Mais que sont ces drones qui survolent l'Europe?
Un drone lors d'une attaque aérienne russe à Kiev le 28 septembre 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. ©Sergei Supinsky / AFP

L’aéroport de Munich a suspendu vendredi ses opérations aériennes pendant plusieurs heures après des signalements de drones non identifiés. 

Dix-sept vols ont été annulés et une quinzaine déroutés, affectant près de 3.000 passagers. Les autorités n’ont pas pu déterminer la taille ni le type exact des appareils, mais cet épisode a suffi pour désorganiser l’un des principaux hubs européens et relancer les inquiétudes sur la sécurité aérienne. Un incident qui s’inscrit dans une vague plus large de survols inquiétants.

Des incursions convergentes dans plusieurs pays

Depuis le début du mois de septembre, les intrusions se multiplient: dix-neuf drones russes ont pénétré en territoire polonais le 9 septembre, dont quatre qui ont été abattus. Quelques jours plus tard, des appareils ont été observés en Roumanie. En France, dans la nuit du 21 au 22 septembre, des drones ont également survolé la base militaire de Mourmelon-le-Grand, près de Reims, tandis qu’au Danemark et en Norvège, des appareils similaires ont provoqué la fermeture temporaire des aéroports de Copenhague et d’Oslo, les 22 et 23 septembre.

 

Quelle est la nature de ces engins?

Les témoignages et premières enquêtes suggèrent une grande diversité d’appareils. Selon des médias européens, les drones observés en Pologne et en Roumanie début septembre étaient de petite taille, mais capables de pénétrer profondément en territoire ennemi.

Ils sont décrits comme des drones de reconnaissance ou des leurres, non armés, mais conçus pour saturer les radars et tester les défenses. L’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), un think tank français, souligne que ces incursions participent d’une stratégie visant à évaluer les capacités européennes, tout en exploitant l’ambiguïté propre aux actions hybrides.

Les appareils observés à Copenhague, Oslo et Munich semblaient plus endurants. Des médias européens estiment qu’il pourrait s’agir de drones hybrides à décollage vertical (VTOL), capables de combiner les avantages des multirotors et de la voilure fixe. Leur autonomie dépasserait celle des drones civils classiques, généralement limitée à une heure de vol sans propulsion spécialisée. 

Ce profil technique laisse penser que les engins pouvaient être pilotés depuis une zone relativement proche, voire depuis la mer dans le cas du Danemark.

Même si aucun appareil intercepté n’était armé, la menace reste sérieuse. Ces drones pourraient, en théorie, transporter de petites charges explosives, mener des actions de brouillage électronique ou collecter du renseignement sur les infrastructures critiques européennes. 

L’Iris rappelle qu’en exploitant cette ambiguïté – entre simple curiosité d’amateurs, actes isolés ou opérations coordonnées d’un État – Moscou pourrait maximiser l’effet psychologique à moindre coût, tout en ralentissant la prise de décision européenne.

Le think tank note que ces incursions s’inscrivent dans une stratégie plus vaste de «dronisation» des conflits, où les appareils servent autant à saturer les défenses qu’à envoyer des messages politiques.

L’Europe cherche une réponse

La Commission européenne a proposé la création d’un «mur de drones» le long de la frontière orientale de l’Union, associant capteurs, systèmes de brouillage et intercepteurs automatisés.

Ce projet, qui réunit déjà une dizaine d’États membres, avec le soutien de l’Ukraine, vise à bâtir un réseau commun de détection et de réaction. Cependant plusieurs limites apparaissent: les capacités diffèrent d’un pays à l’autre, les coûts restent disproportionnés face à une menace peu coûteuse et les règles d’engagement en milieu civil sont complexes. 

De Munich à Copenhague en passant par Varsovie, les incursions de drones révèlent une menace diffuse mais structurante. Qu’il s’agisse d’appareils de reconnaissance, de leurre ou d’engins plus endurants, ils exploitent les failles du ciel européen. L’Iris rappelle que ces actions combinent des moyens cinétiques et non cinétiques pour maximiser la déstabilisation et s’inscrivent dans une guerre hybride de long terme menée par Moscou. 

La véritable question, au-delà de l’origine précise de chaque appareil, est celle de la capacité européenne à développer une réponse technique et politique crédible pour éviter que de modestes engins continuent à imposer une insécurité stratégique majeure.

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