Au Louvre, Jacques-Louis David dévoilé dans toute sa puissance politique
Musée du Louvre, Paris ©Sergii Figurnyi / Shutterstock.com

Le Louvre consacre une exposition majeure à Jacques-Louis David, figure emblématique de la Révolution et du Premier Empire. L’événement explore le rôle politique et artistique d’un peintre dont l’œuvre a façonné l’histoire de France.

Marat assassiné, Le Sacre de Napoléon: si, dans l’imaginaire collectif, ces tableaux iconiques de Jacques-Louis David (1748-1825) incarnent la Révolution ou l’Empire napoléonien, ils traduisent aussi un engagement politique radical du peintre français, au cœur d’une exposition qui débute mercredi au Louvre.
«C’est probablement le premier artiste qui a eu un rôle politique de premier plan sous la Révolution, en particulier en 1793-1794 pendant la Terreur», affirme Sébastien Allard, directeur du département des Peintures du grand musée parisien et commissaire de l’exposition.
Une centaine de tableaux et de dessins sont présentés dans un parcours thématique montrant qu’art et politique ont toujours été indissociables pour ce monument de la peinture historique, considéré comme le «père de l’École française».
Parmi eux : la version originale du célèbre Marat assassiné (Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles), l’imposant fragment du Serment du Jeu de Paume (dépôt du musée du Louvre au château de Versailles) et quatre tableaux restaurés, dont un rare autoportrait.
Première exposition consacrée à David depuis 1989 et le bicentenaire de la Révolution, elle entend le présenter «dans son intégralité», sans distinguer l’homme de l’œuvre, ajoute M. Allard, dont l’institution conserve le plus important ensemble au monde de ses créations.

Faveurs du roi

Elle débute par son ascension fulgurante sous la monarchie après avoir intégré l’Académie royale à 26 ans et réalisé Le Serment des Horaces, immense toile qui lui assure la gloire.
Il vit alors «dans un monde où on ne peut pas être un grand peintre sans les faveurs du roi, il en bénéficiera mais votera aussi la mort de Louis XVI sans état d’âme», explique Côme Fabre, bras droit de M. Allard pour cette exposition.
David est alors pourtant logé gracieusement au Louvre, à l’époque palais royal, où il aura aussi «un des plus grands ateliers de l’histoire de l’art, accueillant jusqu’à 80 élèves de toute l’Europe à son apogée», ajoute Aude Gobet, cheffe du service Étude et documentation du département des Peintures du musée.
Né à Paris en 1748, il va connaître six régimes politiques et participer activement à la Révolution française en s’engageant auprès de Maximilien Robespierre. Figure de la Révolution animée d’abord par des idéaux humanistes, Robespierre enverra pourtant des milliers de personnes à la guillotine, faisant régner la terreur.
 

«Propagandiste»

Le peintre «se radicalise. Élu député de Paris avec l’aide du journaliste Marat, il sera membre du comité de sûreté générale (chargé de la police intérieure, ndlr), président du club des Jacobins et, pendant quelques semaines, président de la Convention», retrace M. Allard.
Cet épisode est au cœur de l’exposition, qui présente dans une scénographie tout en clair-obscur le tableau Marat assassiné : le journaliste dans son bain après son meurtre par une autre Républicaine, Charlotte Corday.
«Sommet de l’art du peintre», c’est aussi le moment où ses «talents de propagandiste» se révèlent. «Il métamorphose ce journaliste ultra-violent en héros comme il peindra plus tard le couronnement de Napoléon, totalement acquis à la cause de l’empereur», quitte à asseoir faussement sa légitimité, souligne M. Fabre.
Chargé des funérailles de Marat, David «imagine même, en plein été, d’exposer son cadavre embaumé à sa table de travail mais y renonce en raison de son état de décomposition», détaille M. Allard.
Il le peint seulement. Le tableau sera «exposé dans la cour carrée du Louvre, le jour de l’exécution de Marie-Antoinette», puis «dans toute la France, devenant une sorte d’icône d’un culte civique», ajoute-t-il.
Robespierre sera exécuté. David, malade, emprisonné. «Il bénéficiera de son immense aura en tant qu’artiste et assurera aussi avec habileté sa propre défense», selon M. Fabre.
Le peintre reviendra sur le devant de la scène avec Les Sabines (1799), immense toile, présentée dans l’exposition, mettant en scène des femmes s’interposant pour mettre fin aux combats.
En 1801, David peint Bonaparte franchissant les Alpes en héros, le considérant alors comme «l’homme providentiel, issu de la Révolution, qui arrive pour sauver la France», souligne M. Allard.
L’exposition s’achève sur l’exil du peintre à Bruxelles après la restauration de la monarchie et son bannissement en tant que «régicide», ainsi que sur son legs à l’histoire de l’art.

Par Sandra BIFFOT-LACUT / AFP

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