
Le Liban s’apprête à accueillir, dans les prochains jours, deux émissaires de premier plan, au moment où son gouvernement se prépare à une séance cruciale du Conseil des ministres. L’envoyé spécial français, Jean-Yves Le Drian, et la diplomate américaine, Morgan Ortagus, reviendront à Beyrouth pour relancer des discussions où s’entrecroisent les questions de sécurité, de désarmement et de reconstruction.
Les visites diplomatiques attendues
Jean-Yves Le Drian, mandaté par le président français Emmanuel Macron, doit rencontrer les autorités libanaises afin de préparer deux conférences internationales: l’une destinée à soutenir la reconstruction du pays, l’autre centrée sur l’appui à l’armée libanaise. La France, co-parrain du cessez-le-feu conclu en novembre 2024 entre Israël et le Liban, cherche à préserver cette trêve fragile tout en mobilisant les partenaires internationaux autour de la relance économique et institutionnelle.
De son côté, l’émissaire américaine Morgan Ortagus a affirmé, lors de son dernier déplacement à Beyrouth, aux côtés de l’ambassadeur Tom Barrack et du sénateur Lindsey Graham, que les États-Unis reconnaissent et soutiennent les institutions légitimes du Liban – en particulier l’armée libanaise et le gouvernement central – comme seule voie vers un avenir souverain et stable.
À Washington, M. Barrack a rappelé l’urgence d’un «plan crédible» de désarmement, en échange d’un soutien économique et d’investissements régionaux.
Les enjeux de la réunion du Conseil des ministres
La prochaine séance du Conseil des ministres, prévue vendredi, sera dominée par la présentation d’un plan sécuritaire par le commandement de l’armée libanaise. Le général Rodolphe Haykal devrait exposer les modalités possibles d’un déploiement élargi des forces armées, tout en soulignant les limites actuelles: insuffisance logistique et financière, absence de consensus politique et risque de confrontation directe avec le Hezbollah ou avec Israël.
Plusieurs scénarios sont envisagés. Le gouvernement pourrait entériner le principe du plan tout en reportant son exécution, en invoquant l’absence d’engagements parallèles de la part d’Israël et de la Syrie. Une telle décision permettrait de montrer une volonté de coopération vis-à-vis des pressions internationales, tout en réduisant le risque d’escalade interne. Un autre scénario consisterait à entrer dans une phase d’application partielle, limitée aux zones où l’armée peut se déployer sans heurts, ce qui offrirait un signal politique mais poserait la question de la viabilité opérationnelle. Enfin, l’hypothèse d’un blocage complet reste sur la table, si les divisions internes rendent impossible tout compromis.
Pour l’heure, les ministres proches du tandem chiite semblent vouloir, a priori, assister à la séance ministérielle. Le ministre des Finances, Yassine Jaber, a confirmé lundi qu'il «participerait à la réunion du gouvernement vendredi visant à approuver le plan de désarmement» des milices.
Un député du Hezbollah, Ali Mokdad, a cependant indiqué dans une interview à la presse que la participation des ministres du Hezbollah et du mouvement Amal à la réunion de vendredi n’est pas encore tranchée.
Selon lui, celle-ci dépend des résultats des tractations menées en amont, «dont notamment un possible report de la séance afin de permettre davantage de concertations internes, ou la révision des décisions erronées prises lors des séances des conseils des ministres des 5 et 7 août».
Le député a révélé que le Hezbollah est pour «un report de toute discussion sur les questions de souveraineté jusqu'à ce qu'une stratégie de défense nationale soit établie».
Mais, a-t-il dit, si le plan proposé par l’armée est «jugé acceptable et raisonnable, dans le cadre d’un dialogue national interne, nous n’y verrons pas d’objection».
Une équation ouverte
Les visites des émissaires Le Drian et Ortagus s’inscrivent donc dans un contexte dans lequel le Liban tente de concilier des attentes internationales fortes avec un équilibre interne fragile. Entre reconstruction, soutien à l’armée et débat sur le désarmement, les prochains jours pourraient déterminer si le pays s’oriente vers une dynamique de compromis ou vers une prolongation du statu quo.
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