
Les annonces répétées de ces dernières semaines concernant l’adjudication prochaine de l’aéroport de Kleïate, également appelé aéroport René Moawad, ne manquent pas de susciter l’attention de l’opinion publique. Ce battage médiatique, renforcé par des déclarations évoquant d’éventuels financements en provenance de pays arabes, semble puiser sa force dans la charge symbolique que revêt ce projet, autrement dit la valeur ou le message que ce projet véhicule au-delà de son utilité pratique ou économique.
Marchés publics lourds
Au-delà des défaillances des infrastructures au Liban, les responsables politiques exploiteraient l’annonce de la réouverture d’un aéroport inutilisé depuis longtemps pour redonner espoir aux Libanais. Cette mise en scène vise à montrer qu’un projet moderne de développement est en cours dans un contexte d’immobilisme économique et d’attentisme politique.
Quant aux annonces liées à des financements étrangers ou à leur adjudication, elles pourraient envoyer un signal aux citoyens et aux acteurs régionaux, au-delà de l’aspect technique du projet. En effet, le projet de réhabilitation de l’aéroport de Kleïate représente des contrats publics conséquents, attisant les convoitises des entreprises, les calculs des décideurs et l’espoir de nouvelles occasions d’emploi pour les Libanais.
L’étude de faisabilité
L’étude de faisabilité et le plan directeur de l’aéroport de Kleïate, offerts par le cabinet Dar el-Handasah, ont été remis depuis plus d’un mois au Premier ministre, Nawaf Salam, et au ministre des Travaux publics, Fayez Rassamni. Le projet, estimé à 200 millions de dollars, bute désormais sur une question cruciale: quel modèle de partenariat public-privé choisir? BOT (Build, Operate, Transfer) ou DBOT (Design, Build, Operate, Transfer)?
Au-delà de l’équation technique et financière, la réhabilitation de l’aéroport René Moawad pourrait transformer l’équilibre du transport aérien au Liban. En désengorgeant l’Aéroport international de Beyrouth, Kleïate donnerait un nouveau souffle à l’économie du Nord et créerait près de 5.000 emplois directs. Sa position stratégique est tout aussi déterminante: situé à 7 km de la frontière syrienne, à 26 km de Tripoli et à 105 km de Beyrouth, il soulève d’inévitables questions de sécurité et de contrôle des flux régionaux.
Pour les habitants du Akkar et de la Békaa, le bénéfice est évident. Un résident du Hermel, contraint aujourd’hui de parcourir 180 km pour atteindre l’aéroport de Beyrouth, n’aurait plus qu’une vingtaine de kilomètres à franchir pour embarquer à Kleïate.
Dans un contexte d’attentisme politique, ce chantier devient le symbole d’un Liban tourné vers la prospérité de demain. D’où un battage médiatique savamment entretenu, où les considérations techniques s’entremêlent avec les calculs politiques.
Commentaires