
Alors que toute notre attention reste rivée sur le Hezbollah qui a annihilé l’État, esquinté le pays et décimé sa population, une autre tumeur évolue discrètement mais sûrement. Elle guette les espaces qui se libèrent, les postes qu’il convient d’occuper, les innombrables biens à acheter et les institutions à dominer. Rien de plus facile dans un pays dont la population s’est drastiquement appauvrie, et qui a perdu l’ensemble de ses forces vives par l’exode des cerveaux et de la jeunesse.
Cette nouvelle menace ne forme pas une entité apparente. Elle n’a ni un nom ni un visage. C’est un ensemble d’organisations non gouvernementales disparates, financées par d’autres ONG qui, elles-mêmes, selon certains rapports, remonteraient en chaîne, jusqu’aux Open Society Foundations (OSF) du magnat George Soros. Cette fondation finance un programme idéologique mondialiste axé sur la vision à la fois gauchiste et globaliste de la société. Certains signaux laissent aussi entrevoir un réveil de la Chine qui commence également à subventionner les organisations gauchisantes jusque-là soutenues principalement par l’OSF.
Karl Popper
L’idéologie de l’OSF et de ses innombrables satellites consiste principalement en la mondialisation de la société par l’effacement des identités culturelles et de toute forme de particularisme. Elle se fonde sur la philosophie de Karl Popper développée dans son livre intitulé justement La Société ouverte et ses ennemis (1945).
Popper s’avère critique envers Platon. Il considère sa Cité dirigée par l’élite comme un cauchemar totalitaire où l’individu est sacrifié à la collectivité. La mouvance sorosienne, à travers ses nombreuses ONG, cherche à inverser cette tradition gréco-romaine en sacrifiant la société et le groupe à l’individu. C’est donc l’identité culturelle par excellence, son espace vital, les nations et les frontières, qu’il faudrait abattre. Car pour Popper, c’est là que se situe la source des totalitarismes du XXe siècle qu’il dénonce encore dans l’héritage aristotélicien de Hegel.
L’héritage gréco-romain ainsi que chrétien lui semblent problématiques. Il est fait de cohésion sociale, de groupes sociaux, d’appartenance et d’héritage culturel. Il s’oppose, dans son essence, à la vision marxiste de la Société Ouverte où l’individu est dépourvu de tous ses attributs pour se placer seul face au monde et face au droit. Le christianisme dérange aussi puisqu’il place la famille au cœur de sa doctrine sociale. Il dérange encore plus lorsqu’il se positionne dans la continuité de l’héritage juif et gréco-romain. «Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir», disait Jésus (Matthieu 5:17).
La table rase
Or la Société Ouverte vénère la table rase. Le passé de l’Occident est à proscrire. Il est patriarcal, misogyne, impérial, colonial, raciste et fasciste. Cette idéologie assimile le passé au mal absolu. Et c’est probablement là qu’elle se retrouve avec l’islamisme pour qui tout ce qui le précédait était Djâhiliyya (ignorance).
Selon Popper, la société fermée et tribale se doit d’évoluer vers la société ouverte. Et dans ce processus évolutif naturel, il n’est plus possible de retourner en arrière. En effet, l’humanité évolue vers plus d’ouverture, d’inclusivité et d’échanges culturels. Il serait injuste de remettre en doute cette réalité constatée par Popper. Seulement, la transformation de cette pensée en idéologie voulant brûler les étapes et imposer par la force ou par l’argent ce qui ne devait être qu’une évolution naturelle dans le temps semble causer de graves perturbations sociétales.
La tendance à vouloir imposer ce modèle uniquement aux sociétés et aux pays de tradition chrétienne pose également un autre point d’interrogation, quant à la justesse de cette mission qui se veut philanthropique.
Karl Popper voit le projet politique de Platon comme une utopie, alors que l’idéologie qui impose aujourd’hui une vision mondialiste déracinée du passé et de tout repère historique est elle-même à caractère utopique. Popper considère aussi une certaine pensée occidentale comme étant à la source du totalitarisme, alors que les personnalités financées par les ONG de la Société Ouverte ont tendance à pratiquer le totalitarisme partout où elles le peuvent dans les universités, les colloques et les médias. Toute voix qui s’élève contre leur idéologie est aussitôt censurée et qualifiée de haineuse ou de non académique.
Alors que l’action de la Société Ouverte avait débuté dans les pays du bloc de l’Est et a contribué à leur libération, elle se tourne aujourd’hui vers le monde occidental. Elle cherche la déconstruction de toute appartenance nationale, confessionnelle, sociale ou familiale. Elle isole l’individu pour le placer seul face au droit. Cependant, et conformément à sa logique wokiste, elle pratique une politique de préférences raciales.
Le Liban
Dans le cas du Liban, cette mouvance est plus dangereuse car plus difficile à déceler. En effet, ses partisans ignorent eux-mêmes faire partie de l’idéologie wokiste. Sous prétexte qu’ils ne s’intéressent pas particulièrement à la théorie du genre, ils ne savent pas qu’ils font le jeu du wokisme. Convaincus de l’archaïsme du système communautaire libanais, ils cherchent à passer du modèle tribal à la société ouverte garante de liberté et d’égalité. Une fois de plus, leur action ne se centre que sur le milieu chrétien, considéré comme le principal obstacle à cause de sa mentalité perçue comme conservatrice, suprémaciste, isolationniste et raciste.
Leurs ONG sont devenues d’autant plus puissantes après que l’effondrement économique du Liban en 2019 a causé l’appauvrissement généralisé des familles et des institutions. Ces ONG sont alors en mesure d’assurer les aides financières aux écoles et universités chrétiennes, ainsi qu’aux médias. C’est par ce moyen que les professeurs qui leur sont affiliés finissent par prendre le contrôle de l’université et par y injecter leur idéologie.
Les plus fameuses de ces ONG, qui nient leurs relations avec l’OSF, ont déjà opéré des dégâts significatifs dans la politique et dans le secteur bancaire. En fomentant les slogans de Kellon Yaané Kellon («tous sans exception»), elles ont noyé le bon grain avec l’ivraie et anéanti toute forme de discernement. Elles ont intentionnellement dévié l’attention du problème politique qu’est le Hezbollah, pour tout axer sur la corruption. Il est même allégué qu’elles se sont ouvert des canaux de complaisance avec le Hezbollah.
L’université
Ces ONG ont contribué à la fragilisation du secteur bancaire dans l’espoir de le remplacer par le leur. Elles ont cherché à acheter les biens de l’État pour des prix dérisoires déterminés par leurs propres comités au sein d’institutions universitaires prestigieuses dont elles ont tiré leur légitimité. Elles ont cherché à prendre possession des rouages de l’État en tissant des relations avec les plus corrompus et en s’emparant des médias.
Elles ont mis en place plusieurs instruments de propagande, dont des plateformes médiatiques qui reconnaissent ouvertement être subventionnées par l’OSF. Elles ont élargi leur emprise grâce à leur contrôle sur des programmes télévisés présentés par leurs membres influents. Le président actuel de l’une de ces ONG est constamment présent sur les plateaux de télévision de l’Hexagone et dans les colloques des institutions culturelles et politiques françaises, jusqu’au Sénat.
Pour s’emparer de la société libanaise, cette mouvance a en point de mire les écoles de droit et de sciences politiques des universités chrétiennes. Elle cherche à endoctriner les étudiants selon la pensée globaliste et anti-identitaire dans sa forme la plus gauchisante, inculquant la haine de soi par la réécriture de l’histoire. Elle fait surtout preuve de virtuosité en matière de droit et de rhétorique.
Toute voix dénonciatrice est automatiquement intimidée, rejetée et censurée sous prétexte de non-conformité aux normes académiques. Les professeurs non affiliés à cette idéologie se rendent dociles, sachant que c’est celui qui finance qui tient les rênes du pouvoir. Lorsque toute voix récalcitrante est réduite au silence, cette idéologie prend possession des universités et des plateformes médiatiques, donc de la jeunesse, désormais endoctrinée ou désorientée.
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