Le navigateur internet, nouveau champ de bataille de l'IA grand public
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Les géants de l’intelligence artificielle (IA) grand public ne veulent plus se contenter de simples agents conversationnels, mais repenser toute la navigation sur internet autour de l’IA générative, comme OpenAI avec son nouveau-né «Atlas», afin de contester la suprématie de Google.

«La ligne de front» de l’IA, aujourd’hui, «c’est le navigateur et le téléphone, parce que ce sont les deux plateformes que nous connaissons tous» et qui concentrent l’essentiel de nos usages du web, résume Daniel Newman, patron du cabinet Futurum Group.

Alors qu’ils fonctionnaient initialement en vase clos, les assistants IA tels que ChatGPT ont rapidement été reliés à internet, mais ne permettent pas d’aller d’un site à l’autre, de page en page, à l’image de navigateurs classiques comme Chrome (Google), Edge (Microsoft), Safari (Apple) ou Firefox (Mozilla).

L’«Atlas» d’OpenAI, qui a rejoint mardi dans la galaxie des navigateurs 2.0 le «Comet» de Perplexity, la dernière version de Edge avec Copilot ou les petits poucets Dia et Neon, fusionne chatbot et parcours sur internet.

«Nous utilisons tant de services et d’applications sur le web qu’intégrer l’IA au navigateur fait sens, en particulier si vous voulez qu’un agent IA agisse pour vous sur internet», relève Avi Greengart, président du cabinet Techsponential.

Quand l’assistant IA de première génération remontait simplement des réponses ou des résultats, l’agent effectue, sur demande, des tâches à la place de l’utilisateur, comme une réservation au restaurant ou une commande de pizza.

«On ne télécharge plus sur son ordinateur autant de logiciels qu’il y a dix ans», renchérit Evan Schlossman, du fonds d’investissement SuRo Capital, «donc les choses migrent de plus en plus vers le navigateur.»

Néanmoins, bien que ces nouveaux outils d’exploration en ligne se présentent comme très novateurs, ils s’éloignent assez peu des canons de la navigation traditionnelle.

«Le fait (qu’Atlas) divise votre écran en deux» avec la page internet d’un côté et la fenêtre de discussion de l’autre «est déjà assez perturbant» pour les utilisateurs, estime Avi Greengart. «Et l’idée qu’un agent IA observe tout ce que vous faites et vous propose de l’aide à chaque fois ne convient pas à tout le monde.»

Priorité à court terme

Soumis à une concurrence féroce d’un nouveau genre, Google et son mastodonte Chrome, qui pèse encore plus de 70 % du marché des navigateurs selon le cabinet d’analyse StatCounter, n’ont pas mis en place de fonctionnalités équivalentes à celles de leurs rivaux.

Les options «AI Overviews» et «AI Mode» interrompent la navigation et ne sont disponibles que dans le moteur de recherche, pas dans le navigateur Chrome lui-même.

Daniel Newman ne voit pas, cependant, Google perdre plus que quelques points de part de marché «à ce stade, parce que les internautes ont pris l’habitude d’utiliser Chrome».

Mais pour Thomas Thiele, associé du cabinet de conseil Arthur D. Little, OpenAI a l’avantage d’amener dans son navigateur l’historique de conversations dans ChatGPT, ce qui «donne plus d’indices sur les personnes», leurs goûts et leurs aspirations «que jamais auparavant».

«Il se peut qu’on assiste à la naissance d’un nouveau Google», ose-t-il. «En prenant le contrôle de cette interface (le navigateur), vous pouvez définir une stratégie sur ce que sera l’interface IA du futur.»

Car le navigateur pourrait n’être qu’une étape dans l’évolution de la relation entre l’humain et l’IA générative.

«Il devrait y avoir, dans le futur, une plateforme qui soit plus omniprésente» dans la vie quotidienne, entrevoit Daniel Newman. «Un appareil portable connecté, une interface vocale. (…) Le navigateur n’aura plus la même importance» à long terme, «mais durant les quelques années à venir, à mesure que les habitudes se forment, il faudra être là où sont les consommateurs pour s’assurer une part du marché», donc privilégier le navigateur.

Davantage que dans la navigation, Evan Schlossman voit plutôt le combat se jouer au cœur des assistants IA comme ChatGPT et croit à l’intégration d’applications au sein même de l’univers du chatbot, à l’instar de ce qu’a présenté, début octobre, OpenAI.

«Ce n’est pas facile (techniquement) d’intégrer ces applis», reconnaît-il, «mais à partir du moment où cela va se standardiser, il va y avoir un mouvement rapide de la recherche traditionnelle» vers les usages directs dans les chatbots.

 

Par Thomas URBAIN, AFP

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