
À la Mostra de Venise, les romans s'imposent comme une source majeure d'inspiration pour le cinéma. Alors que plusieurs films français en compétition sont adaptés d’œuvres littéraires, le marché des droits d’adaptation connaît un essor sans précédent. Éditeurs et producteurs se retrouvent sur le Lido pour transformer les succès de librairie en scénarios, portés par une demande toujours plus forte, notamment des plateformes de streaming comme Netflix.
Comme les trois films français en lice à Venise, dont L'étranger qui porte à l'écran le livre d'Albert Camus, les adaptations de romans en films fleurissent cette année à la Mostra, devenue un rendez-vous à ne pas manquer pour les éditeurs du monde entier.
À l'hôtel Excelsior, l'établissement de luxe qui accueille les stars du festival sur le Lido, une aile a été réservée pour le marché des adaptations.
Chaque maison d'édition dispose d'une petite table où sont organisées des rencontres avec des producteurs, pour ‘’pitcher" les livres qu'elles estiment les plus à même d'être portés sur grand écran.
Netflix gourmand
«Il y a de plus en plus de producteurs qui souhaitent nous voir plusieurs fois dans l'année pour voir les nouveautés qu'on prépare», explique Frédérique Massart, directrice des droits audiovisuels chez Madrigall, le groupe familial des Gallimard.
Gallimard, avec trois livres adaptés au cinéma, bénéficie d'un joli coup de projecteur à la Mostra.
Frédérique Massart y est venue avec une vingtaine de livres en tête, qu'elle a distribués à divers producteurs, espérant désormais qu'ils les lisent.
«Certains producteurs ne s'intéressent qu'aux best-sellers, d'autres sont à la recherche d'histoires originales», explique Lücienne van der Leije, qui s'occupe des droits d'adaptation d'une maison d'édition hollandaise, Singel.
«Notre travail, c'est de connaitre un maximum de producteurs et de bien connaitre leurs goûts», détaille-t-elle. «Certains d'entre eux nous donnent même des devoirs» pour trouver des auteurs, en expliquant les thèmes qui les intéressent ou le genre d'histoires qu'ils voudraient raconter.
Ces dernières années, elle a constaté une forte augmentation de la demande. «Netflix a besoin de nouveaux films, de nouvelles séries en permanence» et signe des centaines de contrats provisoires pour obtenir les droits d'adaptation, affirme Mme van der Leije.
Hasard pour Donzelli
Peu vont finalement au bout, affirme-t-elle. Mais «l'envie est forte de faire de plus en plus de films».
Cette année, plusieurs films présentés à Venise sont tirés de romans, à commencer par quatre productions françaises (dont trois en compétition) mais aussi No other choice, de Park Chan-wook. Sans compter les adaptations de classiques comme le Frankentein de Benicio del Toro.
«J'ai découvert le livre parce que je suis allée dîner chez ma monteuse qui l’avait sur sa table», a raconté à l'AFP la réalisatrice, Valérie Donzelli qui a mis en scène À pied d'œuvre, adapté du roman de Franck Courtès.
«J'ai commencé à le lire et j'ai tout de suite vu le film que je pourrais faire avec», a-t-elle poursuivi. Son long-métrage raconte la trajectoire d'un homme renonçant à sa vie confortable pour se lancer dans l'écriture.
Pour Le mage du Kremlin, best-seller sorti en 2022 sur le pouvoir en Russie et l'installation du régime autoritaire de Vladimir Poutine, la connexion avec le cinéma a été poussée directement par l'auteur.
Giuliano da Empoli a choisi d'envoyer son roman à Olivier Assayas pour le convaincre de réaliser l'adaptation.
«Probablement parce que j'ai réalisé Carlos (sur le terroriste Ilich Ramirez Sanchez) et que j'avais déjà raconté une histoire contemporaine avec des personnages réels. C'est aussi simple que ça», a détaillé le réalisateur, qui a d'abord été réticent à embarquer dans le projet.
Finalement, la présence de l'écrivain Emmanuel Carrère pour écrire le script du film, excellent connaisseur de la Russie et ami de longue date du réalisateur, a fini de le convaincre.
Par Antoine GUY / AFP
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