Symbole de la cuisine libanaise, la tomate a décidé de prendre la grosse tête. En quelques semaines, son prix a bondi jusqu’à 150.000 livres le kilo, un record qui fait tousser ménagères, restaurateurs et producteurs. Mais derrière cette flambée se cachent des causes bien plus profondes qu’un simple coup de chaud.
Sur les étals des maraichers de Beyrouth de Zahlé, du sud ou du nord, on en parle presque avec nostalgie: «Tu te souviens quand on achetait le kilo de tomates à 20.000 livres?» Oui, c’était il y a à peine quelques mois. Aujourd’hui, il faut parfois débourser jusqu’à 150.000 livres, soit sept fois plus.
Selon un producteur de tomates, cette hausse vertigineuse s’explique d’abord par les pertes subies par les producteurs tout l’été: «le kilo se vendait à 15.000 ou 20.000 livres pendant quatre mois. Certains paysans ont même laissé leurs champs à l’abandon, ça ne valait plus la peine de récolter.»
Et comme la nature a ses saisons et les marchés leurs humeurs, la période des tomates cultivées en plein air est désormais révolue. «Place à celles sous serre, venues de la Békaa ou du Sud, bien plus coûteuses à produire, notamment à cause du prix élevé de la main-d’œuvre, du manque de pluie et du coût de l’irrigation», poursuit-il.
L’hiver approche, et les prix grimpent
Traditionnellement, les prix des légumes augmentent à partir d’octobre, mais cette année, le phénomène s’accélère. «Ce n’est pas seulement la tomate, mais tous les légumes qui vont grimper», avertit l’agriculteur.
Pourquoi? D’abord, parce que la production sous serre coûte cher, mais aussi parce que la demande dépasse l’offre.
Et pour cause: au Liban, la tomate n’est pas un simple légume, c’est une star nationale. Du fattouche au taboulé en passant par le chankliche, elle s’invite dans presque tous les plats. Autant dire que la pénurie n’est pas une option.
Entre marché et marmite: un équilibre fragile
Cette flambée illustre la valse habituelle des prix agricoles: périodes de pertes suivies de rebonds soudains. Pour Ibrahim Tarshishi, président de l’Union nationale des agriculteurs, cette hausse est «douloureuse pour le consommateur, mais nécessaire pour le producteur».
Elle permet aux agriculteurs de compenser des mois de pertes et d’assurer la continuité de la production.
Importer des tomates étrangères? Mauvaise idée, selon lui: «Cela priverait nos agriculteurs de leur seule fenêtre de profit et menacerait la production locale.»
Autrement dit, mieux vaut des tomates chères que plus de tomates du tout.
Dans un pays où l’économie pousse de travers, la tomate libanaise rappelle une vérité simple: même la nature a un prix.
Entre climat capricieux, coûts en hausse et demande insatiable, le marché suit ses propres lois parfois cruelles, souvent logiques.
Alors, en attendant le retour des beaux jours et des tomates bon marché, un conseil: savourez chaque tranche comme un petit luxe national. Parce qu’au Liban, même le taboulé apprend à vivre avec l’inflation.




Commentaires