée de l'IA, qui consomme, chez Meta comme ses concurrents, des dizaines de milliards par an.
«Wall Street n'est pas effrayé» par ces montants, considère Angelo Zino, analyste de CFRA, «mais il y a un peu d'inquiétude», ce qui explique la correction du cours de Bourse jeudi. Le patron Mark Zuckerberg «ne semble pas avoir de limites en matière de dépenses», observe l'analyste.
Pour autant, les investisseurs ne se sont pas moins rué sur les obligations du groupe de Menlo Park (Californie), qui a ainsi obtenu des taux parmi «les plus bas de la décennie» pour cette catégorie, souligne Byron Anderson, responsable du marché obligataire chez Laffer Tengler Investments.
«Est-ce qu'il y a un peu d'anxiété sur ce qui touche à l'IA? Peut-être, mais les revenus sont là et les bénéfices que dégage cette entreprise sont énormes», avance-t-il.
Sans une charge exceptionnelle liée à une évolution de la fiscalité aux États-Unis, Meta aurait ainsi enregistré, au troisième trimestre seul, un bénéfice net de 18,6 milliards de dollars, soit davantage que General Motors, Walmart, Netflix et Visa réunis pour leur dernier trimestre publié.
«Très peu de risques»
Byron Anderson ne voit pas dans l'attrait des marchés financiers pour la dette de Meta un élan irraisonné, inspiré par le «FOMO» (fear of missing out), la peur de rater le train de l'IA.
«C'est simplement un nom de qualité», dit-il, «tout comme l'était Oracle», le spécialiste des centres de données (data centers) qui a levé, en septembre, 18 milliards.
Selon Bloomberg, le groupe texan serait sur le point de placer 38 milliards de dette supplémentaires, cette fois-ci auprès de banques et non sous forme obligataire.
Beaucoup des emprunts des grands noms de l'IA sont garantis par des actifs physiques, comme les centres de données eux-mêmes ou des millions de puces électroniques, matériau de base du développement de l'intelligence artificielle, ce qui contribue également à rassurer Wall Street.
Du fait de cette garantie, «il y a très, très peu de risques», selon Angelo Zino, et les marchés ne s'inquiètent pas, pour l'instant, d'une bulle IA.
Meta a d'ailleurs annoncé, il y a quelques jours seulement, la création d'une société commune avec le gestionnaire d'actifs Blue Owl Capital, qui va lever quelque 27 milliards de dollars directement injectés dans la construction de centres de données.
Meta ou Oracle profitent aussi de la baisse des taux de la banque centrale américaine (Fed), qui réduit le coût de l'argent.
Cette montée en puissance sur le marché de la dette détonne pour les gros poissons de la tech, qui ont l'habitude de financer eux-mêmes leurs besoins.
Meta «va générer plus de 100 milliards de dollars de trésorerie» cette année, rappelle Angelo Zino. «Ils pourraient ne rien verser aux actionnaires et investir tout dans l'IA. Mais ils ne veulent pas tout utiliser», dit l'analyste, qui s'attend à ce que Google ou Microsoft s'y mettent aussi.
Il pourrait en aller autrement des start-up les plus en vue de l'IA, en premier lieu OpenAI mais aussi Anthropic ou Perplexity, qui perdent des milliards chaque année et ne dégagent, eux, aucune trésorerie.
«Dans mon métier, j'ai appris que de la dette émise par une entreprise qui ne fait pas de bénéfices, c'est un placement risqué», commente Byron Anderson.
Pour l'analyste, ces jeunes sociétés devront se contenter de lever du capital sous forme d'actions, comme elles l'ont fait jusqu'ici.
«Je ne pense pas qu'ils pourraient aller sur le marché de la dette», insiste-t-il. «Cela leur coûterait trop cher.»
Avec AFP



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