
S’il y avait pari, beaucoup misaient déjà sur Trump. Mais le Nobel 2025 est allé à María Corina Machado, une femme dont certains gestes ont parfois suggéré une proximité avec l’«appui américain», sans pour autant verser dans le trumpisme rigide. En saluant, plus tôt cette année, la décision du président américain d’annuler les licences pétrolières du Venezuela, elle avait surpris autant qu’intrigué. Ce vendredi 10 octobre, c’est pourtant son combat pacifique pour la démocratie vénézuélienne que le comité Nobel a choisi d’honorer.
À 58 ans, María Corina Machado devient la première femme vénézuélienne à recevoir le prix Nobel de la paix. L’annonce, venue d’Oslo, salue sa lutte pacifique et constante pour la démocratie, dans un pays où toute opposition est risquée.
Née à Caracas en 1967, elle est ingénieure industrielle, diplômée de l’Université catholique Andrés Bello. Elle se fait connaître au début des années 2000 lorsqu’elle fonde, avec Alejandro Plaz, l’organisation citoyenne Súmate, qui surveille les élections et défend la transparence du vote. Très vite, l’ancien président Hugo Chávez y voit une provocation. L’ONG est poursuivie et ses membres sont menacés. Machado, elle, reste au Venezuela.
Élue députée en 2010, elle siège brièvement à l’Assemblée nationale, avant d’être exclue pour avoir pris la parole devant l’Organisation des États américains. En 2012, elle lance son parti Vente Venezuela et devient l’un des visages les plus connus de l’opposition. La lauréate défend la liberté politique, la souveraineté populaire et le refus de toute violence, même face à la répression.
Les années passent et les menaces se multiplient, mais son discours reste le même. «Le changement doit venir des citoyens», avait-elle alors affirmé. Empêchée de se présenter à la présidentielle de 2024, elle avait alors apporté son soutien au candidat Edmundo González Urrutia, avec qui elle partage le prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de pensée.
«Très juste reconnaissance pour la longue lutte d'une femme et de tout un peuple pour notre liberté et notre démocratie», a annoncé Urrutia, après l’annonce du prix.
En 2025, l’Institut Ivan Allen de l’université Georgia Tech lui remet le prix du Courage social. Ces distinctions annonçaient déjà la reconnaissance du comité Nobel.
Vendredi matin, María Corina Machado a été réveillée par un appel venu de Norvège. À l’autre bout du fil, le secrétaire du comité Nobel. La voix émue, elle a confié : «Nous travaillons très dur pour y parvenir, mais je suis sûre que nous l’emporterons. C’est le fruit d’un mouvement, de toute une société. Moi, je ne suis qu’une personne. Je ne mérite certainement pas ce prix».
Aujourd’hui, celle que les médias appellent «la libératrice» vit cachée. Elle décrit le Venezuela comme un État autoritaire brutal.
Début 2025, une interview a relancé le débat sur sa proximité supposée avec Donald Trump. Machado y avait salué la décision du président américain d’annuler certaines licences pétrolières rétablies sous Joe Biden. Selon elle, cette mesure limitait les revenus de Maduro sans nuire directement à la population. Ce propos lui a valu l’étiquette de sympathisante républicaine, même si aucun lien politique avec Trump n’a été établi.
Et à Washington, justement, la réaction n’a pas tardé. «Le comité Nobel a prouvé qu’il privilégiait la politique à la paix», a déclaré le directeur de la communication de la Maison Blanche, Steven Cheung, sur X. Il a ajouté que Donald Trump «continuerait à conclure des accords de paix, à mettre fin aux guerres et à sauver des vies».
Pour le comité Nobel, le choix de Machado illustre la possibilité d’un changement pacifique dans un pays fracturé. Son nom rejoint ceux de figures comme Nelson Mandela ou Liu Xiaobo, symboles d’une résistance non violente.
Au Venezuela, la nouvelle a été accueillie avec retenue. Certains y voient un hommage à la détermination d’un peuple fatigué. D’autres y lisent un geste symbolique, sans effet immédiat. Mais pour ses partisans, ce Nobel reconnaît avant tout une femme qui a choisi la parole plutôt que la peur.
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