
La démarche diplomatique française s’inscrit d’emblée dans un cadre politique et normatif aux incohérences multiples. D’ailleurs, l’élaboration de la démarche diplomatique a connu plusieurs moutures qui reflètent ses contradictions, ses apories et son rôle ambigu dans la recherche d’une solution négociée au conflit en cours et ses ramifications. Initialement, le président français avait abordé la problématique de manière holistique, liant la question de la reconnaissance de l’État palestinien au règlement de la question des otages israéliens, à la démilitarisation de Gaza et à la réforme de l’Autorité palestinienne, comme conditions préalables à la reconnaissance de l’État palestinien.
En se rendant compte de l’invraisemblable acceptation de ces prémisses par le Hamas, des fractures de la scène politique palestinienne et de la crédibilité défaillante de l’Autorité nationale palestinienne, le président français procède au séquençage de la démarche en se contentant de la proposition tronquée de la reconnaissance non conditionnée par une clause de réciprocité s’appliquant aux deux parties du conflit. Ceci étant de nature à disqualifier la démarche et à l'entacher d’un caractère partisan qui a été instrumentalisé par la gauche française et ses émules européens, la gauche woke qui a fait de la militance palestinienne son étendard, les islamismes de tout acabit qui s’en sont emparés afin de promouvoir leurs politiques de subversion et de creuser leur sillon au sein des démocraties occidentales moyennant des alliances avec les mouvances wokes et leurs partenaires au sein de la nébuleuse de gauche.
Cette démarche s’est auto-invalidée en avançant de manière unilatérale, tout en mettant au rancart la partie israélienne reconnue comme responsable de manière exclusive de la guerre. Ce qui devait inévitablement légitimer la terreur du Hamas qui se situe en amont des conflits en cours. Tout en sachant que le fait même de cette démarche révèle l’échec des diplomaties occidentales dans le freinage du conflit et la dissuasion de l’entreprise criminelle du Hamas et sa désinvolture tant par le pogrom du 7 octobre 2023 que par la politique de victimisation intentionnelle et hautement affichée et ses supports au niveau de la gauche internationale dont le palestinisme sert de levier politique majeur.
Il ne suffit pas, en effet, de lancer une dynamique dont les encadrements normatifs et stratégiques sont défaillants et lardés de contradictions. En quoi consiste un État sans frontières négociées avec la partie israélienne adverse? Comment peut-il justifier sa validité opérationnelle alors que l’idée même de négociation est exclue, d’emblée, au profit d’énoncés idéologiques qui professent de manière ostentatoire la destruction de l’État d’Israël, ce qui rend caduque l’hypothétique intention irénique d’une démarche résolument dirimante? Les effets pervers de cette politique sont évidents et ne peuvent, sous aucun rapport, se prévaloir de légitimité normative ou opérationnelle. Autrement, quel peut être son rapport au plan de partage de 1947, aux accords de Camp David (1978), d’Oslo (1993) qui ont pavé la voie à la création de l’Autorité nationale palestinienne qui bénéficie d’une reconnaissance internationale depuis plus de trente ans? Alors que la démarche actuelle est hypothéquée par le Hamas et les diktats idéologiques qui la cautionnent. Une diplomatie cavalière qui ne s’inscrit dans aucune généalogie est d’ores et déjà condamnée.
Des inconséquences ne peuvent, en aucun cas, fournir une plateforme à des médiations politiques effectives. Ceci pour ne pas oublier que la partie israélienne est loin de se laisser dissuader par une démarche pseudo-diplomatique aussi peu élaborée, ou par la malveillance idéologique de la gauche et des islamismes qui instrumentalisent cette question depuis longtemps et dont les incidences ont détruit toute chance de négociations réalistes. Les Palestiniens sont demeurés les otages des élucubrations idéologiques qu’ils se sont données tout au long d’une histoire militante qui n’est que le revers de leurs multiples aliénations et des instrumentalisations stratégiques qui en ont émané. Cette démarche est en train de favoriser la radicalisation de la société israélienne qui appréhende plus que jamais la pente nihiliste de l’islamisme palestinien et son impact. Il a fallu le pogrom du 7 octobre 2023 pour entériner des sentiments jadis flottants.
Sinon, les parties européennes signataires de la proposition répercutent les fractures politiques d’une scène politique continentale en plein éclatement. Une telle démarche n’est pas seulement contre-productive, mais elle sert de catalyseur aux guerres civiles larvées au sein des démocraties occidentales. Ce qui arrange doublement les visées subversives de la gauche woke et de ses alliés islamistes qui auraient réussi une double gageure, celle de promouvoir les guerres culturelles dans les démocraties occidentales, et de l’exploitation de la stratégie des boucliers humains et des interfaces urbaines, gommée au profit de la politique de la victimisation exponentielle projetée par les architectes de la guerre nihiliste à Gaza. Le «keffieh» palestinien est, depuis belle lurette, emblématique du nihilisme palestino-gauchiste et de son ultime version woke.
Autrement, les alliances nouées procèdent à partir d’une autre oblitération, celle du rôle déterminant des États-Unis qui sont loin de se laisser amadouer par les promesses fallacieuses et hautement manipulées par les régimes autoritaires et assassins du monde arabo-islamique. Les États-Unis veulent mettre fin à la supercherie en cours, en insistant sur la nécessité de découpler la négociation de la fin des hostilités de la solution d’ensemble à partir des prémisses des accords abrahamiques. L’absence du cosignataire saoudien de la déclaration onusienne est fortement symptomatique de sa prise de conscience de l’inefficacité de cette démarche creuse et sans perspectives réelles. En outre, la position franchement partisane du gauchiste primaire Antonio Guterres contribue au discrédit de l’ONU, convertie désormais en club fédérateur des dictatures tiers-mondistes.
Par ailleurs, le tintamarre causé par l’attaque du Qatar s’est estompé en un temps record. Les ambiguïtés du Qatar ont été mises à nu par l’attaque israélienne qui a osé braver les tabous d’une supercherie qui estimait poursuivre sa carrière. En se rétractant, le Qatar révèle sa fragilité structurelle, et le sommet arabo-islamique expose la faiblesse des dictatures mensongères qui ont passé l’éponge sur le rôle de l’Iran dans la création de ce contexte de débridements conflictuels. Une semaine plus tard, plus rien ne tient.
Au bout du compte, comment peut-on tirer quelque chose de positif d’une démarche politique aussi contradictoire? La seule possibilité est celle d’une démarche alternative lancée par les États-Unis et l’Arabie saoudite en vue de mettre fin au conflit à Gaza et au Liban et de mettre un terme définitif à la capacité de sabotage iranienne. Les manœuvres qui tournent à vide à l’exemple du Pakistan et de l’Arabie saoudite relèvent de la gesticulation et de la diversion sans plus. À défaut, il faudrait boucler les entreprises militaires inopportunément interrompues. Les autocraties et les totalitarismes islamistes sont à défaire sans état d’âme, comme cela a été le cas avec les totalitarismes du XXᵉ siècle.
L'opposant palestinien Samer Siniljawi estime que le «seul État qu'il faut convaincre de reconnaître l’État palestinien, c'est Israël. Sans cela, il ne se passera rien». Le ministre israélien des Affaires étrangères s'est exprimé à juste titre: «La paix ne sera atteinte que dans un contexte bilatéral et non par des décisions prises à Paris ou à Madrid.» Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, faisant écho à ces déclarations, considère que «si l'on reconnaît sur le papier quelque chose qui n'existe pas, le problème pourrait sembler résolu, alors qu'il ne l'est pas».
Emmanuel Macron semble ignorer les mutations profondes induites sur le plan régional par le 7 octobre 2023. S. Siniljawi enchaîne en disant: «Ceux qui considèrent que la solution à deux États est la meilleure ont raison. Mais entre l'idéal et la réalité, il y a un fossé énorme. Depuis le 7 octobre, la coexistence pacifique entre les Israéliens et les Palestiniens relève du domaine de l'utopie. La population israélienne ne veut pas d'un État palestinien. Elle pense qu'un tel État serait un foyer de terrorisme et la source de nouveaux 7 octobre.» Isabelle Lasserre estime à juste titre que «le lien établi entre la reconnaissance et la solution des deux États ignore les différences entre ceux, parmi les Palestiniens, qui acceptent de vivre avec Israël et ceux qui veulent l'effacer du Proche-Orient et installer leur État de la rivière à la mer». En contrepartie, la radicalisation en milieu israélien poursuit son cours.
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