Financement libyen en France: l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine est mort
L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine arrive au bureau de la police anti-corruption (OCLCIFF) à Nanterre, le 17 novembre 2016, pour son audition après avoir reconnu avoir livré trois valises remplies d’argent du dirigeant libyen à l’ancien président français Nicolas Sarkozy. ©Philippe Lopez / AFP

L'un des grands protagonistes des affaires politico-financières françaises des 30 dernières années s’est éteint: l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine est mort mardi à Beyrouth, à deux jours de la décision du tribunal correctionnel de Paris sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle 2007 de l'ex-président Nicolas Sarkozy.

M. Takieddine était visé par un mandat d'arrêt dans ce dossier.

Sa mort, annoncée par le journal Le Point, a été confirmée à l'AFP par l'avocate française de M. Takieddine, Me Elise Arfi, et par une source au sein de sa famille.

D'après cette dernière, l'intermédiaire de 75 ans «était détenu à la prison de Tripoli (nord du Liban) depuis un mois sur la base d’une action en justice intentée par son avocat (libanais) qui affirmait qu’il ne l’avait pas payé», et est décédé à l'hôpital après une crise cardiaque.

Cet homme, connu pour ses déclarations fluctuantes, avait mis en cause à de multiples reprises l'ancien chef de l'État français Nicolas Sarkozy pour avoir reçu des financements de la part du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi et de ses lieutenants.

Dès mai 2012, Ziad Takieddine assurait à la presse que le financement de la campagne de l'ex-président français par la Libye était «la vérité».

Nicolas Sarkozy avait en retour constamment vilipendé celui qu'il qualifiait de «grand manipulateur».

En 2016, Takieddine affirme dans Mediapart avoir convoyé entre novembre 2006 et début 2007 «cinq millions d'euros» dans des valises lors de trois voyages entre Tripoli et Paris, remis en deux fois à Claude Guéant, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, mais aussi à l'ancien chef de l'État lui-même.

Ces derniers avaient farouchement démenti.

Ziad Takieddine avait été mis en examen dans cette enquête sensible.

Cet homme volubile, haut en couleurs, et parfois confus dans ses explications, avait connu en parallèle d'autres soucis judiciaires sur des dossiers plus anciens.

La cour d'appel de Paris a en effet confirmé début 2025 sa condamnation à cinq ans de prison ferme dans le volet financier de la tentaculaire affaire Karachi, un système de commissions occultes sur des contrats d'armement français avec l'Arabie saoudite et le Pakistan au mitan des années 1990.

Ziad Takieddine avait quitté la France pour se réfugier au Liban quelques jours avant sa condamnation dans cette affaire en première instance, mi-2020.

En fuite, il était visé par un mandat d'arrêt dans le dossier libyen. En raison du décès de l'intermédiaire, le tribunal de Paris, qui doit rendre jeudi son jugement dans ce dossier, devrait déclarer l'action publique éteinte à son encontre.

Volte-face

Au Liban, Ziad Takieddine avait fait plusieurs séjours en prison, notamment à cause du mandat d'arrêt français.

Mais comme le Liban n’extrade pas ses ressortissants et que Ziad Takieddine avait fait appel en France, la justice libanaise l’avait libéré en avril avec une interdiction de quitter le territoire libanais.

Le septuagénaire avait déclenché un dernier big bang, fin 2020: il avait rétracté près de dix ans d'accusations de financement de Nicolas Sarkozy par la Libye, soutenant cette fois que l'ex-président n'avait pas bénéficié de cet argent.

Des propos «déformés», corrigeait deux mois plus tard Ziad Takieddine, une volte-face temporaire analysée depuis par la justice comme une possible subornation de témoin, et qui vaut une mise en examen à plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni-Sarkozy.

Ziad Takieddine est mort au Liban où il était né, le 14 juin 1950, dans une grande famille druze implantée dans les hautes sphères du pays.

L'intermédiaire y a d'abord été publicitaire, avant de quitter son pays, déchiré par la guerre civile, pour Londres.

Dans les années 1980, il est placé à la tête de la station alpine Isola 2000, dans le sud de la France, et noue des liens avec de hauts responsables de droite.

Grâce à ces connaissances et son entregent, il s'immisce dans la négociation de contrats de défense au cœur de l'affaire Karachi. Il mène alors grand train et couvre de cadeaux ses relations politiques.

Mais son influence va ensuite décliner, entre un divorce difficile avec son épouse, la concurrence de son ennemi juré, l'homme d'affaires Alexandre Djouhri et le début de ses ennuis judiciaires.

AFP

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