«Le Liban est sur la bonne voie», ont assuré mardi les deux émissaires américains Tom Barrack et Morgan Ortagus, reçus au palais de Baabda par le président Joseph Aoun.
Au cours de l’entretien, qui s’est déroulé en présence des sénateurs Jeanne Shaheen et Lindsey Graham, et de l’ambassadrice américaine, Lisa Johnson, ils ont remis au chef de l’État la réponse israélienne aux propositions libanaises concernant la feuille de route américaine, et évoqué les étapes à venir, notamment le désarmement des milices et la sécurisation des frontières.
Lors d’une conférence de presse, Tom Barrack a souligné qu’Israël est «prêt à accompagner pas à pas le gouvernement libanais» dans la mise en œuvre de cette feuille de route, conformément au principe de réciprocité annoncé la veille par le Premier ministre Benjamin Netanyahou.
Il a insisté sur le fait qu’Israël «ne cherche pas à occuper le Liban» et qu’un retrait est possible, à condition de voir des mesures concrètes sur le terrain – coupant ainsi court aux accusations du Hezbollah dont le chef, Naïm Kassem, attribue régulièrement à Tel-Aviv des «ambitions expansionnistes» dans ses tentatives de justifier le maintien de ses armes.
L’émissaire américain a appelé Beyrouth à entamer des négociations directes avec Israël et affirmé que Washington «travaillera aux côtés du Liban pour améliorer la vie des Libanais, que l’Iran le veuille ou non».
Selon lui, le processus de désarmement du Hezbollah est «historique et irréversible», la formation pro-iranienne étant appelée à devenir un parti politique. «La communauté chiite représente 40% de la population libanaise qui aspire à la stabilité et à la prospérité», a-t-il dit, avant d’ajouter: «Le président Donald Trump veut voir le Liban prospère et que les armes soient retirées. De leur côté, les trois pôles du pouvoir essaient de faire de leur mieux pour assurer la prospérité du Liban. Pourquoi le Hezbollah devrait-il rester armé?»
Mandat de la Finul
Il a fait état d’un plan pour compenser financièrement ceux qui, au sein du Hezbollah abandonneront les armes, et soutenu que l’armée est parfaitement capable d’assurer la stabilité sur l’ensemble du territoire.
Dans ce contexte, il a annoncé que le mandat de la Finul, qui expire le 31 août, va être prolongé d’une année seulement. «Nous payons un milliard de dollars par an à la Finul et le Liban est toujours dans une impasse, pris en étau entre Israël et le Hezbollah», a-t-il observé, estimant que la solution est «dans le recours à l’armée et non pas à une force internationale».
Pour ce qui est des relations avec la Syrie, l’émissaire américain a indiqué que le président Ahmad el-Chareh «souhaite parvenir à un accord sur la délimitation des frontières avec le Liban et établir des relations, fondées sur la coopération, avec le pays».
Les propos de Shaheen et Graham
Les sénateurs américains Jeanne Shaheen et Lindsey Graham, membres de la délégation américaine, ont aussi tenu une conférence de presse à l’issue de leur réunion au palais de Baabda avec le président Joseph Aoun.
Ils ont réaffirmé le soutien des États-Unis aux «décisions courageuses du Liban en matière de sécurité nationale et de désarmement du Hezbollah».
Selon la sénatrice Shaheen, «nous avons tenu une réunion extrêmement productive avec le président Aoun. Nous soutenons la décision courageuse du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah». Elle a ajouté que «bien que le désarmement du Hezbollah soit une étape difficile, il est crucial pour la stabilité et la sécurité du pays».
Shaheen a confirmé la volonté américaine de financer les efforts de l’armée libanaise, ainsi que l’économie, afin de garantir la sécurité et la prospérité du pays.
Pour sa part, le sénateur Lindsey Graham a souligné que «l’agenda du Hezbollah n’est pas aligné sur les intérêts du peuple libanais» et que «les capacités de l’Iran ont été considérablement affaiblies». Il a précisé que «lorsque le Hezbollah sera désarmé, des discussions pourront avoir lieu sur le retrait d’Israël des cinq points de présence au Liban». Graham a ajouté: «Il est dans l’intérêt de tous de défendre la diversité religieuse dans la région. Nous aiderons le Liban à avancer dans cette voie.»
Décision de guerre et de paix
Plus tard, la porte-parole du Palais présidentiel, Najat Charafeddine, a annoncé qu’au cours de la rencontre, la situation au Liban et dans la région a été abordée, ainsi que les résultats des discussions menées par la délégation américaine en Israël et en Syrie.
Elle a indiqué que le président Aoun a remercié les États-Unis pour leur intérêt constant envers le Liban et leur engagement à l’aider. Il a réaffirmé l’engagement ferme du Liban envers l’accord de cessez-le-feu, conclu en septembre 2024 avec Israël, et la feuille de route proposée par les États-Unis pour le Liban.
Lors de cet échange, le chef de l’État a tenu à souligner que « la décision de guerre et de paix relevait exclusivement de l’autorité de l’État libanais », écartant ainsi toute légitimité à une prise de décision armée en dehors des institutions étatiques.
Il a également appelé Washington à poursuivre ses efforts diplomatiques avec toutes les parties concernées, ainsi qu’avec les pays amis du Liban, «en vue d’accélérer les efforts de reconstruction et de relance nationale».
Mme Charafeddine a ensuite indiqué que la délégation américaine a informé le président Aoun des résultats de sa visite récente à Damas. Le chef de l’État a fait part de sa satisfaction face aux réponses transmises.
Il a réaffirmé « la disponibilité immédiate du Liban à s’atteler à la résolution des dossiers bilatéraux en suspens, dans un esprit de fraternité, de coopération, de bon voisinage et dans le respect des relations historiques entre les peuples libanais et syrien ». Il a également insisté sur « le soutien total du Liban à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie ».
Enfin, le président Aoun a salué les positions exprimées par les membres de la délégation concernant la vision américaine pour sauver le Liban, a poursuivi Mme Charafeddine, en précisant que celle-ci est fondée sur trois piliers.
Le premier est relatif à «la stabilité sécuritaire, par le monopole de l’arme et de la décision de guerre et de paix entre les mains exclusives de l’État».
Le deuxième concerne «la prospérité économique» et le troisième se rapporte à «la préservation de la démocratie consensuelle, qui garantit la protection de toutes les composantes de la société libanaise dans le cadre d’un système pluraliste et libre grâce auquel elles sont toutes égales devant la loi et partenaires à part entière dans la gestion de l’État et des affaires publiques».
Avec Berry et Salam
Plus tard, la délégation s’est rendu auprès du président de la Chambre, Nabih Berry, puis auprès du Premier ministre, Nawaf Salam, au Sérail, pour leurs communiquer les réponses israélienne et syrienne aux requêtes libanaises. MM. Barrack et Ortagus se sont abstenus de toute déclaration à la presse à leur sortie de Aïn el-Tiné.
Mais priée de commenter le discours du chef du Hezbollah, Naïm Kassem, qui refuse toujours de se plier à la décision des autorités d’en finir avec les armes illégales, Mme Ortagus s’est contentée de répondre: “pathétique”.
Commentaires