
La guerre en Europe n’est plus un scénario impossible : le ministère de la Santé se prépare à collaborer avec le ministère de la Défense pour que les hôpitaux civils puissent, le cas échéant, accueillir un afflux important de soldats blessés sur le vieux continent.
Dans une instruction révélée cette semaine par Le Canard enchaîné, et consultée par l’AFP, le ministère demande aux agences régionales de santé (ARS) de préparer l’installation, en cas de besoin, de centres médicaux de transit (CMT), sorte de gares de triage régionales de patients arrivant du front.
Ces plateformes auront pour mission d’orienter au mieux les blessés dans les hôpitaux civils – et également de les rapatrier vers leur nation d’origine lorsque les soins sont terminés.
Au niveau national, l’État, qui agit en coordination avec l’Otan et l’Union européenne, se prépare à un scénario permettant la prise en charge «de 100 patients par jour pendant 60 jours consécutifs sur l’ensemble du territoire», avec des «pics d’activité atteignant 250 patients par jour pendant trois jours consécutifs», rappelle le document.
La démarche «fait partie de l’anticipation, comme les stocks stratégiques, comme les épidémies», a expliqué la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, cette semaine sur RMC.
«Souvenez-vous», au moment du Covid «il n’y avait pas de mots assez durs sur l’impréparation du pays. Il est tout à fait normal que le pays anticipe les crises, les conséquences de ce qui se passe. Cela fait partie de la responsabilité des administrations centrales, et heureusement», a-t-elle ajouté.
Le cabinet du ministre de la Santé, Yannick Neuder, a pour sa part précisé que la création des centres médicaux de transit s’intégrait dans les dispositifs Orsan, qui regroupent dans chaque région les plans de réponse de toutes les situations sanitaires exceptionnelles.
Sur le fond, la démarche du ministère de la Santé «est une déclinaison de la revue nationale stratégique de 2025», qui affirme la volonté de la France d’être prête à affronter un conflit de haute intensité, a expliqué de son côté une source proche de l’exécutif à l’AFP.
Conflit en limite de l’UE
«Le scénario +dimensionnant+ n’est plus l’opération en Afrique, mais bien le conflit en limite de l’Union européenne, avec des +rétroactions+ (NDLR : conséquences) sur le territoire national», a-t-elle ajouté.
Comme les autres ministères, le ministère de la Santé doit s’adapter à ces nouveaux postulats, a-t-elle ajouté. Le ministère «a appris du Covid», a ajouté cette source : «Improbable ne signifie pas impossible.»
Publiée en juillet, la revue stratégique met en avant la nécessité de «mobiliser la Nation entière» face aux menaces. À charge pour chaque ministère de mener des «travaux d’anticipation» dans son domaine, comme par exemple la protection des hôpitaux contre les attaques cyber.
Infrastructures d’eau, de transport, d’énergie ou de santé, «de plus en plus, la Russie s’en prendra à nous (...) c’est une forme d’état d’alerte permanent», a observé jeudi le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, devant le Medef.
La revue stratégique prévoit également que «le renforcement du service de santé des armées et la modernisation de ses capacités de soutien et de ravitaillement seront effectifs dès 2026», selon la source proche de l’exécutif.
Selon l’instruction du ministère de la Santé, les agences régionales de santé doivent notamment prévoir les lieux susceptibles d’accueillir les centres médicaux de transit, et établir un «premier dimensionnement en moyens humains et matériels».
«Une localisation à proximité d’une emprise routière, ferroviaire, aérienne ou maritime existante en mesure d’absorber les flux générés sera privilégiée», indique-t-elle.
Par ailleurs, le document appelle les ARS à faire «une large sensibilisation de la communauté soignante aux contraintes d’un temps de guerre, marqué par la raréfaction des ressources, l’augmentation des besoins, et la survenue d’éventuelles rétro-actions sur notre territoire».
«Les tensions majeures générées par ces afflux de patients dans un contexte dégradé appelleront une mobilisation massive des professionnels de santé», y compris des libéraux, souligne le document signé par le directeur général de la Santé, Didier Lepelletier.
Par Laurent BARTHELEMY/AFP
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