
Entre hymne patriotique et campagne nationale, le ministère libanais de l’Éducation tente de redonner souffle à l’école publique, confrontée à la baisse de fréquentation, à la non-couverture des besoins essentiels et aux défis structurels. Cet état des lieux présente les chiffres et les ambitions d’un secteur crucial pour l’avenir du pays.
Le 30 septembre 2025, la ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Rima Karami, a lancé la Campagne nationale pour le soutien de l’école publique, présentée comme «un espace collectif de rêve, d’espoir et de réforme». Cette initiative est destinée à redonner à l’école publique son rôle central dans la formation des citoyens et le développement du pays.
Parallèlement, le ministère de l’Éducation a lancé un nouvel hymne de l’école publique, composé par Ghassan Rahbani, sur les paroles écrites par la professeure Thanaa al-Halwa. Ce geste a suscité des critiques, certains observateurs le jugeant symbolique – à la limite inutile – face aux profondes lacunes du secteur, aux priorités fondamentales non résolues et aux besoins essentiels en matière d’infrastructures, de ressources humaines et de services éducatifs.
Quoi qu’il en soit, ces démarches s’inscrivent dans une dynamique plus large du gouvernement, rappelée par le Premier ministre, Nawaf Salam, pour replacer l’éducation au cœur des priorités nationales. M. Salam a souligné la volonté de son gouvernement de renforcer le financement de l’éducation publique, moderniser le ministère et réviser les programmes scolaires.
Lors d’une réunion du Fonds fiduciaire pour l’éducation (TREF), tenue le 9 septembre, il a affirmé qu’«aucun enfant au Liban ne doit être privé de son droit à l’éducation», rappelant que la protection de ce droit est à la fois un devoir moral et une condition essentielle pour la souveraineté et la justice du pays.
Quel est, à présent, l’état des lieux de l’école publique au Liban, entre chiffres, financement et défis persistants?
L’école publique en chiffres
La publication la plus récente du Centre de recherche et de développement pédagogique (CRDP) fournit un aperçu de la situation pour l’année scolaire 2023-2024.
En 2023-2024, 25,6% des élèves au Liban étaient scolarisés dans le secteur public, ce qui confirme une tendance au recul par rapport à 28% en 2022-2023 et 31,34% en 2021-2022. En deux ans, la part du public a donc chuté de près de six points de pourcentage, au profit notamment du privé non gratuit, qui concentre désormais environ 60% des effectifs.
Cette évolution contraste avec la répartition des établissements scolaires: les écoles publiques représentent 43,43% du total, contre 42,76% pour les écoles privées non gratuites, 11,62% pour les privées gratuites et 2,19% pour celles de l’Unrwa. La baisse de fréquentation dans le public apparaît ainsi d’autant plus marquée qu’elle survient malgré une couverture territoriale importante.
Si l’on observe le ratio élèves/enseignant, le secteur public atteint 7 élèves par enseignant, un chiffre lié au faible effectif des élèves dans ce secteur.
La présence des non-Libanais dans les écoles publiques est particulièrement marquée. En proportion, 18,6% des élèves non libanais fréquentent le secteur public, ce qui souligne son rôle dans la prise en charge des populations réfugiées.
La répartition par niveau d’enseignement montre que le public concentre 12,06% de l’ensemble des élèves du cycle primaire, contre 5,13% au niveau complémentaire, et 4,48% au secondaire, confirmant sa prédominance dans les premières années de scolarisation.
Par ailleurs, les indicateurs liés aux Objectifs de développement durable (ODD 4) montrent que toutes les écoles publiques ne disposent pas encore des services essentiels, à savoir eau potable, électricité, internet éducatif, équipements pour élèves en situation de handicap, etc. Ces conditions sont jugées indispensables pour garantir un enseignement inclusif et de qualité.
Financement et soutien international
Le financement de l’école publique libanaise repose sur une combinaison de fonds nationaux et internationaux. Selon la loi du budget 2025, 38,256 milliards de livres libanaises ont été allouées au ministère de l’Éducation.
Par ailleurs, le projet de loi du budget 2026, toujours en cours d’examen, place le secteur parmi les priorités de l’État, devant la Santé, l’Intérieur et la Défense.
Depuis 2022, le ministère de l’Éducation a lancé le Fonds fiduciaire pour l’ducation (TREF, Trust Fund for Education), en partenariat avec l’Unicef et plusieurs contributeurs internationaux, dont l’Union européenne et l’Allemagne via la Banque allemande de développement. Le TREF agit comme un canal coordonné pour mobiliser des financements destinés à assurer la continuité et la qualité de l’enseignement, malgré les crises économiques et sociales successives.
Concrètement, le TREF a permis le paiement des primes de productivité des enseignants pour éviter les grèves, le soutien à la mise en œuvre de nouvelles méthodes pédagogiques et des programmes de formation, le financement partiel des besoins des élèves réfugiés et marginalisés, ainsi que la coordination avec plus de dix pays donateurs et organisations internationales.
Si l’aide internationale a été cruciale, elle reste partielle. Les besoins du secteur éducatif dépassent encore les ressources disponibles, obligeant le gouvernement à intervenir par des avances de trésorerie pour garantir le maintien des écoles ouvertes et le soutien aux enseignants.
Alors que le pays fait face à une décennie de crises successives, l’école publique au Liban reste un baromètre de l’avenir des jeunes générations. Entre mobilisations symboliques et défis structurels, la route vers une éducation accessible et de qualité reste longue.
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