
Le musée d'Orsay consacre une grande exposition au peintre américain John Singer Sargent (1856-1925), figure majeure du portrait à la fin du XIXe siècle, encore méconnue en France. Réalisée en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York, cette rétrospective réunit 90 œuvres, principalement peintes avant les 30 ans de l’artiste, lors de son séjour à Paris. Elle met en lumière l’audace de son regard, son influence sur la mode, et la modernité de son approche picturale.
Le musée d'Orsay à Paris présente à partir de mardi une première grande exposition consacrée au phénomène américain de la peinture John Singer Sargent (1856-1925), très connu aux États-Unis et en Angleterre mais peu en France, où ses portraits ont fait fureur à son époque et inspiré la haute couture.
Conçue en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York (Met), où elle a été présentée au printemps, cette exposition rassemble 90 œuvres dont une soixantaine de tableaux provenant de prêts exceptionnels.
«Tous les tableaux exposés ont été peints avant ses 30 ans», souligne Caroline Corbeau-Parsons, commissaire de l'exposition avec Paul Perrin. Sargent vit alors à Paris où il est arrivé à 18 ans pour se former.
Parmi ces œuvres, un portrait, peint en 1884, de Virginie Gautreau alias «Madame X», femme du monde d'origine américaine dont l'artiste tait le nom. D'une blancheur d'albâtre, elle y est représentée en robe noire fourreau avec une bretelle qui tombe, «un scandale» pour le Salon, foire d'art contemporain incontournable de l'époque, qui le juge «indécent». Le peintre modifiera le tableau en repeignant l'objet du délit.
Joconde du Met pour certains historiens de l'art, ce portrait, acquis par le grand musée américain en 1916, a aussi inspiré nombre de créateurs dont le célèbre couturier allemand Karl Lagerfeld, selon les spécialistes.
John Singer Sargent s'exilera peu de temps après à Londres. Il y résidera jusqu'à la fin de sa vie tout en continuant de venir à Paris et à Giverny, où il peindra son ami Claude Monet.
Parallèlement à l'exposition à Orsay, trois de ses toiles provenant d'une collection privée américaine sont exposées chez Christie's à Paris. Elles voyageront ensuite à Londres et à Taipei avant une vente aux enchères en novembre à New York, selon la maison de vente qui table sur «12 à 17 millions» de dollars (10 à 14 millions d'euros) de recettes pour l'ensemble, a-t-elle précisé à l'AFP.
«Plein d'audace»
Né à Florence (Italie) de parents américains expatriés, John Singer Sargent est très connu aux États-Unis, où il n'a pourtant jamais vécu, et en Angleterre, où il a passé une grande partie de sa vie. Après avoir sillonné l'Europe avec sa famille, enfant, il se forme à Paris où il restera une dizaine d'années.
«Immédiatement reconnu pour sa maîtrise phénoménale de la technique du dessin et de la peinture, il est aussitôt accepté aux Beaux-Arts», explique à l'AFP Mme Corbeau-Parsons.
«Il peint directement sur la toile à la manière de Vélasquez, qu'il admire, mais avec un regard très moderne et plein d'audace sur ses contemporains, représentés dans des positions naturelles, inhabituelles, dont il saisit la psychologie», ajoute-t-elle. Les commandes affluent et feront sa renommée internationale.
Ses choix de situations, de vêtements sophistiqués et de couleurs, comme un homme peint en robe de chambre rouge sur fond rouge (Le docteur Pozzi dans son intérieur) ou des enfants ayant l'air de défier celui qui les regarde (Les enfants Pailleron), «rappellent le cadrage d'un (réalisateur comme) Wes Anderson, les intérieurs plongés dans la pénombre, ceux d'un Martin Scorsese", estiment les commissaires.
Cosmopolite et polyglotte, pianiste chevronné, Sargent voyage beaucoup. Des carnets de dessins réalisés lors de sa traversée vers les États-Unis à 20 ans ou la vue vertigineuse du pont du bateau en pleine tempête attestent de son sens aigu de l'observation et du spectaculaire.
Il développe une passion pour l'Espagne et l'île italienne de Capri, où il compose une série lumineuse de tableaux d'enfants et peint un modèle professionnel, Rosina Ferrara.
Ces toiles comptent parmi les pépites de l'exposition avec Fumée d'ambre gris, un tableau inspiré d'un voyage au Maroc, conservé au musée américain Clark Art Institute (Massachusetts) et, selon Mme Corbeau-Parsons, «considéré comme un chef-d’œuvre».
Par Sandra BIFFOT-LACUT / AFP
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